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Chronique politique du perou, juillet 2013

Publié le 24 juillet 2013 par Slal


Paris, juillet 2013

GRANDES REFORMES INSTITUTIONNELLES, LUTTE ANTI-CORRUPTION ET RESISTANCES AUX CHANGEMENTS

Mariella Villasante Cervello
Au cours des derniers mois, le gouvernement s'est attaché à concrétiser une partie des grandes réformes institutionnelles promises par le président Humala en 2011. Elles concernent pour l'essentiel la réforme du cadre juridique qui régit l'emploi et le travail en général (Ley de servicio civil) et la restructuration du système universitaire (Ley de la universidad). Les changements allant dans le sens d'une modernisation jamais encore entreprise dans ces deux instances de la vie sociale de la société péruvienne, il n'est pas surprenant qu'ils suscitent de très fortes résistances. Celles-ci sont directement associées aux craintes d'un passage trop abrupt d'un système « traditionnel » de travail et d'études universitaires fondé sur le clientélisme, l'incompétence et la corruption, vers un système censé mettre en avant les mérites et les compétences, les sanctions et les promotions. Les réformes ne sont donc pas nécessairement populaires, alors même qu'elles représentent un pas un avant décisif pour l'amélioration des conditions de travail et d'études universitaires dans le pays.
Il reste cependant en suspens un thème très important, celui de l'application de la Loi de consultation préalable (Ley de consulta previa) promulguée le 6 septembre 2011 ; elle est destinée à garantir les droits des communautés indigènes sur leurs territoires et les protéger des projets d'exploitation minière, forestière ou pétrolière [voir la Chronique du Pérou de Janvier 2012].

Le gouvernement a entrepris également une grande campagne de lutte contre la corruption dans les milieux politiques (les anciens présidents García et Toledo, et la candidate Keiko Fujimori, qui ont été mis en examen pour enrichissement illicite) ; mais aussi contre la corruption ordinaire dans les milieux de la police et de l'armée. Deux évènements judiciaires de taille ont marqué cette période : le premier concerne la demande d'amnistie de l'ancien dictateur Alberto Fujimori qui a été rejetée par la Commission des grâces présidentielles et confirmée par le président Humala ; le second a trait à l'ancien dirigeant senderiste Eleuterio Flores Hala, « camarada Artemio », qui a été condamné à perpétuité.
D'autre part, plusieurs actions terroristes ont eu lieu dans la région des fleuves Apurímac, Ene et Mantaro (VRAEM), et dans la région de La Convención, dans le département de Cusco, où les néo senderistes dirigés par les frères Quispe Palomino étendent de plus en plus leurs opérations de collaboration avec les trafiquants de drogue. C'est dans ce contexte que les nouvelles routes d'acheminement de la cocaïne relient désormais le sud-est péruvien avec la Bolivie et le Brésil, d'où les cargaisons rejoignent l'Afrique occidentale et l'Europe. Enfin, l'élection du nouveau Défenseur du peuple et des membres du Tribunal constitutionnel par le Congrès est intervenue le 17 juillet … pour se voir immédiatement contestée. C'est un fait inédit qui ouvre une période de désordre institutionnel susceptible de mener à une nouvelle élection, comme le demandent les organisations de défense des droits humains, le président Humala, l'ancienne défenseure du Peuple Beatriz Merino, et une partie importante de la société civile du pays.

La croissance se poursuit et les relations commerciales augmentent

Les estimations proposées en mai dernier par la Banque de crédit considéraient qu'au cours de cette année la croissance économique devrait atteindre 6,3% du PIB grâce à une augmentation de 7,8% de la demande interne. Cette croissance est aussi associée à l'expansion du secteur de la construction (9,8%), suivi par les secteurs du commerce (6,7%), des services (6,5%), de l'électricité (6,3%) et des mines (6%). Dans le secteur des exportations non traditionnelles, celle qui concerne les produits textiles est affectée par une baisse de la demande des États-Unis, et du Venezuela. Les prix des exportations devraient toutefois s'améliorer au cours de l'année, notamment pour les produits miniers en raison des volumes exportés. De son côté, BBVA Research considère que la confiance des hommes d'affaires constituera un facteur clé pour les investissements et pour l'emploi. Les exportations devraient s'améliorer à partir de juillet grâce à l'augmentation de la production de cuivre dans les mines d'Antamina et d'Antapacay, ainsi que celle de la farine de poisson. L'inflation devrait se stabiliser à 2,4% cette année, un taux inférieur de celui de l'année 2012 (2,7%). Enfin, le dollar devrait baisser à 2,5 soles (actuellement le taux de change est de 2,7 soles pour 1 dollar) (La República du 10 mai 2013).
Les relations commerciales à l'international s'imposent toujours comme une priorité dans l'agenda du gouvernement. Le 23 avril, le président Humala a inauguré le Forum économique mondial régional pour l'Amérique latine, à Lima, auquel participaient plus de six cents hommes d'affaires et représentants des gouvernements, dont les présidents du Mexique (Enrique Peña Nieto) et du Panama (Riccardo Martinelli). Dans son discours, Humala a précisé que le Pérou tentait de construire un modèle économique équilibré, entre l'étatisme économique et le libéralisme extrême. La stabilité des investissements fut aussi soulignée comme un atout pour les entreprises mondiales et latino-américaines en particulier. Le président du Mexique a déclaré que l'Amérique latine avait cessé d'être un spectateur pour devenir un acteur de son propre développement. Le président du Panama a souligné de son côté que son gouvernement avait accordé la priorité aux investissements étatiques et à la construction d'infrastructures (un nouvel aéroport et l'extension du canal de Panama). Notons ici que le Mexique, le Panama et le Pérou appartiennent à l'Alliance du Pacifique (avec l'Équateur, la Colombie et le Chili), destinée à élargir les relations commerciales régionales et internationales ; dans ce contexte, Humala a rappelé que le Pérou était le premier exportateur d'asperges et de farine de poisson au monde (La República du 25 avril 2013).

CHRONIQUE POLITIQUE DU PEROU, JUILLET 2013
Forum économique mondial régional pour l'Amérique latine, La República

L'ancien président Luis Ignacio Lula da Silva a visité le pays pour inaugurer, en compagnie du président Humala, le « Forum 10 ans d'alliance stratégique Brésil-Pérou » le 4 juin dernier. Le forum était organisé par la Chambre binationale de commerce et intégration Pérou-Brésil (CAPEBRAS), avec la participation de l'Association civile péruvienne d'entreprises liées au Brésil (Grupo Brasil), et l'Agence brésilienne de promotion des exportations et investissements (APEX-BRESIL). Depuis 2003, année de la signature de la convention Brésil-Pérou par Lula, les relations avec le Brésil ont augmenté considérablement, notamment autour du pôle énergétique et de la construction de routes qui devront relier les 3 000 km de frontière commune. Les investissements brésiliens ont dépassé les 6 milliards de dollars, notamment dans le secteur minier. En 2012, les exportations brésiliennes ont atteint 2 410 millions de dollars, alors que les exportations du Pérou se sont établies à 1 280 millions de dollars. Enfin, Lula a été célébré comme « Hôte illustre » par la maire de Lima, Susana Villarán, et fait Docteur honoris causa de l'Université San Marcos (La República du 5 juin 2013).

