Angel
— Réveille-toi Angel !
Sa voix inquiète me tira brusquement du sommeil. Je fus surprise de le voir penché sur moi dans la pénombre. La lumière de la table de chevet qu’il alluma lorsque je me fus redressée m’éblouit et m’arracha un grognement.
— Qu’est-ce qui se passe ? l’interrogeai-je en me protégeant les yeux de la lumière importune.
— Où étais-tu cet après-midi ?
A peine tirée du sommeil, cette question simple me laissa pourtant sans voix. Je le fixai sans comprendre. Devant mon mutisme, il saisit mon visage entre ses mains et réitéra la question avec une rudesse qui ne manqua pas de m’inquiéter. Son ton grave cachait mal une anxiété qui transparaissait dans son regard sombre plongé dans le mien.
— Tu sais très bien où j’étais!
— Tu n’es allée qu’à l’hôpital et faire les boutiques, n’est-ce pas ? insista-t-il.
J’acquiesçai de la tête en tachant de paraître la plus convaincante possible. Malheureusement, je ne pus empêcher les battements de mon cœur de s’emballer. A ses paupières qui se plissèrent de manière imperceptible et à ses lèvres pincées, je compris qu’il les avait perçus et qu’il n’était nullement dupe de ce piètre mensonge.
— Ne me mens pas, Angel ! Où étais-tu ? Pourquoi Brian ne t’a-t-il pas vue à l’hôpital ? s’énerva-t-il en accentuant la pression de ses doigts de part et d’autre de mon visage.
— Je te l’ai dit : j’ai dû me rendre à l’administration remplir des papiers pour Charlène, me justifiai-je en saisissant ses poignets pour me dégager de ses mains. Mais je n’avais pas les documents qu’il fallait. Elle n’avait rien sur elle à son admission. J’ai dû aller chez elle…
Il me lâcha aussitôt.
— Par pitié, dis-moi qu’elle habite loin du club, me supplia-t-il avec une appréhension qu’il ne prenait même plus la peine de dissimuler.
— Elle habite au bout de la rue, confessai-je à mi-voix.
Il jura entre ses dents serrées et se leva d’un bond pour arpenter nerveusement la chambre.
— Je n’y suis restée qu’une demi-heure et je me suis engouffrée dans le premier métro. Il n’y a eu aucun problème…
— Tony a été tué. On lui a tiré dessus avec sa propre arme, m’interrompit-il brutalement en s’immobilisant au pied du lit.
Je reçus la nouvelle comme un coup en plein poitrine qui me coupa le souffle. Je restai de longues secondes à le dévisager en me demandant si je devais laisser éclater ce soulagement indicible qui venait de m’envahir ou répondre à cette question implicite que je lisais dans son regard. Qu’il ait pu songer une seule seconde que j’ai pu être responsable de sa mort me laissa sans voix.
— Je suis allé au club pour l’empêcher de t’approcher à nouveau. On m’a devancé. La police était sur place. Il semblerait que le meurtre ait eu dans la journée, continua-t-il en jaugeant mes réactions.
— Et tu crois que c’est moi ?
Ma question le troubla. Il me fixa un moment sans un mot avant de s’approcher pour venir s’asseoir à nouveau à mes côtés.
— Tu es encore là malgré tout ce que tu as appris sur moi et je te donne l’exemple depuis des semaines en éliminant en toute impunité tes démons comme on efface une ardoise…
Sa main et son regard virent se poser sur ma gorge. Il resta ainsi quelques secondes à sentir sous ses doigts le rythme saccadé de ma respiration.
— Je t’ai débarrassé de cette peur qui t’habitait en permanence mais pas de cette colère que je perçois toujours chez toi. Beaucoup de choses ont changé au cours de toutes ces semaines – tu as beaucoup changé- mais, elle, elle est toujours là, tapie quelque part surgissant dès que tu te sens en danger. Tu voulais que je tue Tony. J’ai refusé et il s’en encore pris à toi…
Je chassais sa main avec impatience et le repoussai pour me lever. Je n’avais pas besoin qu’il me rappelle en permanence que j’étais la pauvre gourde à qui il arrivait toujours les mêmes ennuis. Cet état de fait m’était de plus en plus difficile à accepter surtout depuis que je m’étais fait avoir une fois de plus par Tony.
