Privilège des combats menés en 36 par les forces du Front Populaire ( pas de sociaux démocrates ou de strausskhaniens dans ce coup là!): profiter de ses congés payés ( qui coûtent si cher à en en croire les propagandes de l'époque et dont la structure même de l'argumentaire été reprise par l’anti 35 heures...). Je profite donc de mon temps, mon temps libre. Et aujourd'hui je revois, je relis une partie de la correspondance de Robert FILLIOU adressée à Roger TABANOU à l'immédiat après-guerre alors qu'ils étaient sortis victorieux de leur engagement dans le maquis FTP Bir- Hakeim de Saint-Etienne Vallée Française dans les Cévennes gardoises... Je suis en 1945, un an après la libération. Je relis ces lettres car tant et tant de conneries ont pu être dîtes, colportées sur l'existence de Robert en ce temps. Des conneries rapportées, des inventions, du n'importe quoi comme dans l'ouvrage "biographique" de P. Tilman... Mais aussi il y a les spécialistes du copié/collé des extraits seuls autorisés pour la publication du catalogue de l'exposition Robert Filliou au MNAM Georges Pompidou en 1991 comme Anne Moeglin Delcroix dans son Esthétique du livre d'artiste en 1997 ou encore dans Robert Filliou Poet publié par Sammlung Feelisch - Galerie der Stadt Remscheid...
Je relis, je transcris ces trésors de lignes manuscrites où apparaissent un Robert intime, un Robert attachant, un Robert qui se construit. J'ai le bénéfice ou privilège de contempler une sorte de Genèse de l'artiste qui transparait sous mes yeux. Je ne suis pas son ami mais je ne suis pas non plus un voleur tapis derrière son rideau pour grappiller quelque mystère - je suis témoin. Je me fonds tout naturellement, presque biologiquement dans cette amitié, ces confidences et capte chaque signe pour faire revivre ces moments disparus qui nous permettent aujourd'hui de comprendre l'un et l'autre, les deux protagonistes de cette correspondance. Aucun des deux ne prédomine. Robert n'est p le centre de cette correspondance mais tout comme Roger ne l'est pas non plus. C'est le "couple " d'amitié qui détermine l'intensité de cet échange. Tout cela je le sais depuis longtemps mais j'ai besoin de cette rare source lumineuse où Robert se confie en amitié profonde et m'indique un chemin à suivre avec toutes ses incertitudes mais surtout avec une confiance dans la générosité de l'acte de vivre, d'être entier.
Le 31 décembre 1945, il est à Sauve - chez sa mère - et revenait de Lyon. Dans quelques jours, le jeudi 3 janvier 1946 exactement il a se faire démobiliser- lui le maquisard... et dans cette lettre à Roger il se confie et se définie en ces termes: " En un mot, je suis toujours le même, un jour confiant à l'excès quand la vie me sourit, un jour découragé à l'extrême parce que la moindre chose m'a arrêté. Avec ce caractère-là peut-on réussir dans la vie? Les jours fastes je réponds oui, les jours néfastes, je réponds non. La vie se chargera de nous les instruire." Lucide.