CHRONIQUE POLITIQUE DU PEROU, JUILLET 2013
Le président Humala et son épouse reçoivent l'ancien président Lula da Silva, La República
Le président Humala a rencontré le président Obama le 11 juin à Washington ; il était accompagné de la nouvelle ministre des Relations extérieures, Eda Rivas, des ministres de la Défense (Cateriano) et de Commerce extérieur (José Silva). Les deux présidents ont abordé leurs stratégies communes de lutte contre le trafic de drogue et Obama a promis d'améliorer les soutiens déjà existants. Obama a félicité Humala pour les améliorations de la croissance et pour les programmes destinés à réduire la pauvreté et les inégalités dans le pays. Il s'est également engagé à intensifier les programmes de bourses éducatives, les échanges d'étudiants, et à soutenir la formation en sciences et technologies, ainsi que la sécurité citoyenne. Le journal Wall Street a qualifié le président Humala de « pragmatique et favorable au libre marché », ce qui semble rassurer ceux qui pensaient qu'il serait un nouveau Hugo Chávez (La República du 12 juin 2013).
CHRONIQUE POLITIQUE DU PEROU, JUILLET 2013
Les présidents Humala et Obama, La República

La « grande transformation » et les réformes de l'emploi et de l'éducation universitaire

Après une longue période de critiques, de droite comme de gauche, à propos de l'abandon de la feuille de route établie lors des élections de 2011, le président Ollanta Humala a réaffirmé le 2 mai dernier sa ferme intention de la mener à bien, notamment par le biais de réformes des structures de l'État, mais aussi par l'extension de travaux d'infrastructure routière, d'éducation, de santé et d'installation des services de base (eau, électricité) dans tout le pays. La croissance importante qu'enregistre le pays (+6% du PIB), devra contribuer à éliminer la pauvreté et l'inégalité sociale. Et les programmes sociaux (retraites, bourses éducatives, crèches), continuent à être étendus dans le territoire national (La República du 2 mai 2013). Le bilan de ces avancées devra être effectué à la fin de cette année.
En fait, la croissance économique n'a pas d'incidence réelle sur la pauvreté dans le pays (au Pérou, les personnes pauvres sont celles qui disposent de 100 dollars par mois, au-dessous de cette somme elles sont classées comme extrêmement pauvres). Selon les données présentées dans le rapport Chiffres de la pauvreté en 2012 de l'Institut national de statistique et d'informatique (INEI), la pauvreté concerne 53% de la population en zone rurale et 16,6% en zone urbaine. Sur le plan national, la pauvreté a légèrement diminué, elle est passée de 27,8% en 2011 à 25,8% en 2012 ; elle concerne donc 7,8 millions des Péruviens. L'extrême pauvreté touche 6% de la population (soit environ 1,8 millions de personnes), dont 19,7% en zone rurale et seulement 1,4% en zone urbaine.
Les départements les plus pauvres du pays sont : Apurímac (55,5%), Cajamarca (54,2%), Ayacucho (52,6%) ; la pauvreté a augmenté à Pasco (41,9%), La Libertad (30,6%), à Ancash (27,4%). Le président de la commission de concertation pour la lutte contre la pauvreté, Federico Arnillas, a déclaré que le gouvernement se devait de centrer son aide au développement dans les zones rurales qui sont les plus affectées par la pauvreté. De son côté, Javier Herrera, de l'IRD (Institut de recherche et développement, France), a précisé que sans les programmes sociaux (Juntos, Pensión 65, Cuna más, etc.), la pauvreté serait montée de 4 points en 2012 (La República du 9 mai 2013).

CHRONIQUE POLITIQUE DU PEROU, JUILLET 2013
Taux de pauvreté au Pérou, 2012, La República
— La fracture entre le président Humala et les partis de gauche
La fracture entre le président et le parti Gana Perú qu'il a fondé, avec les dirigeants et les partis de la gauche s'est affirmée. On se souvient en effet que la prise de distance entre ceux qui ont fondé le front Ciudadanos por el cambio (en avril 2012) et le président Humala avait commencé en décembre 2011. A cette époque, le Premier ministre Salomón Lerner Guittis avait quitté le gouvernement parce qu'il ne partageait pas la politique de répression qu'on voulait imposer pour régler le conflit social lié au projet Conga, de l'entreprise Yanacocha, dans la région de Cajamarca [voir la Chronique du Pérou de Janvier 2012]. L'ancien militaire Oscar Valdés lui succéda jusqu'en juillet 2012, date à laquelle fut nommé Juan Jiménez Mayor, qui est toujours à son poste. Les six partis de gauche ont finalement créé le 22 juin 2013 un nouveau Front large de gauche (Frente amplio de izquierda, FAI), dont le but à court terme est la participation aux élections régionales de 2014 et aux présidentielles de 2016.
CHRONIQUE POLITIQUE DU PEROU, JUILLET 2013
Frente amplio de izquierda. La República du 22 juin 2013
C'est un triste évènement qui a suscité ce nouveau rassemblement : le décès du député Javier Diez Canseco, le 4 mai dernier. Elu député en 1978, il laisse une image de probité et de droiture reconnue non seulement par ses amis mais par l'ensemble de la classe politique péruvienne.
CHRONIQUE POLITIQUE DU PEROU, JUILLET 2013

Javier Diez Canseco, Archivos de La República
Le secrétaire général du FAI, Marco Arana (Tierra y libertad), a annoncé que le nouveau parti éait créé à la mémoire de Javier Diez Canseco et qu'au-delà des objectifs électoraux, ils souhaitent renouveler les idéaux de la gauche et susciter le soutien des mouvements régionaux et locaux du pays.
Que dire de ce nouveau groupe politique qui se place dans l'opposition au gouvernement de Humala malgré les liens qui les unissaient ? Il faut reconnaître qu'il possède le défaut majeur de ne pas compter de personnalité reconnue et respectée dans ses rangs, comme aurait pu l'être Diez Canseco. Même si certains dirigeants comme Carmela Sifuentes (secrétaire générale de la CGTP) et Julio Castro (secrétaire général du Parti socialiste) sont des personnages importants, ils n'ont pas de notoriété nationale. D'autre part, les six partis qui forment le front sont de taille restreinte et ils n'ont pas obtenu plus de 4% des voix lors des élections de 2011. Cela dit, il est possible que le front s'élargisse avec l'adhésion des déçus de Gana Perú et du parti de Toledo, Perú posible. Peut-être même avec certains militants de la droite traditionnelle, comme ceux du parti Action populaire, avec qui le FAI a formé une « bancada » au Congrès. Et on peut aussi espérer que, à défaut de gagner des élections, le FAI devienne un parti d'opposition sérieux, laissant enfin de côté les querelles internes et les luttes personnelles qui ont toujours caractérisé la gauche péruvienne. Les récentes déclarations du président Humala au journal espagnol El País (le 26 juin) ont rajouté du sel sur ses mauvaises relations avec les militants de gauche [Voir http://www.larepublica.pe/23-06-2013/hoy-ya-no-se-puede-hacer-invisibles-a-los-pobres-como-hace-50-anos]. Humala y a critiqué ouvertement les positions des anciens membres de gauche de son gouvernement, qui « n'ont même pas supporté six mois la charge de gouverner ». Plusieurs dirigeants du FAI se sont exprimés, traitant Humala de « menteur » et l'accusant de déloyauté envers les personnalités qui l'ont soutenu depuis 2005. L'ancien président du Congrès, proche de Humala, Daniel Abugattás, a déclaré que les cadres de gauche n'avaient pas de capacité de gestion et que leur travail avait été très médiocre, d'où leur mise à l'écart du gouvernement. Des accusations bien évidemment rejetées par les politiciens concernés qui soutiennent qu'ils se sont éloignés en raison du virage vers la droite néo libérale du président Humala [Voir http://www.larepublica.pe/27-06-2013/responden-a-humala-por-calificativos-a-la-izquierda].
En tout état de cause, les partisans du FAI ont commencé leurs activités politiques en participant au mouvement social contre la loi du Service civil organisée le 4 juillet dernier. Cela ne semble pas vraiment aller dans la direction du « progrès social », mais plutôt vers un refus de modernisation des structures étatiques péruviennes. Ce qui paraît pour le moins paradoxal.

