Je me suis laissée aller, une envie inexplicable, j’ai lu le Loup des steppes. Quel ennui ces 224 pages ! Et quel bonheur la lecture rapide !
Le loup des steppes, aussi roman initiatique soit-il, n’a, pour moi, rien du chef d’œuvre. Ma grande déception ne tient pas seulement à ma grande affection pour Demian, du même auteur. Elle tient à ce que Le loup des steppes a fait couler plus d’encres intéressantes que celles qui noircissent ses pages.
Hermann Hesse est un intellectuel de son temps, entre deux époques : celle d’un monde normé, où l’individu se sacrifie, pour son bonheur posthume, au collectif, et celle d’un monde individualiste où le bonheur est ici-bas et promis nulle part ailleurs. En 1927, coexistent la modernité des années folles et la régression guerrière qui est en marche. Personne ne sait alors quel paradigme gagnera sur l’autre. Mais chacun peut, en tous temps, choisir son camp. Le héros du roman, Harry Haller, choisit le camp de la critique de la société bourgeoise dont il est issu. Désabusé et sans créativité, il n’a de sauvage que son isolement social et son incapacité à voir ce nouveau monde qui perce.
Autour de ce personnage sculpté de poncifs éculés, Hermann Hesse nous ressert la dualité érodée nature / culture, loup / homme, triste / gai, isolé / sociable … Et on le souhaite cohérent, fort de son intelligence et de son érudition. Alors qu’il découvre un fascicule lui racontant sa vie, la plainte désespérée de son enfermement intérieur l’emporte sur le courage du suicide. Il y renonce ! Il rencontre alors Hermine, son alter ego, qui va l’initier à la légèreté de l’instant présent, mais sans espérance ni gaieté. Néanmoins motivé à parcourir son initiation, Harry Haller se paie le luxe d’échouer à l’épreuve finale, qui aurait pu être hallucinogéniale. Un vrai looser !
Mais c’est en réalité une fin aussi ennuyeuse qu’inévitable. Harry Haller comme Hermine, ombre et persona d’un même égo, sont comme l’écume des vagues, transportés par la surface de leurs époques et de leurs semblables. J’attendais de Hermann Hesse, fasciné par des tentatives d’explication de la folie et contemporain de Jung qu’il nous fasse voyager par le fond de l’océan, car « Ce n’est pas en regardant la lumière qu’on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité. Mais ce travail est souvent désagréable donc impopulaire. » Et oui, c’est Jung qui l’a dit …
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