C’est dimanche, Mamette reçoit la famille…
Sempiternel rite hebdomadaire !
Avec Eléonore, elle s’affaire pour bien recevoir ses hôtes. Sur le petit marché local, elles ont acheté des fruits et légumes aux couleurs méridionales, de la bonne viande et des crustacés, sans oublier le fameux cru régional et les oreillettes de Vernet-les-bains. Tout bon, tout frais, rien que de la qualité ! Il faut dire que la famille, c’est du beau monde. Elle est grande la descendance et le repas du midi, c’est un banquet. On met les petits plats dans les grands et surtout, on préserve le protocole. Couverts à viande, couverts à poisson, couteau à fromage, petites cuillères en argent sans oublier la fourchette pointée vers la table et les couteaux flirtant avec les porte-couteaux sous l’œil vigilant des verres à vin et des verres à eau. Adeline, en vacances chez sa grand-mère, est sollicitée pour installer la table, cela fait partie de son éducation. Elle bougonne et préfèrerait aller jouer avec ses copains mais elle se plie aux bonnes manières. La tâche accomplie, elle se pose un instant sur le rebord de la fenêtre, profite du soleil qui la caresse doucement et des oiseaux nichés dans les arbres. Leurs chants la transportent à quelques lieues de là. Elle s’imagine au pays de Gargantua. Comme elle aimerait pouvoir manger avec les doigts, lécher son assiette et rire à gorge déployée ! Mais déjà les voitures se garent sous les marronniers. Les oncles, les tantes et neveux viennent de tous horizons et principalement de Castelnaudary, dans l’Aude. Ils ont traversé la montagne noire et rapportent de la bonne charcuterie. Le cassoulet, c’est chez eux qu’on le déguste. Adeline se remémore alors son dernier séjour là-bas : dans la douceur de sa tartine miellée, elle admirait la danse des blés face à la montagne noire. Le vieux moulin tournait et riait tandis que la tramontane chassait l’humidité et faisait remonter jusqu’aux narines la divine odeur du cassoulet.
Joie des retrouvailles, embrassades et accent du midi, le bonheur envahit l’espace. L’apéritif est servi tout en bas du jardin, près du torrent. Les discussions vont bon train : on prend des nouvelles de chacun, on plaisante, on chante même parfois. Treize heures : Eléonore, du haut de la terrasse, agite la petite cloche « à table ! ». Hum, ça sent bon au premier étage ! Guidés par le fumet, nos invités prennent place. Les serviettes sont brodées main aux initiales personnelles. La nappe blanche se marie à la lumière de la pièce, quelques roses sont disséminées çà et là. Adeline reçoit moult compliments pour sa décoration et voici le défilé des plats. Il y a plusieurs entrées, au choix, afin que tout le monde y trouve son soûl. Les plats de résistance, c’est poisson et viande, ainsi il y en a pour tous les goûts. Adeline aime tout, elle s’empiffre d’autant plus que le repas s’éternise et que les enfants n’ont pas droit à la parole. Alors pour ne pas s’ennuyer, elle mange et mange encore. Heureusement, il y a la liqueur digestive avant la suite. Bien sûr les enfants ne boivent pas d’alcool mais Adeline a trouvé une astuce. Elle a cueilli quelques câpres de capucines qui font autant d’effet. Elle adore ça bien que ce soit un peu fort en bouche. Soudain, son visage s’éclaire, non à cause de sa trouvaille mais parce qu’elle suit du regard sa petite sœur qui, cachée dans les plis de la nappe qui touche terre, attrape discrètement les verres et s’amuse à vider tous les fonds ! Voilà une belle diversion qui ravit Adeline. A l’heure de l’odorant plateau de fromage, toute la famille cherche la petite sœur et Ô stupeur… pour rigoler, ah ça oui, elle rigole mais les grands s’inquiètent. Adeline restera marquée à jamais par cet événement. Elle prend conscience que certains jeux sont dangereux mais heureusement, après une bonne sieste, la niña réclame son goûter. Il n’y a pas de bobo.
Do, do, l’enfant do… la famille a vite régurgité les relents d’alcool.