— La loi du service civil
Après un long débat au Congrès, et avec les voix de Gana Perú, Perú posible, et certaines du Parti populaire chrétien, la loi de service civil a été approuvée qui transforme le régime de travail des fonctionnaires publics en mettant l'accent sur le mérite, les compétences et la formation continue. De telles dispositions sont censées mettre un terme au grand désordre et au système clientéliste qui caractérisent le système du travail public péruvien.

Une nouvelle entité, Autoridad nacional del servicio civil (SERVIR), va gérer ces changements. La loi, qui était débattue depuis le 9 janvier 2013, apporte plusieurs avantages aux travailleurs concernant les primes (pour la fête nationale et la nouvelle année) et les compensations de temps de service. Elle fixe également l'âge de départ à la retraite volontaire à 65 ans pour les hommes et à 60 ans pour les femmes ; en outre, les services étatiques devront publier avant le 31 décembre de chaque année leurs objectifs institutionnels et les indicateurs relatifs aux évaluations des fonctionnaires pour l'année fiscale à venir. En effet, les fonctionnaires recevront des formations soumises à une évaluation annuelle ; si cette dernière n'est pas passée avec succès pendant deux années consécutives, le fonctionnaire sera renvoyé. Parallèlement, c'est sur la base de ces évaluations que se feront les promotions. Le changement de régime de travail est volontaire, tous ceux qui le désirent pourront rester dans les anciens régimes (Décret-loi 276 et décret-loi 728), mais ils ne pourront pas bénéficier des améliorations des conditions de travail de la nouvelle loi. Enfin, suivant la Constitution, le changement de régime n'aura pas d'effet rétroactif ; lors du passage au nouveau régime, le fonctionnaire reçoit une rémunération correspondant à son régime antérieur, et commence à recevoir les bénéfices du nouveau régime après un mois de travail (La República des 3 et 6 juillet 2013).
Les opposants à la loi, que ce soient des partis (apristes, fujimoristes, gauche) ou des fonctionnaires, se concentrent sur l'idée qu'elle ouvre la possibilité légale à des renvois massifs de fonctionnaires, même si aucune disposition n'y fait allusion. Comme l'a noté le journaliste Rider Bendezú, la clé pour comprendre cette situation est l'expérience des renvois massifs qu'a connue l'administration publique au cours du régime de Fujimori. Cette expérience se présente donc comme un précédent négatif pour la loi actuelle, même s'il n'y a aucun lien entre les deux faits. Mario Huamán, secrétaire général de la CGTP, a ainsi déclaré qu'à « travers les évaluations, on menace de renvoyer des milliers de travailleurs, rappelons-nous que pendant les années 1990, on a renvoyé plus de 300 000 travailleurs grâce aux évaluations. » [Voir http://www.larepublica.pe/03-07-2013/ley-del-servicio-civil-realmente-habra-despidos-masivos].
La manifestation du 4 juillet contre la loi du service civil et contre la loi universitaire, encore en discussion dans la Commission d'éducation du Congrès, a provoqué des affrontements assez forts entre les travailleurs, les étudiants et les forces de l'ordre à Lima ; mais aussi dans les principales villes du pays, dont Arequipa, Iquitos, Cusco et Chiclayo. Le premier ministre, Juan Jiménez, a lancé un appel au calme, priant les représentants syndicaux de le contacter, et accusant également les partis apriste et fujimoriste de contribuer à la campagne de désinformation et d'intoxication sur les changements juridiques. Les ouvriers de la construction se sont montrés particulièrement violents, lançant des pierres et des bâtons contre les policiers qui ont répondu avec des gaz lacrymogènes et des balles de caoutchouc. Fort heureusement aucun mort ni blessé n'ont été à déplorer. Les syndicats ont annoncé une grève nationale pour la fête nationale du 28 juillet.
CHRONIQUE POLITIQUE DU PEROU, JUILLET 2013
Manifestation au centre Lima contre la Loi du service civil et la Loi universitaire. La República du 7 juillet 2013
Le président Humala a lancé, lui aussi, un appel au calme et a invité les représentants syndicaux à discuter avec lui sur les lois en question. Il a précisé que ces réformes étaient cruciales au moment où le pays augmentait sa productivité et avait besoin de services de qualité. Pour concrétiser la loi SERVIR, le gouvernement devra débourser près de 3 milliards de soles (un milliard d'euros) dans la progression des salaires, la formation des fonctionnaires et les offres d'amélioration de carrière. Humala a convenu que « les changements peuvent générer de l'inquiétude » mais il a assuré que son gouvernement agissait de bonne foi et pour le bien du pays ; il a signalé également qu'une grande campagne serait lancée rapidement afin d'apaiser les craintes et expliciter le contenu de la loi du service civil. Mario Huamán, secrétaire de la CGTP, et Winston Huamán, secrétaire général de la Confédération inter-sectorielle des travailleurs étatiques (CITE), ont annoncé qu'ils étaient disposés au dialogue avec le président, saluant l'initiative présidentielle pour « comprendre si nous sommes dans l'erreur ou non » (La República du 7 juillet 2013). De fait, les explications et la campagne nationale autour du contenu de cette loi auraient dû précéder la phase de vote qui a surpris tout le monde.

— La Loi universitaire : une contestation déplacée
Le projet de loi universitaire tente de modifier le cadre institutionnel qui régit les études universitaires dans le pays et qui sont, elles aussi, fondés sur le clientélisme, la corruption dans les relations entre étudiants et enseignants, et au sein même des autorités académiques. Autant de raisons qui expliquent le très bas niveau éducatif, le manque d'exigences académiques et l'inexistence d'un cadre propice à la recherche et aux publications.
Les étudiants contestent ce projet de loi avec des arguments déplacés. Pour les syndicats d'étudiants universitaires, la nouvelle loi pourrait mettre en danger l'autonomie de l'université dans la mesure où l'Assemblée de recteurs (ANR) serait dissoute et remplacée par la Superintendencia nacional de la educación universitaria. Carlos Mora, président de la Commission d'éducation du Congrès, a accusé les recteurs de manipuler les étudiants afin de conserver leurs postes et l'ANR. Pour Orlando Velásquez, président de l'ANR, la loi représente une ingérence absurde du pouvoir politique. Enfin, les étudiants considèrent que l'organisme de contrôle étatique de l'université, chargé de la surveillance de la qualité académique et du contrôle des ressources financières, serait très dangereux en raison de sa composition. La nouvelle instance qui devra gérer les universités comprendra en effet neuf membres représentant le ministère de l'Éducation, le CEPLAN, le CONCYTEC, deux représentants des universités publiques et deux des universités privées, un membre des collèges professionnels, et un membre du monde des entreprises. Or, les étudiants ne comprennent pas comment va être choisi ce dernier, et encore moins comment un représentant du milieu d'affaires (qui défend « par principe » la privatisation de l'éducation) pourrait faire partie d'une instance censée privilégier l'éducation publique.

La deuxième source de contestation concerne l'élection des recteurs et des deux vice-recteurs (l'un académique et l'autre de recherche). Actuellement, l'assemblée universitaire de chaque université est chargée d'élire ces responsables pour un mandat de 5 ans. Désormais, le vote serait élargi : les professeurs titulaires disposeraient des deux tiers de voix et les étudiants du tiers restant. Les étudiants s'y opposent demandant que le vote soit paritaire, professeurs et étudiants se répartissant les votes à parts égales.

