Danse à l'ombre

Par Krri

de Pierre Véry

À Orsay, Fantômas attendait au portillon.

Bonjour, petit !  Un grand bel homme, mince, glabre, tel était Fantômas.  Un rien d'air américain.  Impression qui, d'ailleurs, se dissipait dès qu'on distinguait mieux ces traits où des signes - au demeurant infiniment malaisés à préciser - dénonçaient une origine incertaine, certes, mais à coup sûr pas américaine.  Un sourire sans soupçon d'or, tout en ivoire.  Costume mastic, guêtres mastic, feutre mastic, raglan demi-saison mastic, cravate pourpre, un rubis à l'annuaire droit.

- Il m'arrive de me déguiser, ne t'y laisse pas prendre.  À ma cravate et à mon rubis, tu me reconnaîtras...

Fantômas a abandonné la pose romantique du gentleman assassin, haut de forme en chef, loup sur l'oeil, cape au vent, étendant sur la ville plongée dans la brume du sommeil son ombre de chauve-souris élégante.

Éditions GALLIMARD