D'un voyage d'études au Québec, lors de l'été indien 1982, j"ai rapporté entre autres découvertes le goût du sirop d'érable.Mon voyage au Tropique du Cancer a ranimé ce souvenir, cette préparation étant la bienvenue pour fluidifier de manière présumée goûteuse les faisselles de fromage blanc enrichies à la crème fraîche qui sont devenues l'une de mes sorties de repas habituelles.
Cette recette implique la mise à disposition d'un flacon de cette exotique mixture.
J'ai cru bien faire en faisant l'acquisition, au rayon idoine d'un magasin d'alimentation, d'une flasque [1] de Canadian Maple Hut. Le dernier mot aurait dû attirer mon attention - que vient faire une hutte dans cette galère, si j'ose dire ? - mais le flacon a toutes les apparences de l'authentique. Le forme, caractéristique du produit d'origine, l'aspect du contenu, le dessin de l'étiquette représentant une installation de récolte de sève d'érable adornée d'une feuille d'érable rouge, les mentions Organic Canadian Syrup et, comble d'astuce subliminal, les deux mots TABLE SYRUP naturellement perçus, en lecture rapide, par un acheteur francophone comme (ER)ABLE SYRUP...
Une fois la flasque ouverte, premier doute : le liquide en icelle contenu n'a pas tout à fait la couleur ni la viscosité du sirop d'érable traditionnel, mais la mention BIO qui exalte le produit atténue la première impression. De même que le vrai sirop de menthe n'est pas vert, de même le vrai sirop d'érable...
Le sirop incorporé dans le mélange, c'est un vague goût de caramel qui stimule ce qui me reste de papilles opérationnelles : second doute. Mais comme j'ai appris à me méfier des indications parfois fantaisistes, très souvent plus chuchotées que farnchement dites, que lesdites papilles me communiquent, je pratique le crédit d'intention : il n'y a pas de lézard.
Une lecture d'abord distraite, puis plus attentive de l'étiquette apposée au verso (enfin, de l'autre côté du flacon que l'étiquette-affichette résumant l'identité du produit) me révèle à la fois la composition du mélange et le pot au rose, ou, plus exactement, le pot au riz+canne (non, je ne ricane pas...) : la teneur en sirop d'érable de ce sirop à l'érable est de 5 % (cinq pour cent)
Il est possible de se demander s'il est bien raisonnable de gâcher du vrai sirop d'érable pour composer cette ripopée [2] d'ingrédients d'origine agricole. Suis-je bête ! Non, mais c'est bien sûr...pour mériter le droit d'insérer à entre sirop et érable !
Une recherche sur Internet m'a permis de découvrir que je n'étais pas seul dans mon malheur.
► Claudette Samson, dans un article paru dans Le Soleil daté du 20 février 2012 dénonce cet abus de dénomination : le Canadian Maple Hut contient du sirop de riz, du sucre de canne, de l'eau, 5 % de sirop d'érable et de l'arôme naturel. Cela n'empêche pas son distributeur, Bernard Michaud, d'orner sa bouteille d'une cabane à sucre traditionnelle dans un paysage de neige, sur laquelle est apposée la feuille d'érable canadienne rouge.
► Sur le Blog de Tioufout, même évaluation d'une tromperie qui, sans être éhontée, n'en est pas moins honteuse. L'auteur du papier démonte le mécanisme de la falsification par le visuel. Le recours à la stimulation BIO, même si méritée (après tout, ceux qui sont bêtes à manger du foin peuvent aussi manger bio...), lui semble être une preuve irréfragable du désir de rouler l'acheteur...
► Linéaires, le magazine de la distribution alimentaire, n'hésite pas à remarquer, le 3 décembre 2009 : La promesse est néanmoins trompeuse, car le produit ne contient que... 5 % de sirop d'érable. Le sirop de riz, le sucre de canne et l'eau sont les principaux ingrédients. Sévères, mais justes...
J'ai donc envoyé un petit mot-pas-très-gentil à l'importateur français (qui appose légalement un code barre en 3, origine française, sur le produit, ce qui ne fait qu'augmenter la confusion, non ?) , Michaud, apiculteurs dans les Pyrénées Atlantiques,
Votre table syrup, "canadian maple hut" est une escroquerie. Tout est fait pour tromper le consommateur, sauf bien sûr la mention salvatrice en petites lettres ! Je ne vous félicite pas d'être ainsi complices d'arnaqueurs.
Je considère mon courriel comme une lettre ouverte.
Noter qu'en l'absence d'information je transfère la responsabilité initiale du mensonge sur le producteur, ne considérant l'importateur que comme un intermédiare ayant accepté le faking-marketing de son fournisseur...Attendons la réponse, avant d'analyser les signiffications souterraines possibles du nom de marque des établissements Michaud : Lune de Miel.
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Crédits Merci à Le Caravage pour Les Tricheurs, huile sur toile 94 x
131, datée de 1594 et conservée au Kimbell
Art Museum.
Je n'allais tout de même pas valoriser l'unique objet de mon ressentiment en en illustrant cette diatribe. Ou plutôt cette interpellation, qui ne deviendra diatribe que si l'apiculteur cherche à m'enfumer dans sa réponse...
[1] J'avais tout d'abord écrit fiasque, mais une vérification m'a montré mon erreur. La flasque est une petite bouteille plate (elle est flasque ?) et la fiasque une bouteille ventrue protégées par un paillage, genre dame-jeanne.
[2] C'est à mon ami Michel Martin de Villemer, poète émérite, que je dois mon initiation à quelques mots rares et cependant significatifs,
dont...ripopée, qui titre un de ses ouvrages. La ripopée est aux vins ce que le salmigondis est aux viandes.