— Ce salopard mérite ce qui lui est arrivé. Ne compte pas sur moi pour m’excuser de sauter de joie de le savoir mort ! m’énervai-je. Mon seul regret est de ne pas avoir eu le cran de le faire moi-même !
Il parut brièvement soulagé par cette dernière phrase avant de reprendre une expression soucieuse qui lui barra le front.
— Si ce n’est pas toi alors nous avons un plus gros problème sur les bras, reprit-il en se levant à son tour. Cela fait beaucoup trop d’évènements en peu de temps pour que ce ne soit qu’une coïncidence : l’agression de Charlène, la tienne et maintenant la mort de Tony…
— A quoi est-ce que tu penses ?
Il se passa une main passablement agacée sur la nuque et expira d’exaspération.
— Delanay. Je l’ai provoqué en lui disant qu’il n’avait pas suffisamment de preuves contre moi pour que son minable chantage aboutisse. Il devait se douter qu’après l’incident de l’hôpital, je me rendrais tôt ou tard chez Tony. Il a simplement anticipé et forcé les choses.
— Tu crois qu’il a manigancé tout cela pour te contraindre à accepter sa demande ? Mais c’est un flic, il n’a pas pu tuer Tony ! m’exclamai-je.
Le haussement de sourcil dont il me gratifia me fit aussitôt comprendre à quel point ma réflexion pouvait être naïve.
— Ta soudaine confiance en la nature humaine est assez risible, se moqua-t-il avec cynisme.
Je fronçai le nez. Delanay ne m’a jamais aspiré confiance mais de là à imaginer qu’il puisse élaborer ce genre de plan et risquer ainsi sa vie dans le seul but de s’allouer les services d’un vampire me semblait complètement aberrant. « La fin justifie les moyens » m’avait-il dit dans la voiture. S’il était réellement derrière tout cela, il avait de toute évidence appliqué à la lettre ce vieil adage.
— Qu’est-ce que tu comptes faire ? m’enquis-je alors qu’Elijah semblait s’être muré dans ses propres réflexions.
— Avant toute chose je vais te faire quitter la ville. Je veux que tu te rendes à la maison sur la falaise près de Mystic, je t’y rejoindrai quand tout sera réglé, décréta-t-il.
Il ignora purement et simplement mon expression de surprise et d’indignation et entreprit aussitôt d’ouvrir la penderie pour y dénicher un sac qu’il me tendit.
— Prends quelques affaires…
— Non ! Je n’ai pas l’intention d’aller où que ce soit sans toi ! Si tu restes ici, moi-aussi ! m’entêtai-je en me saisissant du sac de voyage pour le jeter à nouveau au fond du placard.
Il soupira et s’approcha pour poser ses mains sur mes épaules qu’il caressa de ses pouces.
— C’est seulement l’affaire de quelques jours, me promit-il.
— Et je m’y rends comment ? Je ne sais pas conduire, arguai-je en espérant que l’argument le dissuaderait de vouloir m’envoyer en exil.
— Tu ne sais pas conduire ? répéta-t-il entre surprise et consternation.
— Je suis une newyorkaise fauchée de 22 ans qui n’a jamais quitté la ville. Qu’est-ce que je foutrais d’un permis de conduire ? répliquai-je avec un agacement qui affectait comme souvent mon langage.
Il émit un claquement de langue désapprobateur devant mon attitude butée. Il se détourna et je vis apparaître son téléphone portable près de son oreille alors qu’il me tournait le dos.
— Derek ? Je vais encore avoir besoin de toi. Prends ta voiture mais ne te gare pas près de l’immeuble.
Je levai les mains au ciel et me retint pour ne pas taper du pied comme une enfant.
