On poursuit la semaine avec un second manga qui n’a rien de joyeux-joyeux mais qui s’avère très prenant. Après Green Blood voici l’un des titres phares du moment : L’attaque des Titans de Hajime Isayama, chez Pika Editions !
Le titre est publié depuis septembre 2009 chez Kodansha au Japon, sous le nom de Shingeki no Kyojin et compte désormais 11 volumes au compteur. Il est publié dans le Bessatsu Shônen, un mensuel créé en 2009 dont un seul titre nous est parvenu jusqu’ici : Sankarea. Pour revenir à notre série, nombre d’entre-vous la connaissent depuis avril 2013 pour son adaptation animée signée Wit Studio, une filiale des studios I.G., et diffusée sur la plate-forme Wakanim en France. Un film live nippon est en route et il est prévu pour 2014.
Les présentations sont faites, en route pour l’article !
Le dernier rempart de l’humanité a cédé…
Il y a 107 ans les titans ont décimé presque toute l’humanité, en les dévorant à pleines dents. Seule une poignée d’individus est parvenu à leur échapper et a construit une gigantesque citadelle pour s’y retrancher, derrière des murs de 50 mètres de haut qu’aucun géant ne peut normalement franchir… Normalement. Après un siècle de paix que l’humanité prenait pour acquise, un titan colossal et doué d’une intelligence inhabituelle arrive aux bords de l’enclos et perce son enceinte, laissant le champ libre à ses congénères. Entrainés mais impuissants, les humains de ce village avancé se font massacrer. C’est ainsi que la mère du jeune Eren, un jeune adolescent héros de notre histoire, est dévorée sous ses yeux.
Refusant de rester parqué comme du bétail dans la place forte, Eren désire maintenant se venger de ces titans qui ont détruit sa famille. Cinq ans après le massacre, il fait désormais parti de l’élite des soldats et décide de partir au front dans le bataillon d’exploration. Il est suivi de près par Mikasa, jeune fille qu’il a autrefois sauvé des griffes de kidnappeurs et qui veille sur lui depuis. Cependant, malgré toutes les capacités surhumaines de Mikasa et la détermination sans faille d’Eren, le combat contre les titans semble perdu d’avance : ils sont trop nombreux, trop forts et toutes les expéditions menées pour en savoir plus sur eux ou tenter de les repousser hors de la citadelle se sont soldées par des échecs cuisants… Et des morts inutiles.
Et malheureusement, cinq ans après sa première apparition, le titan hors-norme est de retour. Personne ne semble de taille à luter : les nouveaux bataillons se font trucider dès leur première sortie et même Mikasa a atteint ses limites. Jusqu’au moment où…
Le lancement de l’attaque
Avant de parler de ces deux premiers tomes sachez que, bien que lancé en 2009 au Japon, Shingeki no Kyojin est né bien plus tôt. C’est en 2006 qu’il est présenté à la maison Kodansha, mais seulement après qu’il ait été refusé par la Shueisha pour le Weekly Shônen Jump. L’éditeur nippon numéro 1 demande effectivement à Hajime Isayama de changer son style et ce dernier refuse, optant donc pour son concurrent. Le projet initial de la série remporte un award mineur au Magazine Grand Prix ou MGP et ne connaît pas encore de publication périodique.
Il s’écoule donc 3 ans, où Isayama remporte d’autres prix pour ses œuvres courtes Heart Break One et Orz . Il sera aussi assistant de Yuki Sato (Docteur Yokai). On suppose que tout ce temps est mis à profit pour murir L’attaque des titans qui devient finalement sa première série et empoche le 35e Kodansha Manga Award dans la catégorie shônen en 2011 année où il devient un succès en terme de ventes et frôle le top 10 Oricon. En juin 2013 il dépasse les 20 millions d’exemplaires vendus, boosté par l’anime.
