Magazine Asie
Mon goût pour les cimetières ne se tarit jamais. A chacun de mes passages à Nice, je me retrouve sur le chemin qui grimpe la colline du Château. La côte est raide, surtout par la route escarpée qui sillonne le vieux Nice et qui s'achève par un long escalier. Arrivé en haut, il faut encore marché un peu.
Enfin, j'arrive aux grilles du cimetière. Ses anges silencieux surplombent toute la ville et je viens toujours les saluer.
Un rituel rassurant.
Ce cimetière est étonnant. Il est contrasté, contradictoire même, un amalgame hétéroclite de tombes et de monuments tantôt d'une tristesse poignante tantôt d'un humour piquant. Et puis, il y a ces détails insolites qu'on découvre après avoir arpenter ses allées en terrasses trop de fois.
Jamais je ne me lasse.
Les cimetières du sud de la France ont quelques choses d'exotique avec leur plantes grasses et leur cactées hirsutes, des végétaux ronds et souvent cocasses qui changent des sempiternelles chrysanthèmes.
Les succulentes charnues fidèles compagnes des étés méditerranéens et la rouille, amie des embruns. La mer est juste en contre-bas.
Une tombe avec une croix celtique attire mon attention. Cachée derrière un palmier. Une association surprenante pour une âme si jeune. Je me souviens d'une autre tombe, dans un autre cimetière sous le soleil.
J'aime ce lieu qui m'aide à me souvenir de la brièveté de la vie. Sans culpabilité. Juste profiter de ma respiration, du soleil qui me brûle les yeux. Moi, vivante, aux milieux des ossements, des pierres sculptées, des empreintes d'autres humains.
Des résidus d'émotions devenus éternels, figés dans la pierre. Et pourtant, encore assez violents pour toucher ceux qui bougent encore.
Le deuil. La perte irrémédiable.
Un gouffre de tristesse.
L'amour aussi. Une communion, un lien. Une joie douce.
Ici, tout est sujet à l'interprétation, à la projection. Je n'ai jamais trouvé les cimetières morbides. Ici, il n'y a ni malaise ni sensation d'une gène prégnante.
Au contraire, la tranquillité règne. Une tranquillité bienveillante; comme un baume pour les petits aléas désagréables et les remous de l’existence.
Ici, la vie côtoie l'immobile.
Les tentatives des hommes pour fixer leur peine et leur hommages par le minéral. Des copies pastelles inadéquates et pourtant touchante, de l'indicible beauté de la nature.
L'infini et l'éternel sont ailleurs.
Mais les rêves et les espoirs eux tapissent les allées, s’égrainent et flétrissent avant de s'accumuler, pousser par le vent, dans les interstices.
Et puis, certains n'oublient pas que la vie est une fête, qu'il y a du rire et de l'humour même quand elle se termine.
La tombe la plus étrange du cimetière est ornée d'une sculpture qui ne dépareillerait pas dans un film de zombie !
Le cercueil s'entrouvre.
Une main cadavérique soulève le couvercle.
L'ange écoute. Des raclements, des grognements.
Il pointe vers le ciel. Montre le chemin.
D'autres ont opté pour des gardiens poilus. Et visiblement, pour sa majesté des animaux, c'est l'heure de la sieste.
À moins que se ne soit celle du thé...
Copyright : Marianne Ciaudo