Le troisième problème est celui des ressources pour la recherche, qui ne sont pas clairement définies dans le projet de loi. [Voir http://www.larepublica.pe/04-07-2013/ley-universitaria-claves-para-entender-por-que-estudiantes-la-rechazan]. En réalité les contestations des universitaires semblent plutôt guidées par les peurs du changement que par une lecture attentive du projet de loi en cours. Il y a certainement des points à améliorer ou à mieux préciser, mais on peut s'étonner du manque de réactions sur des dispositions visant à protéger les jeunes vis-à-vis de la propagande du groupe néo senderiste MOVADEF qui s'est considérablement étendu dans les universités publiques depuis 2009 [voir la Chronique d'octobre 2012]. En effet, l'article 10 du projet de loi stipule que les locaux universitaires doivent être utilisés exclusivement à des fins éducatives et qu'ils dépendent de l'autorité universitaire ; si celle-ci le juge nécessaire, elle peut faire appel aux forces de l'ordre, qui par ailleurs n'entreront dans l'enceinte universitaire qu'avec un mandat du ministère public. L'article 13 dispose qu'un contrôle strict devra présider à la sélection du personnel en excluant notamment les personnes qui ont été accusées de crime de terrorisme. Les dispositions concernant les titres et les grades vont dans le sens de l'amélioration de la qualité de la formation ; ainsi, alors que de nos jours un grand désordre règne dans les critères d'acquisition des titres universitaires, le projet de loi stipule l'obligation des mémoires de fin d'études — bachillerato (10 semestres après le collège), licence, master (4 semestres) et doctorat (6 semestres). Ainsi que des langues étrangères pour l'obtention de la licence, du master et du doctorat (deux langues). Enfin, les ressources pour la recherche sont clairement annoncées dans le chapitre 44 ; elles proviendront des taxes sur les machines à jeux (10%) et des redevances minières (1%) ; en dehors d'autres sources, dont celles que peuvent fournir les universités elles-mêmes. Enfin, la présence d'un homme d'affaires dans l'instance de contrôle universitaire est liée à l'objectif de former des jeunes susceptibles de travailler dans les secteurs économiques les plus développés au pays ; mais aussi de soutenir la création de micro-entreprises étudiantes (chapitre 47), et centres de production de biens et de services dont les bénéfices seraient destinés à la recherche (chapitre 49).
En résumé, les contestations contre la loi de service civil et le projet de loi universitaire semblent ne s'appuyer sur aucune base rigoureuse, elles expriment plutôt la peur du changement, la crainte de devoir faire des efforts réels pour améliorer la qualité du travail de la fonction publique, et les exigences d'un monde universitaire régi autant par la qualité de la formation, que par la maîtrise des langues, et par les possibilités de rentabilité à court terme, à la fois sur le plan individuel et institutionnel. Le politologue Martín Tanaka a émis l'idée que les réformes proposées par le gouvernement devaient « assumer l'existence de règles informelles » car au Pérou « nous avons une longue histoire liée à la difficulté d'introduire des critères modernes et libéraux dans des contextes régis par d'autres types d'ordres traditionnalistes. » (La República du 7 juillet 2013). Des idées fort surprenantes venant d'un universitaire dont les opinions sont très écoutées. Comment imaginer en effet que la modernisation, c'est-à-dire l'amélioration des systèmes sociaux en vue d'une meilleure efficacité et compétence en matière de gestion, puisse tenir compte des systèmes anciens et caducs qu'on tente, justement, de faire disparaître ? Cela n'est simplement pas pertinent et reflète, à mon sens, la réelle difficulté des universitaires— sans rien dire des étudiants et des fonctionnaires —, à considérer que les changements sont indispensables dans un pays qui prétend amorcer le passage de pays du « tiers-monde » vers celui (espérons-le) de « pays émergent ». Ce changement impliquera certainement des réajustements importants, tant sur la manière de concevoir la valeur véritable de la formation universitaire dans un pays qui manque plutôt de techniciens, que sur la manière de concevoir un service public neutre et performant. Mais il faudra bien commencer un jour au risque de s'apercevoir que la croissance seule ne mène nulle part si elle ne peut compter sur des professionnels compétitifs (ne serait-ce que sur le plan latino-américain) et une administration digne de ce nom.
— Lutte contre la corruption et l'insécurité
Malgré ses erreurs et ses manquements, l'administration actuelle a reconnu que la corruption et l'insécurité posent de graves problèmes au pays. Pour mieux organiser la lutte contre ces plaies parmi les diverses instances gouvernementales, le premier ministre Jiménez a créé un Conseil national de sécurité citoyenne (CONASEC) dont il a pris la présidence le 12 juillet. Cette nouvelle instance est composée de dix ministres, de titulaires du Pouvoir judiciaire, du Ministère public, mais aussi de maires, et de présidents régionaux, entre autres. Le plan annuel prévoit d'éradiquer la corruption au sein de la police, et certaines mesures ont déjà été prises. Parallèlement, la Police nationale et le système de justice seront renforcés à travers une meilleure articulation entre les agents de l'État, la Defensoría del pueblo et la société civile.
Le niveau de corruption, de délits et de crimes (racket, trafic de drogue, séquestrations, vols, viols, violences sous l'emprise de l'alcool) dont se rendent responsables de nombreux policiers est vraiment alarmant. Le ministre de l'Intérieur, Wilfredo Pedraza, a annoncé qu'entre janvier et juin 2013, 2 200 policiers ont été sanctionnés pour des délits mineurs, 611 pour des crimes graves, et 307 pour crimes très graves. Les sanctions à appliquer sont énumérées dans la loi de discipline policière édictée en décembre 2012. En 2012, 32 410 policiers furent punis pour avoir transgressé la loi ; 311 parmi eux furent renvoyés de la police ; 1 1788 furent suspendus et 199 furent renvoyés pour deux ans sans salaire. Enfin, une campagne organisée par le ministère de l'Intérieur demande à la population de dénoncer les policiers corrompus et/ou criminels grâce à une ligne téléphonique gratuite anti-corruption (La República des 13 et 14 juillet 2013).
Reste, comme on l'a vu plus haut, le problème très important de l'application de la loi de consultation préalable (Ley de consulta previa), promulguée le 6 septembre 2012 pour garantir un certain nombre des droits fondamentaux des communautés indigènes. Or, le gouvernement a décidé de ne pas publier la base de données sur les peuples indigènes susceptible de servir aux recours car, selon le ministre de la Culture, « cela peut créer de la confusion » ; chaque communauté lésée par un projet extractif devra adresser une demande expresse au ministère de la Culture même si le règlement publié en avril 2012 considérait que la base de données serait diffusée et mise en libre accès. Pire encore, les communautés quechuas ne seront pas incluses dans la base de données, ce qui a entraîné le vice-ministre de l'Interculturalité, Iván Lanegra, à démissionner de son poste. Le Défenseur du peuple par intérim Eduardo Vega, a déclaré qu'exclure les Quechuas reviendrait à faire marche arrière dans l'esprit de la loi la plus importante pour les peuples indigènes péruviens depuis le vote des analphabètes [en 1979].

Amnistie refusée pour Fujimori

En rejetant l'amnistie demandée par l'ancien dictateur Fujimori, le président Humala a pris une décision pertinente, en suivant la recommandation de la Commission des grâces présidentielles, mais aussi une large partie de la population péruvienne. Le président a déclaré avoir accepté les recommandations de la commission parce qu'elles lui semblaient sensées, logiques, et parce qu'elles s'attachaient à la vérité et à la justice. L'annonce a été reçue avec soulagement et satisfaction par la majorité des Péruviens.

