XIIIème siècle. Dans le Languedoc, le petit village de Minerve tente de se faire oublier de l’autorité catholique, qui le connaît pour avoir autrefois abrité des Cathares, ces hérétiques qui se considèrent comme des “vrais croyants”. Alors lorsqu’on retrouve près du puits du village le cadavre d’un moine dominicain, l’inquiétude est grande. Car très bientôt, on enverra des gens enquêter sur cette mort. Et personne n’aimerait voir l’Inquisition fouiller dans les ruelles de Minerve. Le curé Pierre Chauvès n’a pas vraiment envie de se justifier sur le fils qu’il a eu avec sa servante Mélanie, la veuve Martine cache bien des choses derrière son apparence vertueuse et Guillemette, la gérante de l’hôpital, fait de son mieux pour protéger son pensionnaire et amant Gauthier que tous détestent parce qu’il est étranger. Autrement dit, tous les bourgeois de Minerve tiennent à leur tranquillité. De plus, la vieille Marie Cathala va bientôt mourir et deux parfaits, religieux Cathares, sont justement arrivés clandestinement à Minerve pour son dernier sacrement, sa consolation, choses que tous les croyants qui restent à Minerve aimeraient bien garder secrète. Tous n’ont donc qu’une solution: résoudre eux-mêmes l’enquête avant l’arrivée de l’Inquisition. Histoire de ne rien arranger, ils savent tous que les moines dominicains se déplacent toujours par deux: où est donc passé le compagnon du mort?
Découvert sur les pages de Lili Galipette, ce roman traînait dans la bibliothèque de mes parents et je l’ai donc placé sur ma PàL estivale. Grand bien m’en a pris: c’est une petite perle. Dès le départ, même si l’on ignore son identité, on sait que le meurtrier est au beau milieu de la foule, qu’il observe la découverte du cadavre et qu’il n’est pas le seul concerné puisqu’il n’a pas laissé le cadavre près du puits. Combien sont-ils à être impliqués, témoins ou complices, et à se taire de peur que d’autres en sachent plus et puissent les compromettre en retour? C’est un vrai régal que de découvrir les indices et les événements les uns après les autres, les pièces du puzzle se mettre en place petit à petit. L’ironie de l’histoire est grande: ceux qui ont le plus à craindre, à savoir les Cathares de Minerve, sont loin d’être les plus blâmables ni les plus corrompus du village tant celui-ci abrite de sinistres personnages.
Et alors qu’on part d’un roman ancré dans une période historique bien précise, celle de l’Inquisition, les révélations sur les caractères humains sont d’une modernité épatante. J’ai tout particulièrement aimé l’histoire de Gaillarde, la prostituée que tous méprisent le jour mais rejoignent la nuit, qui détient les petits secrets de tous ces notables qui s'encanaillent sur son oreiller: elle est un excellent révélateur de l’instinct humain, tout comme la jeune Jordane, que les événements inquiètent peu tant elle est impatiente de rencontrer les jeunes hommes du village voisin malgré les mises en garde de sa cousine. J’ai été touchée par le sort réservé à Gauthier, l’étranger, le coupable idéal, qui est malheureusement un thème universel. Le nombre de personnage par contre me semblait difficile à suivre, tant il y en a, mais au début du roman, on trouve un petit pense-bête pour nous rappeler qui est qui, et je ne me suis donc pas perdue. Au contraire: je les ai tous trouvés attachants, révoltants, rafraîchissants, inquiétants, navrants, profondément humains dans ce huis-clos historique où les véritables démons sont loin d’être ceux que l’on prétend.
La note de Mélu:
Un excellent moment!
Un mot sur l’auteur: Maryse Rouy (née en 1951) est une auteure canadienne qui a étudié la littérature et les sciences médiévales.
catégorie “objet”