Un peu théorique et inapplicable ? Je vous l’accorde au premier abord. Mais en prenant des exemples, tout devient limpide. La nature est peut-être la meilleure pourvoyeuse d’exemples : on sait depuis les voyages dans l’espace que les os ont se décalcifient lorsque soumis à l’apesanteur. La pesanteur dans cette logique là est une forme de ‘stress’ (ou adversité, ou pression, peu importe les termes). Ce qui démontre bien qu’un os tire parti d’une forme de stress sans lequel il dépérit. Dans une exemple plus proche du monde de l’économie, il n’y qu’à penser à ces entreprises qui au bord du gouffre (ou y avançant à petits pas…) ont effectué des retournements de situation inattendus et inespérés (IBM dans les années ’90 ; GM récemment). Sans la menace d’une fin inéluctable, ces organisations n’auraient pas réussi à se retourner. Et, plus important encore, elles ont mis en place un système qui leur permet de réagir et bénéficier d’une environnement qui n’est pas porteur (il est vrai, parfois aussi parce que les encore plus faibles disparaissent avant). Dans le monde du travail, un dernier exemple intéressant cité par Taleb : c’est l’employé, et non l’indépendant qui a la situation la plus fragile, car s’il perd son job, il perd tout. L’indépendant a de multiples cordes à son arc, est habitué au stress de la recherche de mandats et l’adaptation fait partie de son ADN.
Mais que cela signifie-t-il pour nous dans le monde l’investissement ? Comment peut-on tirer parti de cette constatation que ‘ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort’ (Nietzsche) ?
A plusieurs niveaux d’abord à mon avis. Toute entreprise dont le management a prouvé non seulement de la résilience mais aussi la capacité à profiter (par des plus grandes parts de marché, une meilleure profitabilité, une coupure de coûts,…) des situations adverses devrait être sérieusement considérée pour un investissement. Bien entendu, elle peut ou peut ne pas verser des dividendes, mais j’ai envie de dire que les entreprises qui réussissent à profiter de l’adversité versent des dividendes ‘implicites’ en croissant (et en influençant donc positivement leur cours de bourse). C’est évidemment encore mieux si ces entreprises versent des dividendes (croissants…).
Mais l’’Antifragilité’ (Taleb nous rappelle qu’il n’existe pas de mot pour ce concept) est la définition de la réussite des entreprises qui rétribuent leurs actionnaires depuis si longtemps : elles ne sont pas tant robustes qu’elles sont ‘antifragiles’, elles ont la capacité de gagner de l’argent que la pièce soit tombée sur pile ou sur face, en sachant non seulement se jouer des circonstances, mais en en profitant.
Antifragile: Things That Gain From Disorder is a book by Nassim Nicholas Taleb published in November 2012 by Random House in the United States and Penguin in the United Kingdom.