CHRONIQUE POLITIQUE DU PEROU, JUILLET 2013
Vargas Llosa et Javier Pérez de Cuellar soutiennent le rejet d'amnistie à Fujimori, La República].
Le ministre de la Justice, Daniel Figallo, a déclaré que, selon la commission, Fujimori ne souffrait d'aucune maladie en phase terminale, ou d'affections mentales graves ; qu'en revanche, il était le prisonnier qui bénéficiait des meilleures conditions de détention de tout le pays. Il a également rappelé un empêchement juridique à l'amnistie demandée : selon la loi, elle ne peut pas être accordée à une personne condamnée pour séquestration, homicide et pour crimes contre l'humanité. Or, Fujimori a été condamné sous ces deux chefs d'inculpation (Fujimori a été condamné en 2009 pour les cas du massacre de Barrios Altos (15 morts), le cas La Cantuta (10 morts), et les séquestrations de Gustavo Gorriti et Samuel Dyer). [Voir : [1]. [Voir Massacre de Barrios Altos : http://www.youtube.com/watch ?v=ED_lmW3zNVU (Ière partie) http://www.youtube.com/watch ?v=rTSqdbLoM-c (2ème partie), Caso La Cantuta : http://www.youtube.com/watch ?v=aJsaGCSK6pg (APRODEH)]. [La sentence de Fujimori : http://www.youtube.com/watch ?v=OpwbOH5Np_I]. [Voir aussi le premier vidéo qui montre la corruption du régime fujimoriste, Montesinos et Kouri : http://www.youtube.com/watch ?v=b4ucGVHdP6w&feature;=player_embedded]

Notons également que Fujimori n'a fait preuve d'aucune repentance pour ses crimes, prétendant toujours devoir être considéré comme « prisonnier politique » [de même qu'Abimael Guzmán]. La décision est ferme et sans appel, même si l'état de santé de Fujimori peut l'amener à présenter une nouvelle demande ultérieurement, laquelle sera sujette à une évaluation médicale et légale.

Les réactions de la famille du dictateur ont été très vives ; Keiko a appelé ses partisans à descendre dans la rue et se réunir au Champ de Mars pour protester contre la décision du gouvernement. Mais personne ne lui a répondu. Le 11 juillet, Alberto Fujimori a écrit sa douzième lettre dans laquelle il se qualifie de « victime » pour se plaindre de la décision du président et accuser la commission des grâces de manipuler la loi. Mais il restera en prison…
Le ministère Public, par le biais de la Procuraduría anticorrupción, a lancé une enquête auprès des proches et des amis de Fujimori pour rechercher l'argent accumulé et volé pendant son mandat de dix ans, aussi bien au Pérou que dans le reste du monde. L'objectif premier est de récupérer les 27 millions de soles (près de 10 millions d'euros), que Fujimori doit payer à l'État comme réparation civile. Plusieurs membres de la famille du dictateur sont au Japon et ont pris la nationalité japonaise, ce qui peut compliquer les actions légales ; une entreprise suisse spécialiste de ces affaires a été contactée pour aider le gouvernement. [Voir http://www.larepublica.pe/09-07-2013/buscan-en-todo-el-mundo-dinero-de-alberto-fujimori].

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Famille Fujimori mise en examen]

La condamnation à perpétuité du senderiste Artemio

Capturé le 11 février 2012, Eleuterio Flores, camarada Artemio, était le chef senderiste du Huallaga depuis les années 1980. Le criminel a été jugé par la Chambre pénale nationale, présidée par les juges Clotilde Cavero, María Luz Vásquez et Cayo Rivera ; le procureur était Luis Landa. Eleuterio Flores a été condamné à perpétuité pour l'homicide de 27 personnes (dont 15 civils et 12 policiers, et un nombre indéterminé de militaires et civils), terrorisme et trafic de drogue. L'accusé devra s'acquitter également du payement de 500 millions de soles de réparation civile à l'État. [Voir : http://elcomercio.pe/actualidad/1587519/noticia-crimenes-sentenciado-terroristaartemio, http://www.larepublica.pe/08-06-2013/tribunal-condeno-a-terrorista-artemio-a-cadena-perpetua, http://www.larepublica.pe/tag/artemio].

Flores a rejeté ces accusations, s'est déclaré innocent, et a continué à nier également ses liens avec la branche « politique » du senderisme représentée par le MOVADEF (Movimiento pour la amnistia y los derechos fundamentales), alors même que son avocat, Alfredo Crespo, est le principal dirigeant de ce groupe auquel on a interdit de devenir un parti politique [Voir la Chronique politique du Pérou, Février 2013]. Il a reçu sa condamnation avec un sourire et a levé son poing gauche pour défier le tribunal. Il purgera sa peine dans la base navale du Callao, où se trouvent également Abimael Guzmán, Oscar Ramírez (Feliciano) et Polay Campos (ex chef du MRTA), entre autres.

CHRONIQUE POLITIQUE DU PEROU, JUILLET 2013

Artemio et son avocat Crespo, La República
Après la capture de Flores, 123 personnes affiliées au terrorisme ont été capturées dans la région du Alto Huallaga, Aucayacu et Monzón. Plusieurs d'entre eux ont été accusés et attendent de passer en jugement. Plus récemment, deux anciennes congressistes du Parti nationaliste au pouvoir, Nancy Obregón et Elsa Malpartida, ont été mises en examen pour leurs liens avec les narcotrafiquants du Huallaga. Le 17 juillet, Nancy Obregón a été accusée de préparer le remplacement du camarada Artemio par un dirigeant, dit Antonio, du groupe néo senderiste dirigé par les frères Quispe dans la région du VRAEM. Selon les conversations téléphoniques interceptées par la police anti-drogues (DIVINESP), tout était prêt en ce mois de juillet pour le transfert d'une colonne armée du VRAEM vers le Huallaga chargée d'attaquer le programme d'éradication des cultures de coca. Obregón était une dirigeante des cultivateurs légaux (cocaleros) de la région. Les chefs du VRAEM, José et Antonio, programmaient le recrutement de paysans qui seraient formés militairement dans les camps du VRAEM. Obregón participait dans ces agissements en apportant de l'argent destiné à créer le Comité régional de l'orient, nouvelle organisation narco-senderiste. Les plans furent découverts et le groupe démantelé par la police avec l'aide de témoins, et d'un indicateur bénéficiaire du programme « Collaboration efficace » [La República du 8 juin et du 18 juillet 2013, El Comercio du 8 juin 2013].
La situation de la justice ordinaire et des droits humains Des avancées importantes ont été enregistrées dans le domaine de la justice pénale concernant les violations des droits humains dans le pays. Le 23 juin, le ministère public a désigné le procureur Marco Guzmán Baca pour qu'il s'occupe de manière exclusive du cas des stérilisations forcées de María Mestanza et autres. Ces cas concernent le programme de stérilisation entrepris par le régime de Fujimori dans les années 1990, qui a affecté quelque 300 000 femmes en milieu rural. Le procureur va recevoir des moyens logistiques et du personnel qualifié pour mener à bien son travail, une enquête très complexe et volumineuse compte tenu de la gravité des faits et du nombre des témoins et personnes lésés. A l'heure actuelle, l'affaire est décrite dans 118 volumes, le procureur a annoncé que le recensement des déclarations des personnes lésées allait commencer à la mi-juillet. Les accusés sont les anciens ministres de la Santé Alejandro Aguinaga, Eduardo Yong Moyya, Marino Costa Bauer, Jorge Parra Vergara, Ulises Jorge Aguilar, et autres (La República du 24 juin 2013).
Le 26 juin, des juges de la Chambre pénale nationale ont visité les deux locaux qui ont servi aux militaires de centres de détention, de torture et de mise à mort de centaines de personnes à Huamanga, Ayacucho. Le groupe des juges présidé par Ricardo Brousset visita d'abord le lieu connu sous le nom de « Casa rosada » où, selon les témoins, les militaires ont torturé et tué les détenus entre janvier et octobre 1983. Le deuxième lieu visité fut la caserne Los Cabitos, où la Commission de la vérité et la réconciliation (CVR) a découvert l'existence de fours où les militaires brûlaient les cadavres des personnes exécutées, et où elle a identifié 109 cadavres parmi les 138 cas de personnes disparues dans cette base militaire entre 1983 et 1985. Le procès contre sept officiers de l'état major accusés d'avoir été responsables des tueries à Los Cabitos est actuellement en cours. La Chambre pénale qui s'occupe du cas Los Cabitos a décidé de se rendre à Huamanga pour recueillir des témoignages des personnes soumises à la torture pendant leur détention, et des proches des victimes. Dans ce contexte, en avril, le président du Congrès, Víctor Isla, accompagné de Marisol Pérez, présidente de la Commission de justice et droits humains du Congrès et des congressistes José Urquizo et Hugo Carrilo, a présidé à l'exhumation de près de cent cadavres dans le lieu dit La Hoyada, proche à Los Cabitos. Isla a promis de faire ériger un sanctuaire à la mémoire des victimes (La República du 24 avril, du 19 mai et du 27 juin 2013).

