Tsai Ming-liang signe avec Les Rebelles du dieu néon une œuvre qui met en place les obsessions de son auteur. Des personnages qui ont du mal à communiquer, l’ébullition de la ville, des lieux de vie vétuste… Pourtant il y emploie une caméra qui se déplace plus qu’à son habitude, celle dont il usera pour ses films suivants. La caméra se louvoie alors pour retranscrire les déambulations de personnages qui se croisent et s’entrecroisent. On passe de leur intimité à leurs aventures dans la ville, de nuit comme de jour. Une ville qui tient un rôle prédominant, se montrant comme une actrice à part entière.
Les Rebelles du dieu néon c’est aussi un corps, celui de l’acteur Lee Kang-sheng. Un corps pas vraiment adulte, ni vraiment juvénile. Un corps entre deux âges, deux mentalités qui semblent être une projection de son auteur. Un corps qui deviendra par la suite le lien de Tsai Ming-liang avec la fiction. Un effet miroir qui permet de mettre en scène ses histoires tout en se mettant en scène par le biais de cet acteur, ou du moins en tant que simple observateur. Tsai Ming-liang trouve en Lee Kang-sheng son Jean-Pierre Léaud, celui qui fut l’acteur fétiche de François Truffaut à l’écran dans une série d’œuvres que l’auteur taiwanais perdure.
Dans ce premier long métrage, le cinéaste met en opposition un jeune homme seul, s’enfermant dans un mutisme, comme s’il était un autiste au monde qui l’entoure, à un duo de jeunes délinquants (vivants de vol, passants leur temps dans les salles de jeux vidéo) qui contraste avec sa personnalité. Tsai Ming-liang réalise alors une transcription du mythe de Ne Cha, jeune prince de la mythologie chinoise. Pour se faire, il va jusqu’à mettre son personnage dans des états de transe relatés dans cette imagerie populaire. Dès lors, Kang-sheng représente cette jeunesse insoumise qui s’émancipe du cocon familial au guidon de sa deux roues.
I.D.