Un trait de caractère bien vendéen, la défense des idées: Henri Griffon, 55 ans, fait partie de ces fins limiers capables d'émotions esthétiques et d'un fort potentiel pour repérer et défendre les talents bien avant les autres. Président du Fonds régional d'art contemporain des Pays de la Loire depuis 2000, ce passionné a eu carte blanche pour présenter ses artistes favoris. "De Chaissac à Hyber: parcours d'un amateur vendéen", à l'Historial de la Vendée (Lucs-sur-Boulogne), jusqu'au 13 octobre.
"Il faut être dans l'intimité des artistes pour percevoir les chefs d'œuvre", explique avec flair et perspicacité le collectionneur, ami de nombreux artistes. Président du VIA (Valorisation de l'Innovation dans l'Ameublement) depuis juin 2013, c'est à ce chef d'entreprise à la double culture art et innovation, que le FRAC doit en partie d'avoir enrichi sa collection. Parmi les 1500 œuvres d'art acquises depuis 30 ans, Le peintre et son chien de Miquel Barceló, en 1983, l'année même de sa réalisation. Cette toile de l'artiste catalan est ainsi l'une des 50 œuvres du parcours que propose l'amateur vendéen. L'homme a su aussi constituer une collection avant-gardiste d'une très grande valeur, défendant la peinture laissée pour compte depuis sa mort annoncée par Marcel Duchamp et dont le regain d'intérêt aujourd'hui confirme son intuition. "Une collection se doit d'avoir un ensemble d'œuvres d'un même artiste. Nous sommes ainsi le FRAC qui avons le plus de Yan Pei-Ming depuis l'acquisition des 108 Brigands (1993)", lance-t-il avec fierté, évoquant ce peintre chinois qui figure désormais aux cimaises des plus grands musées du monde et dont Lieu de naissance du père de l'artiste (1996), propriété du FRAC des Pays de la Loire, est présentée dans l'exposition.
C'est devant Les Balises (1938) de Jules Lefranc, peintre "faussement naïf" présenté en regard de Chaissac qu'Henri Griffon avoue avoir eu son premier choc esthétique lorsqu'il était enfant alors que ce tableau de facture pop était exposé en 1965 au musée de l'Abbaye de sainte Croix aux Sables d'Olonne aux côtés du Normandie (1933). "Le phare au loin ressemble à une rampe de lancement. C'est Tintin sur la lune! Composition, couleurs... On pense à Giorgio De Chirico". Il s'agit de l'une de 4 œuvres de sa collection personnelle prêtées pour l'occasion. Un rêveur, Henri Griffon? Pas vraiment! Docteur en droit des sociétés, il a dirigé l'entreprise familiale d'ameublement Griffon SA, préside depuis 2011 le Comité professionnel de développement des industries françaises de l'ameublement et du bois, et depuis juin 2013, pilote le VIA, organisme pour lequel, en qualité de président, il va pouvoir aider au soutien de la création française et valoriser le design dans l'ameublement.
Pour fil conducteur de l'exposition, 50 œuvres importantes, à la fois rares et significatives dans le parcours d'un artiste. Ainsi cet étonnant Homme aux bras écartés (1947) de Chaissac accueille le visiteur tandis que d'autres surprises l'attendent. À commencer par La Vallée de l'Omo d'Hervé Télémaque, fresque de 13 mètres de long faisant le récit de l'aumonisation, commandée par la Cité des Sciences et de l'Industrie à Paris en 1986, mais soustraite aujourd'hui au regard du public. Plus loin, une œuvre récente de François Boisrond, Gestes (2011), scène composée d'après un arrêt sur image du film "Passion" (1982) de Jean-Luc Godard, hommage à la peinture et à la symbolique des gestes. Car avant tout Henri Griffon aime la peinture, et particulièrement le travail des peintres français, dont il se dit "militant". L'éclectisme apparaît comme le maître mot de cette exposition, qui inclut la figuration - Erro, Arroyo, Combas, Di Rosa, Barbier...- fait le grand écart de l'abstraction, avec François Morellet, 30 chefs-d'œuvre en 30 Figure (1988), réunit sculptures - avec les Camouflages de l'Ecossais Nathan Coley - et photographies - Bublex, Poitevin, Gronon et Tosani.
Trop souvent à l'étroit, chaque œuvre mériterait plus d'espace et un éclairage plus soigné. L'Historial vendéen, ce musée au toit végétal qui se confond dans le bocage au milieu des hautes herbes, n'est pas un lieu dont l'architecture se prête facilement à accueillir l'art contemporain. Néanmoins, il offre un écrin suffisant pour rappeler qu'en ce pays de résistants, des artistes ont vu le jour - François Morellet ou Fabrice Hyber - et d'autres y ont puisé l'inspiration comme Gaston Chaissac. "L'exposition reflète les engagements du FRAC des Pays de la Loire portés avant tout par une équipe, dont la politique d'acquisition a fait l'objet en juin dernier d'une publication Première collection pour une collection nomade: 2000-2012, commente Henri Griffon, avant de conclure: le luxe de la vie, ce sont les relations humaines".
"J'aurais voulu avoir 5 fois plus d'espace!" Interview audio d'Henri Griffon, commissaire de l'exposition "De Chaissac à Hyber: parcours d'un amateur vendéen"
Crédits photos:- Henri Griffon devant La Vallée de l'Omo d'Hervé Télémaque, Photo Alexia Guggémos
- Jules Lefranc, Le Lancement du Normandie (1933), Collection du Musée du Vieux-Château, Laval
- François Boisrond, Gestes (2011-2012), collection Galerie Louis Carré & Cie, copyright ADAGP Photo Adam Rzepka
Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.
Suivre Alexia Guggémos sur Twitter: www.twitter.com/@deliredelart