CHRONIQUE POLITIQUE DU PEROU, JUILLET 2013
Víctor Isla à Los Cabitos].
Dans un geste peu commun, un ancien militaire qui a participé à la lutte contre le terrorisme a demandé pardon aux proches des victimes de la base militaire de Pampa Cangallo, Ayacucho. L'ancien lieutenant Collins Collantes Guerra, connu sous le nom de Teniente Peco, a rencontré les proches de Manuel Pacotaype, maire de Chuschi, et trois autres personnes, disparues en mars 1991. Il leur a demandé pardon, les larmes aux yeux, en disant qu'il avait reçu l'ordre de les capturer et de les conduire à la base, raison pour laquelle il a été condamné à 14 ans de prison. Les veuves de trois morts lui demandèrent de leur signaler le lieu de leur enterrement, mais il déclara ne rien savoir, qu'il fallait poser la question aux chefs de la base, dont le commandant Mario Alberto Caldas Dueñas, le chef des renseignements, Néstor Oblitas Carreras (Espartaco), et l'officier des opérations José Zavaleta Angulo (Trueno) (La República du 21 avril 2013).
CHRONIQUE POLITIQUE DU PEROU, JUILLET 2013
Teniente Peco à Chuchi, Archives La República]
En juin, l'équipe de médecine légale du ministère public a découvert le massacre commis dans deux communautés de la province de La Mar, Ayacucho, par le Parti communiste du Pérou, Sentier Lumineux, en janvier 1988. Les corps de 23 personnes ont été identifiés et exhumés avec l'aide des proches des victimes ; les experts ont précisé que 17 d'entre eux appartiennent aux paysans du village de Chaca et les 6 autres à la communauté de Chanquil (district de San Miguel, La Mar). Les proches des victimes ont tenu à promener les restes récupérés à la Place d'armes de Huamanga, avant de les emmener dans leurs villages pour continuer les cérémonies funéraires.
CHRONIQUE POLITIQUE DU PEROU, JUILLET 2013
Victimes d'un massacre senderiste à La Mar, La República du 17 juin 2013]
Le cas Accomarca continue d'être examiné devant la Chambre pénale nationale ; rappelons que cette affaire concerne le massacre de 62 paysans commis par l'armée le 14 août 1985, et dont le principal accusé, l'ancien lieutenant Telmo Hurtado, a été capturé en mai 2009. Son procès est en cours. Le 8 juillet, les magistrats ont décidé de se rendre à Ayacucho pour effectuer une enquête et déterminer les circonstances du massacre. L'avocat Carlos Rivers (Institut de défense légale, IDL), a déclaré qu'il manquait encore treize témoins clés qui ne se sont pas présentés devant le tribunal par crainte des représailles des militaires (La República du 8 juillet 2013).
Enfin, en ce qui concerne le cas de La Cantuta [meurtre de 10 universitaires sous les ordres du Groupe Colina, dirigé par Montesinos et par Fujimori en 1992], on a nommé un nouveau procureur, Juan de la Cruz Aguilar, pour retrouver les restes des cinq victimes qui ne se trouvaient pas dans la fosse commune découverte en août 1993 dans le lieu dit Chavilca (Cieneguilla) et à Huachipa (province de Lima). Le groupe de recherche est formé par le procureur de la Cruz, le directeur de l'Institut de défense légale (Gino Dávila) et le directeur de l'équipe péruvienne d'anthropologie légale (José Pablo Baráybar) (La República du 12 juillet 2013).

— Le cas de la mise en examen d'Alan García
L'ancien président Alan García (APRA) doit répondre cette année des graves accusations de la justice péruvienne, dont sa responsabilité dans le massacre de cent-dix-huit prisonniers dans l'île de El Frontón, les 18 et 19 juin 1986 ; dans la libération arbitraire de prisonniers et dans d'autres affaires de corruption [voir la Chronique politique d'Avril 2013].

Une nouvelle accusation est apparue récemment. Le 2 juillet, il a été convoqué comme témoin dans le cas du groupe paramilitaire Rodrigo Franco, qui a commis des crimes contre des civils au cours de son second mandat. La demande a été présentée par l'avocate Gloria Cano (Asociación de défense de derechos humanos, APRODEH), devant la Chambre pénale nationale ; il s'agit de déterminer si García a assuré l'impunité à ce groupe qui, d'après Cano, n'aurait pas été en mesure d'agir de manière autonome dans les éliminations sélectives qu'il a commises. De fait, les crimes du comando Rodrigo Franco sont restés impunis jusqu'à présent, raison pour laquelle les organisations de défense des droits humains tentent d'ouvrir un dossier pénal. Il faudra enquêter en particulier sur le rôle du ministre apriste Agustín Mantilla, que l'on tient pour l'organisateur du groupe, et sur la responsabilité de García dans ces affaires. Gloria Cano a demandé et obtenu que l'ancien président de la Commission de la vérité, Salomón Lerner Febres, soit convoqué par le tribunal ; ainsi que l'universitaire nord-américaine Jo-Marie Burt qui a publié un livre sur la violence au Pérou (La República du 2 juillet).
En outre, on se souvient que García est accusé par une commission du Congrès (présidée par le nationaliste Sergio Tejada), d'avoir libéré 5 500 prisonniers, dont 400 accusés de trafic de drogue, mais également pour enrichissement illicite, et enfin pour sa participation dans des écoutes téléphoniques illégales pendant son dernier mandant. Le 3 avril, lorsqu'il fut convoqué par la commission, García eut des réactions très vives à l'encontre de Tejada, à qui il reprocha ne pas avoir identifié les quatre cents cas des détenus … alors que la commission n'a pas de mandat pour le faire. Tejada rétorqua que c'était le ministère de la Justice qui avait communiqué le nombre de cas de détenus libérés mais qu'il n'avait pas eu personnellement accès aux dossiers. Très agacé, García déclara qu'il assumait toutes les libérations et les réductions de peines, et qu'on l'insultait en insinuant qu'il aurait tiré bénéfice de la libération des accusés pour trafic de drogue. D'après Angel Páez, le journaliste qui rapporte ces faits (grâce à un enregistrement de la réunion), García ne répondit plus aux questions, sinon de manière sarcastique et arrogante. Les questions sur ses liens avec les écoutes téléphoniques, et avec des hommes d'affaires (Genaro Matute, Hernán Garrido, Francisco Garza) associés aux entreprises Business Track et Globat CST, sont donc restées sans réponse. Et les questions relatives à son patrimoine immobilier lui donnèrent l'occasion d'affirmer qu'il avait perdu ses trois immeubles et beaucoup d'argent lors de son départ du gouvernement. La commission a demandé une prolongation de son mandat de 120 jours compte tenu de la complexité des dossiers impliquant l'ancien président. Enfin, le procureur de la nation, José Peláez, a obtenu la levée du secret bancaire de García, notamment pour enquêter sur l'achat d'une maison et sur ses comptes bancaires au pays, et probablement à l'étranger. García a accepté la mesure en affirmant qu'il n'avait rien à cacher. Mais il a accusé le gouvernement de le persécuter pour éviter sa candidature en 2016, ajoutant que Humala prétendait imposer la candidature unique de son épouse Nadine Heredia (La República des 4 et 5 mai 2013).