En France, Pika Editions a fait des efforts notables pour bien mettre en avant la série sur Japan Expo à travers des visuels et des animations, si bien que les stocks des tomes 1 et 2 sortis pour l’occasion ont été épuisés. On verra, en fin d’année, si ce manga trouve sa place dans le top 10 des meilleurs lancements de l’hexagone.
Ô rage, ô désespoir, ô titanesque ennemi !
Même si la création de L’attaque des titans remonte donc à la première moitié des années 2000, elle s’inscrit dans une thématique qui a la côte depuis quelques années : le survival. Films, séries, BDs et mangas suivent la tendance du zombie-survival dont le principe est souvent le même : quelques personnes tentent de rester en vie et de sortir de différentes versions de l’enfer en combattant leurs anciens semblables. Mais le combat pour la survie de l’espèce ne se fait pas systématiquement contre des morts-vivants.
Le manga de Hajime Isayama innove en choisissant le post-apocalyptique et en ressortant un ancien mythe : les géants. Presque désuet au vue de sa simplicité, cet ennemi n’en reste pas moins efficace… Ces humanoïdes de 4 à 15 mètres sont désormais quasi immortels car dotés de capacités de régénération hors-norme, leur tête allant même jusqu’à repousser si on leur explose. Comme pour les zombies la plupart d’entre-eux semblent avoir un QI d’huître mais il s’avère extrêmement difficile d’en venir à bout car il faut les toucher sur leur seul point faible, dans la nuque.
Contrairement aux « walking dead » qui sont plutôt simples à tuer et dont le danger provient souvent du surnombre, les humains sont ici plus nombreux mais leur supériorité numérique semble inutile. C’est prêt d’une trentaine de soldats qui meurt pour qu’un seul des géants tombe définitivement. Tous les entrainements et les techniques totalement maîtrisées des soldats n’y changeront rien. On fait connaissance avec plusieurs d’entre eux mais ils meurent à une vitesse inquiétante, pour nous rappeler leur impuissance.
Malgré tout, le lecteur se prend au jeu de ses phases d’entrainement où l’élite de l’élite semble prêt à en découdre, sûre d’elle et touchant du doigt sa vengeance… Une détermination qui est presque contagieuse ! Comme tout manga de survival on se doute que tous ne reviendront pas mais qu’ils lutteront vaillamment, qu’ils éradiqueront plusieurs ennemis avant de mourir en tant que héros. Si seulement… Malheureusement, dès les premières minutes du combat, des unités entières y passent sans avoir égratigné durablement un seul adversaire.
Sur le terrain, les soldats sont réduits à des friandises un peu gesticulantes, des sucreries qui se font d’ailleurs déballés, déchiquetés, découpées à coup de dents ou carrément gobées : on comprend rapidement que L’attaque des titans n’est pas fait pour les plus jeunes et c’est la raison pour laquelle Pika l’a classé en seinen. Au delà de la violence qui accompagne cette anthropophagie, c’est aussi l’absence d’espoir qui caractérise la plus grande partie de ces deux premiers tomes. Un rebondissement majeur et une note d’espoir attendent le lecteur à la fin du second volume mais l’ambiance dramatique domine : « Parti comme c’est, ils vont tous y rester… » finit-on par se dire à force de voir les protagonistes de premier plan finir en amuse-gueule. L’auteur insiste d’ailleurs sur le rôle révoltant mais bien réel de bétail qu’endosse notre espèce, parqué dans un enclos et prêt à être avalée par le maillon dominant de la chaîne alimentaire. Le pire étant que les titans ne le font même pas pour leur survie et que cet appétit est juste une gourmandise.
Dernier point qui démarque L’attaque des titans de toutes les œuvres où l’humanité est une espèce en voie d’extinction : ce manga s’embarque sur les chemins de l’uchronie en se situant dans une époque a priori futuriste mais dont le décor se pose entre moyen âge et ère pré-industrielle : on y trouve des châteaux, des canons à poudre, des épées, quelques fusils à chevrotine et l’utilisation de gaz et de filins pour propulser les soldats dans les airs, lors de leurs combats. Le mangaka n’est pas fan de Kentaro Miura, l’auteur de Berserk, pour rien.
