Chaque année, les médias tentent de renouveler l'approche des commémorations qui relèvent du marronier journalistique impossible à évincer.
Difficile pourtant d'éviter le traditionnel reportage sur le président de la République ravivant la flamme sur la tombe du soldat inconnu chaque 11 novembre, sous le regard attentif des Anciens Combattants dont on ira recueillir ensuite le témoignage.
De même, l'appel du 18 juin fait l'objet d'un traitement médiatique constant : des extraits radiophoniques du célèbre discours, souvent illustrés par la photographie de De Gaulle dans les locaux de la BBC.
L'AFP a pourtant essayé d'innover cette année en proposant une lecture mémorielle de cet évènement qui occupe une place particulière dans l'histoire nationale.
Comme le rappelle Jean-Louis Crémieux-Brilhac, l'importance qu'on accorde à l'appel du 18 juin est "sans rapport avec ce qu'a pu être l'évènement à l'époque, qui n'est pas passé inaperçu mais qui était un évènement contingent et second au regard des Français qui étaient obsédés par l'avancée allemande et le drame qui se jouait sur le territoire français".
Si le 18 juin s'est imposé comme une date importante dans le récit national de la Seconde Guerre mondiale, c'est par la volonté et la réussite du général De Gaulle à forger une lecture du conflit autour de la France libre, de la Résistance et de sa personne.
D'autres étapes confirment d'ailleurs cette tendance :
- 1946 : Création d’une journée de commémoration de la victoire de 1945 (8 mai)
- 18 juin 1960 : Inauguration du Mémorial du Mont-Valérien
- 1964 : Transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon
- 2006 : Création d’une journée nationale commémorative de l’appel du général De Gaulle
Certains ont résumé ce phénomène sous l'expression de "mythe du résistancialisme" bien que des recherches récentes tendent à minimiser cette approche.
Quoiqu'il en soit, l'appel du 18 juin peut être considéré comme le fruit d'une construction mémorielle nationale au même titre que le 14 juillet, le 11 novembre et le 8 mai.
Et c'est justement parce qu'il devenu un véritable lieu de mémoire populaire qu'il est désormais réapproprié par de nombreux groupes qui tentent d'y associer diverses revendications sociales, culturelles et politiques :
L'appel du 18 juin contre la décentralisation
Cet appel a été initié par 29 députés UMP pour dénoncer la politique de décentralisation menée par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault qui, selon eux, remet en cause l'Etat-nation.
D'un côté, on peut certes considérer que la référence à l'appel du 18 juin se justifie au sens où la politique du général De Gaulle se caractérise par la défense constante et infaillible de la grandeur de l'Etat-Nation, que ce soit contre un envahisseur durant la Seconde Guerre mondiale, ou bien contre les puissances de l'argent et le projet fédéral européen lors de son retour au pouvoir (1958-1969).
D'un autre côté, solliciter De Gaulle pour combattre la politique de décentralisation actuellement menée par le gouvernement peut paraître contradictoire quand on rappelle que le général a justement démissionné en 1969 à la suite d'un référendum sur la régionalisation qui a été refusé par les Français.
L'appel du 18 juin pour l'engagement citoyen
Cet appel a été lancé par l'écrivain Marek Halter. Il consiste en une lecture militante de l'appel du 18 juin vu comme une démarche d'engagement d'un homme pour une cause.
Comme pour la plupart des usages mémoriels, cet appel résiste difficilement au parallèle d'une lecture historique de l'évènement commémoré. L'engagement selon Marek Halter s'illustre en effet par une forme de militantisme, essentiellement associatif, pour dénoncer les dérives de notre société (racisme, inégalités sociales...). Quel rapport finalement avec l'engagement individuel d'un De Gaulle qui déserte ses responsabilités professionnelles et son pays au nom de la Résistance contre l'occupation ?
L'Appel du 18 joint
Plus anecdodique, mais toujours d'actualité, cet appel ne prétend pas tant s'appuyer sur un usage mémoriel de l'appel du général mais plutôt sur une homophonie cocasse.
Chaque année depuis 1976, il est l'occasion de réactiver une revendication jamais obtenue : celui de la dépénalisation de la consommation de cannabis.
Plus de 70 ans après, les multiples adaptations de l'appel du général De Gaulle sont révélateurs du succès de la construction mémorielle de cet évènement. Rien ne devrait a priori démentir pour l'instant cet engouement autour de cet homme et de la symbolique de son discours qui conservent pour l'instant une place particulière dans le récit national.
Rendez-vous l'année prochaine pour ceux qui souhaiteraient lancer de nouveaux appels du 18 juin ! Leroy Merlin serait sur le coup...