La belle verte (1996) - Coline Serreau
Quelque part dans l'univers existe une planète dont les habitants évolués et heureux vivent en parfaite harmonie. De temps en temps quelques-uns d'entre eux partent en excursion sur d'autres planètes. Curieusement, depuis deux cents ans plus personne ne veut aller sur la planète Terre. Or un jour, pour des raisons personnelles, une jeune femme décide de se porter volontaire. Et c'est ainsi que les Terriens la voient atterrir en plein Paris.Sous la forme d'un conte philosophique, le film aborde des thèmes aussi divers que l'anti-conformisme, l'écologisme, la décroissance, le féminisme, l'humanisme, le pacifisme, les valeurs sociales ou encore le rejet des technologies nuisibles par le biais de dialogues ou de situations humoristiques. Les références à la spiritualité New Age sont très appuyées (télépathie, magnétisme, venues sur terre pour aider les humains à s'élever et parler vrai se révéler, philosophie de la nature, etc).
Sorti en 1996, et plutôt mal accueilli à une époque où tout allait bien, du moins en surface, ce film est plus pertinent qu'il ne l'était 16 ans auparavant.
Alors que nous sommes en mal de repères porteurs, que le constat d'un monde qui "part en sucette" est quasi général, "La Belle Verte" aide paradoxalement à prendre du recul. Non content de critiquer avec pertinence notre société, le film va plus loin en indiquant une piste de réflexion pré-révolution : la déconnexion. Grâce à l'exemple d'une planète au premier abord loufoque, c'est tout un modèle de société qui est proposé.
Bande annonce du film "La belle verte" 1996
Remise en cause d'une société post-moderne, la nôtre
A travers le regard d'un visiteur venu d'ailleurs, nos postulats sont allègrement torpillés par l'exposition des non sens de notre quotidien. L’habileté de la critique est d'user d’innocence et d'incompréhension plutôt que de jugements et de condamnations. Cela confère au film un comique de situation aussi drôle qu'intrigant, d'abord on rit, ensuite on réfléchit.
Par exemple, au début du film, un habitant de la Belle Verte tente d'expliquer le cas singulier de la planète Terre : "Comme c'est une grosse planète, il y a eu la dérive des continents ; ça fait que des sortes d'humains très différents sont apparus très loin les uns des autres. Alors le jour où ils se sont rencontrés, les plus dégénérés se sont crus supérieurs à tout le monde, ça a été le massacre, et maintenant, c'est les plus dégénérés qui dominent tout !"
Tout au long du film, les personnages réalisent comment la technologie, les artifices et le matérialisme restreignent une prise en considération plus globale, responsable et durable de notre condition d'Homme. Le spectateur, en suivant l'évolution de leurs prises de conscience, est incité à faire de même.
Extrait "Le rétroviseur" film "La belle verte" 1996