Pour en revenir aux décors, on y observe une citadelle avec des spécificités et des codes bien établis par plus de 100 ans d’existence : des couches sociales, les plus aisés dans la partie la plus fortifiée et les pauvres en périphérie, mais aussi des bastions militaires aux rôles spécifiques de défense ou d’exploration, etc. Des bonus inter-chapitres viennent régulièrement nous donner plus de détail sur la vie de la cité, le fonctionnement des harnais des soldats ou d’autres détails pour apporter des bonnes bases et du crédit à l’univers sans trop alourdir le récit qui reste tourné vers l’action.
J’en finis cet article avec un point plus polémique concernant ce titre : le graphisme. Le chara-design est assez vieillot, l’anatomie pas encore tout à fait au point, le découpage des cases hyper classique. Bref on dirait un vieux manga, et pas forcément dans le bon sens du terme, mais on constate surtout que l’auteur est encore débutant. Je crois que c’est la couverture du tome 2 qui en parle le mieux…
Voulu et bâti comme un shônen avec des protagonistes stéréotypés cette œuvre peine donc à faire émerger visuellement ses héros, qui sont loin de déborder de charisme. Vous me direz, à la vitesse où ils meurent, ce n’est pas si grave. Si on continue sur cet aspect visuel, la mise en scène est irrégulière : elle brille essentiellement lors des attaques de titans.
Dans ces moments l’auteur parvient bien à mettre en avant leur démesure et le combat de fourmi que mène les êtes humains. Sur certaines doubles pages on apprécie aussi des angles de vue intéressant, à travers les yeux d’un humain qui par à l’ascension d’un géant de 50 m. Enfin les scènes d’action usent et abusent des traits de vitesse et si on voit bien un authentique style naître dans cette profusion, il est encore loin d’être maitrisé. Quelques plus mais pas mal de moins donc, pour un résultat mitigé. Tout le monde dit que ça s’améliore dans les prochains volumes… Nous verrons bien.
Ce classicisme et ce visuel pas du tout dans l’air du temps sont donc deux obstacles réels que le lectorat devra franchir. Plus que jamais la série doit donc réussir son lancement sur ces premiers tomes tant que l’anime est toujours présent et surfer sur son étiquette de « phénomène manga » pour se construire un lectorat à base large. La sortie des deux premiers tomes favorise d’ailleurs l’immersion et Pika enchaîne rapidement avec le 3e dès septembre pour rattraper la série animée, offrir aussitôt que possible de l’inédit et créer le coup de cœur.
Grâce à un pitch de départ très intriguant et original qui se déroule dans un univers bien bâti, L’attaque des titans offre donc un démarrage réussi qui se combine à merveille avec une série TV qui en gomme les défauts esthétiques. Ce combopermet à la série de cartonner au Japon et d’être la 4e série la plus vendue pour le premier semestre 2013. On lui souhaite un aussi bon démarrage chez nous – ça semble en prendre le chemin – et on se donne rendez-vous dans un an ou deux, une fois l’effet de mode un peu retombé et quelques volumes parus, pour savoir si la série réussira à garder son intérêt sur la longueur… Un défi titanesque, à n’en pas douter !
Fiche descriptive
Titre : L’attaque des titans
Auteur : Hajime Isayama
Date de parution du dernier tome : 26 juin 2013
Éditeurs fr/jp : Pika / Kodansha
Nombre de pages : 192
Prix de vente : 6.95€
Nombre de volumes : 2/11 (en cours)
Visuels SHINGEKI NO KYOJIN © Hajime ISAYAMA / Kodansha Ltd., Tokyo
Pour vous faire un avis, la preview est disponible ici. Pour en savoir plus vous pouvez toujours faire un tour sur le blog de l’auteur ou le Twitter du manga. Quelques visuels et infos sympas vous attendent sur le site japonais.