Ces neuroscientifiques du Massachusetts Institute of Technology (MIT) démontrent la capacité effrayante de pouvoir reproduire, quel que soit le contexte, de mauvais souvenirs mais aussi d’implanter des souvenirs factices, en réactivant artificiellement des engrammes ou traces de mémoire dans le cerveau de souris. Ces conclusions, publiées dans l’édition du 25 Juillet de Science, qui contribuent de manière importante à la compréhension de la mémoire épisodique, et de ses « limites » aussi, ouvrent, bien évidemment de nombreuses questions éthiques.
Le phénomène des faux souvenirs a été souvent rencontré, lors de jugements par exemple, au cours desquels les accusés sont reconnus coupables sur la base de témoignages de témoins certains de leurs souvenirs, qui pourtant seront ensuite scientifiquement récusés par analyse d’ADN. Ici, ces neuroscientifiques décrivent une technique capable d’implanter de faux souvenirs dans le cerveau de souris et démontrent que les traces neurologiques ou engrammes des souvenirs artificiels sont de nature identique à celle des souvenirs authentiques.
Reproduire « à la demande » de mauvais souvenirs : Pour localiser les engrammes dans le cerveau, les chercheurs ont développé des cellules d’hippocampe de souris exprimant le gène codant pour la protéine channelrhodopsine, une protéine qui active les neurones lorsqu’ils sont stimulés par la lumière. Ils ont également modifié ce gène de manière à ce que la protéine soit produite lorsqu’un autre gène, c-fos, nécessaire à la formation de la mémoire, est activé.
Les souris ont ensuite été conditionnées pour avoir peur d’une cage qui délivrait un léger choc électrique. Une fois ce souvenir formé, le gène c-fos a été activé, la protéine channelrhodopsine produite, et les neurones correspondant à la trace de mémoire marqués avec des protéines sensibles à la lumière.
Le lendemain, lorsque les souris ont été placées dans une autre cage, elles se sont comportées normalement. Mais lorsque les chercheurs ont renvoyé une impulsion de lumière à l’hippocampe, pour stimuler les neurones marqués par la channelrhodopsine, les souris ont adopté un comportement de peur, comme si le souvenir de la veille était réactivé.
En bref, en activant artificiellement l’engramme correspondant au souvenir désagréable, les chercheurs parviennent à le reproduire de manière totalement artificielle.
Implanter de faux souvenirs dans la mémoire : Dans un second temps, les chercheurs montrent Les souris ont d’abord été placées dans une cage sans chocs électriques, leurs cellules de mémoire marquées avec la channelrhodopsine. Le lendemain, les souris ont été placées dans une seconde cage et ont reçu simultanément un choc électrique et une impulsion lumineuse pour activer les cellules codant pour la mémoire de la cage sans choc. Lorsque le lendemain, les souris sont replacées dans la cage sans choc, elles éprouvent de la peur, alors qu’elles n’ont jamais reçu de choc électrique dans cette cage. Les chercheurs sont donc parvenus à implanter un mauvais souvenir épisodique.
Enfin, le souvenir artificiel rivalise avec le souvenir authentique: Car les souris ont toujours peur lorsqu’elles sont placées dans la cage « à choc ». Et le déclenchement de ces souvenirs factices augmente l’activation neuronale dans l’amygdale, un centre de la peur qui reçoit ses informations de l’hippocampe, tout comme le feraient des souvenirs authentiques.
« Maintenant que nous sommes capables de réactiver et modifier nos souvenirs dans le cerveau, nous pouvons commencer à réfléchir à des questions qui étaient autrefois du domaine de la philosophie (éthique) ». Comme, par exemple, quelles limites à la création de souvenirs artificiels et dans quels contextes ?
Source: Science 26 July 2013 DOI: 10.1126/science.1239073Creating a False Memory in the Hippocampus