L'ancien président Alejandro Toledo affronte, lui aussi, une mise en examen de la justice péruvienne pour ses liens financiers avec sa belle-mère, qui aurait contribué à sa campagne présidentielle, et avec qui Toledo aurait développé des relations commerciales illicites au Costa Rica et au Pérou. Dans la même veine, Keiko Fujimori a été mise en examen dans une affaire touchant à l'acquisition de propriétés immobilières, en plus de l'enquête lancée par le ministère public pour retrouver la fortune de Alberto Fujimori et de sa famille.

Les actions terroristes et le trafic de drogue : toujours vers le Sud

La branche armée néo-senderiste dirigée par les frères Quispe Palomino dans la région du VRAEM (Amazonie centrale) a continué ses incursions dans les communautés paysannes et a eu quelques accrochages avec les forces de l'ordre. Le mouvement des narco-terroristes se poursuit vers le sud, toujours en suivant les nouvelles routes de la drogue. Il y a eu le 27 avril un accrochage entre une patrouille de l'armée et un groupe de quatre senderistes qui transportaient de la drogue dans la localité de Palomar (San Martín de Pangoa, Satipo, Junín). L'un fut tué et les trois autres furent capturés. Le même jour, l'armée empêcha un groupe de faire exploser une antenne téléphonique à Cochabamba (Huancavelica), un narcoterroriste fut tué, et plusieurs armes confisquées. Ces attaques sont liées à l'idée commune chez les narcoterroristes que les forces de l'ordre peuvent écouter leurs conversations et identifier les lieux où ils vivent. Le 6 juin, une colonne de 35 hommes armés du groupe des frères Quispe prit d'assaut le campement du consortium Pichari qui construit la route Chalhuamayo-San Francisco, et elle décrocha vers un campement situé à 3 heures avec 18 travailleurs chargés de vivres. Ceux-ci furent relâchés après avoir été contraints d'écouter la propagande senderiste. Les forces de l'ordre arrivèrent peu après et se heurtèrent à la colonne ; deux soldats furent blessés. Le 22 juin, on découvrit deux corps qui étaient probablement ceux des deux ingénieurs tués sur ordre de « Gabriel », l'un des frères Quispe, dans la localité de Villa Vírgen (La Convención, Cusco). Le 6 juillet, une colonne d'environ 40 néo-senderistes fit irruption dans la communauté ashaninka de Poyeni (Río Tambo, Satipo) pour intimider la population (environ 500 habitants) en lui rappelant ses dettes envers eux. Les Ashaninka de cette zone ont lutté contre les senderistes seuls, puis en collaboration avec l'armée et la marine dans les années 1990. Le comité d'auto-défense de Poyeni a dénoncé les menaces dont ils sont victimes et a alerté sur les vols organisés par « José » vers la Colombie et la Bolivie à partir du fleuve Ene (La República , avril et mai 2013).
— Les nouvelles routes de la drogue

D'après des témoignages recueillis récemment dans le cadre du programme Collaboration efficace de la Direction contre le terrorisme (DIRCOTE), la drogue produite dans la région des vallées des fleuves Apurímac, Ene et Mantaro (VRAEM), utilise deux routes : la première relie la zone de Villa Vírgen à San Francisco et Satipo, puis Atalaya et le Brésil ; la seconde relie la zone de San Antonio à San Francisco, Sepahua, Atalaya et le Brésil (La República du 26 avril 2013).

CHRONIQUE POLITIQUE DU PEROU, JUILLET 2013
Routes de la drogue, La República

Une autre route de la drogue produite au VRAEM transite par la région de forêt de Cusco, dans la zone de Kepashiato, d'où elle est acheminée vers la ville de Cusco et la Bolivie. A Kepashiato, un kilo de pasta básica de cocaína se vend 1 500 dollars, à Cusco il coûte 2 500 dollars, et en Bolivie il peut atteindre 4 000 dollars. La zone de Kepashiato s'est imposée comme important centre de passage de la drogue, tout devenant un centre régional de l'exploitation du gaz, ce qui la rend particulièrement sensible. On se souvient en effet que le 9 avril 2012, une colonne senderiste dirigée par Gabriel, l'un des frères Quispe, avait pris en otage 36 travailleurs des entreprises Skanska et Construcciones modulares, puis les avait libérés le 14 avril après l'intervention de l'armée [voir la Chronique de mai 2012]. Le 15 mai, une colonne senderiste est entrée à Kepashiato et a ordonné à la population d'abandonner la localité la semaine suivante car ils voulaient attaquer la base militaire de Yuveni et de Kepashiato, les postes de police et l'entreprise Transportadora de Gaz del Perú (TGP), en représailles à l'attaque des militaires contre un bus le 6 mai dernier à Echarate, près de Kepashiato. Il s'agissait d'une bavure des militaires qui avaient blessé dans ce bus neuf personnes qu'ils pensaient être des terroristes. Ces agissements laissent à penser que les senderistes veulent se poser en « défenseurs » des populations pour gagner leur soutien. Les actions de propagande concernent aussi des messages de radio lancés dans la zone du VRAEM, dans lesquels il est demandé aux populations de rejeter la présence des forces armées et de défendre leurs cultures de coca contre les programmes d'éradication. La voix entendue le plus souvent est celle d'une femme identifiée comme Olga Loya Vílchez, camarada Olga, accusée d'être la dirigeante des écoles populaires qui endoctrinent les enfants dans l'idéologie de mort senderiste (La República, avril et mai 2013).

La lutte contre le terrorisme dans le VRAEM, qui devra bientôt inclure le département de Cusco, se poursuit et a même été renforcée avec un projet de loi controversé. Le décret suprême 004-2013-DE décide en effet que les opérations militaires dans la région seront exécutées sous commandement unifié des forces armées et de la police nationale, suivant les directives du commandement conjoint des forces armées. Approuvée en juin, la mesure est censée améliorer le travail d'équipe entre les diverses instances déployées sur le terrain de cette zone en état d'urgence. En outre, le Bureau national de dialogue participera également dans la coordination des actions développées par les forces armées. Le 27 juin, le Congrès a approuvé une loi qui modifie le Code pénal pour fixer à 20 ans de prison la peine de ceux qui attentent à la vie des militaires, policiers et responsables. Enfin, le 13 juin, le Congrès a approuvé un projet de loi (présenté par les partis nationaliste et fujimoriste) qui dispose que les militaires et les policiers sont exemptés de responsabilité pénale lorsqu'ils blessent ou tuent dans le cadre de l'accomplissement de leur devoir. Cependant, pour que ce projet puisse être accepté, il faudra modifier d'abord l'article 20 du Code pénal sur l'usage des armes. La réaction des organismes de défense des droits humains n'a pas tardé, et le 15 juin, IDL a demandé au président d'annuler ce projet de loi qui correspond à une « licence pour tuer » accordée aux forces de l'ordre, et confère une impunité totale aux agents des forces de l'ordre dans les cas d'atteintes aux droits humains (La República, mai 2013).

L'élection du Défenseur du peuple et des membres du Tribunal constitutionnel : contestations massives et demande d'une nouvelle élection

L'élection par le Congrès du Défenseur du peuple, des membres du Tribunal constitutionnel (TC), ainsi que des membres de la direction de la Banque centrale, a eu lieu le 17 juillet et a soulevé une vague importante de contestations populaires et institutionnelles. La situation est très complexe car l'élection ne s'est pas effectuée dans les règles et aurait dû susciter des contestations bien plus tôt.

En effet, ces élections auraient dû intervenir en avril 2011, et non en juillet 2013, après une « répartition » des candidats et des postes entre les partis politiques. Contrairement à la loi, l'élection s'est faite en bloc, pour tous les candidats, alors qu'elle devait être individuelle. Bien plus, il n'y avait qu'une seule candidature pour la Defensoría del pueblo, en contradiction avec les règles habituelles. Il s'agit de Pilar Freitas, conseillère à la mairie de Lima, du parti Perú posible de Toledo, qui est impliquée dans deux affaires de corruption (fausses signatures pour l'inscription de son parti au tribunal national des élections, salaires irréguliers comme présidente de la Fondation Canevaro). Et dans deux autres affaires liées à son soutien à Alberto Fujimori en 1999 (elle a appuyé les juges qui ont tranché une demande de restitution d'argent à Fujimori par son épouse, et elle a réclamé un jugement contre Baruch Ivcher et sa famille, que Fujimori avait déchu de la nationalité péruvienne). Parmi les candidats élus au Tribunal Constitutionnel, il y a deux fujimoristes, José Luis Sardón, et un ancien avocat de Fujimori, Rolando Souza, soutenu par Fuerza popular. Sousa fait partie d'un cabinet d'avocats spécialisés dans la défense des personnes accusées de trafic de drogues, de corruption et de violations des droits humains. Il a défendu Fujimori et ses complices, l'ancien général Hermoza Ríos et Salazar Monroe, et défend actuellement l'ancien ministre de la Santé Alejandro Aguinaga qui est accusé d'avoir participé à l'organisation des stérilisations forcées ordonnées par Fujimori dans les années 1990.

Or ces deux candidatures qui ne remplissent pas les exigences de probité morale les plus élémentaires ont été annoncées dès le début juillet et n'ont suscité que des critiques, de toute évidence insuffisantes malgré les efforts d'organismes civils comme l'Institut de défense légale pour dénoncer Souza et Freitas, et la pétition forte d'un millier de signatures lancée par Mario Vargas Llosa, et qui fut adressée au Congrès. [Voir http://www.larepublica.pe/13-07-2013/aumentan-los-cuestionamientos-contra-candidata-pilar-freitas, http://www.larepublica.pe/14-07-2013/dan-mas-razones-por-las-que-sousa-no-debe-ir-al-tribunal-constitucional].

Le jeudi 18 juillet, le président Humala a déclaré que cette élection avait été entachée par des questions d'arrangement entre les partis [Gana Perú, Fuerza popular et Perú posible], et il a demandé à Freitas et à Souza de démissionner. L'ancienne Défenseure du peuple Beatriz Merino, femme de droite très respectée dans le pays, a soutenu les déclarations du président et a réclamé, elle aussi, la démission des deux personnages contestés. L'actuel Défenseur du peuple par intérim, César Vega, qui jouit d'une excellente réputation, a émis une opinion semblable. Le samedi 20 juillet, on apprend que Freitas et deux élus au TC (Víctor Mayorga et Francisco Eguiguren) ont démissionné, et que deux autres élus (Cayo Galindo et Ernesto Blume) ont mis leurs postes à disposition du Congrès.

De son côté, Souza a déclaré qu'il ne pouvait pas démissionner car cela « n'est pas constitutionnel », ce qui est inexact. José Sardón garde le silence. Le président du Congrès a convoqué une réunion des porte-paroles des partis politiques pour sortir de l'impasse institutionnelle, inédite dans l'histoire républicaine. En tout état de cause, il est évident que ce sont des considérations de politique politicienne qui ont été privilégiées dans ces élections aux plus hautes charges institutionnelles et morales de la République au détriment des intérêts de la nation. Les congressistes ne s'attendaient probablement pas à la réaction de rejet populaire massif que leurs arrangements ont provoquée et qui montre un éveil important de la société civile du pays. La Coordinadora nacional de derechos humanos (CNDH) et plusieurs collectifs de jeunes ont annoncé des manifestations à Lima et dans les principales villes pour le lundi 22 et le 28 juillet, jour de la fête nationale. Si le Congrès et le gouvernement ne trouvent pas de solution aux élections du 17 juillet, la fête risque de tourner court.
Une nouvelle élection semble la seule issue pertinente à la situation créée par des politiciens membres du congrès qui, de manière irresponsable, ont privilégié leurs propres intérêts, sans tenir compte, comme le note Salomón Lerner, ni de la légitimité de leur élection, ni des conditions d'excellence académique et professionnelle des candidats, ni de leur parcours éthique et démocratique. [Voir http://www.larepublica.pe/columnistas/desde-las-aulas/la-crisis-de-la-politica-20-07-2023]. Le constitutionnaliste Valle Riestra défend l'idée que pour sortir de la grave crise institutionnelle actuelle, il faudra revenir au système bicaméral, avec une chambre de sénateurs et une chambre de députés, et qu'il faudra donc convoquer une Assemblée constituante pour modifier la Constitution. On se rend compte en effet que le système actuel, introduit par Fujimori et la Constitution qu'il fit voter en 1993, est problématique car il favorise les compromis douteux entre « congressistes » plus soucieux de représenter leurs intérêts que ceux du peuple. Une nouvelle Constitution est aussi indispensable pour changer le mode des élections aux plus hautes charges de l'État qui devrait passer des mains du Congrès à celles du Conseil national de la magistrature. Les jours prochains sont cruciaux pour la sortie de crise.

CHRONIQUE POLITIQUE DU PEROU, JUILLET 2013
Manifestation contre l'élection du Défenseur du peuple et les membres du Tribunal constitutionnel, le 17 juillet à Lima. La República].

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[1] http://www.larepublica.pe/08-06-2013/presidente-ollanta-humala-no-concedio-el-indulto-a-alberto-fujimori->http://www.larepublica.pe/08-06-2013/presidente-ollanta-humala-no-concedio-el-indulto-a-alberto-fujimori]->xxx], http://www.larepublica.pe/07-06-2013/cronologia-del-rechazo-del-pedido-de-indulto-a-alberto-fujimori, [http://www.larepublica.pe/13-06-2013/intelectuales-respaldan-decision-presidencial-de-negar-indulto-a-fujimori->http://www.larepublica.pe/13-06-2013/intelectuales-respaldan-decision-presidencial-de-negar-indulto-a-fujimori


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