— Ne te débarrasse pas de moi comme si j’étais un paquet encombrant ! Tu agis comme s’il s’agissait d’une véritable menace. Ce n’est qu’un flic !
— Un flic qui a peut-être tué un homme pour te faire accuser et me contraindre à accepter son offre !
— Je n’ai rien fait ! m’entêtai-je.
— Tu étais sur place, Tony t’a agressée sous ses yeux à l’hôpital sans compter ce qui est arrivé à Charlène et tout ce qu’il sait sur moi. C’est largement assez pour nous attirer de sérieux problèmes.
— Pourquoi est-ce que tu ne le contraints pas tout simplement ? Fais-lui oublier ton existence, tu es doué pour cela, lâchai-je avec une amertume non dissimulée.
Il soupira excédé par mon entêtement.
— Il faudrait que je l’isole le temps que la verveine ne fasse plus effet ou que je le tue. S’il est déterminé au point d’élaborer ce genre de plan pour me coincer, il a forcément autres atouts en réserve pour m’empêcher de lui nuire. Je ne peux pas prendre de risque. J’ai déjà beaucoup trop attiré l’attention sur moi par mes imprudences. Et par conséquent sur toi aussi.
Sa phrase me troubla tout autant que l’angoisse qui transparaissait dans sa voix. Mais il ne me laissa pas le loisir de l’interroger sur sa cause.
— Prépare-toi je vais voir comment te faire sortir d’ici sans être vue, m’ordonna-t-il avant de quitter la chambre d’un pas vif sans doute pour éviter les questions qu’il sentait poindre.
Je n’avais jamais pris garde jusque là à l’obsession de Derek au sujet du manque de discrétion Elijah depuis son retour à New York et dont j’étais en grande partie responsable. J’avais mis ses avertissements répétés sur le compte d’un excès de zèle de l’avocat pour se faire bien voir de celui qui le payait généreusement depuis des années. J’avais occulté cette partie de son histoire au cours de laquelle il avait dû fuir pour échapper à leur père tyrannique et avide de vengeance ni prêté attention lorsqu’il m’avait brossé le portrait de ce frère tout aussi vindicatif qu’il avait finalement trahi en quittant la Nouvelle Orléans. Pour moi, il était le vampire que l’on craignait et que l’on respectait, celui qui m’avait libéré de tous mes problèmes sans le moindre effort. Il était mon ange gardien invincible auprès duquel rien ne pouvait m’arriver. Forte de cette conviction, je m’étais totalement reposée sur lui, je m’étais nourrie sans restriction de ses paroles rassurantes et de son assurance. Le voir subitement inquiet et douter à cause d’un homme ravivait un douloureux sentiment d’insécurité qui ne se t’atténuerait certainement pas en étant loin de lui. Je me préparai en tachant de passer outre ses pensées importunes. Tout se passerait bien. Il ne pouvait pas en être autrement. Il ne s’agissait que d’un homme. Que pouvait-il bien faire face à un vampire millénaire?
~*~
Derek arriva peu de temps après l’appel d’Elijah, les yeux aussi cernés que les miens par le manque de sommeil. Avachi dans le canapé, l’esprit sans doute encore embrumé par les verres d’alcool descendus dans la nuit, il resta stoïque face au récit de la découverte du corps de Tony et ne réagit pas davantage lorsqu’Elijah lui fit part de ses soupçons à propos de Delanay. En revanche, quand il lui demanda de me conduire dans le Connecticut, il sortit aussitôt de son mutisme.
— Cela me parait légèrement prématuré, non ? Vous n’êtes même pas sûr de vos allégations concernant le lieutenant. Et lui faire quitter la ville après le meurtre de son ex-patron proxénète qui l’a agressée sous les yeux d’un flic, excusez-moi mais ça va ressembler furieusement à une fuite.
Je ne pus que me réjouir de ce coup de main inespéré. Malheureusement, je déchantai presque aussitôt.
— C’en est une. Je ne veux pas qu’il ait l’occasion de l’interroger.
— Je crois sincèrement qu’on ne devrait pas se précipiter et réfléchir avant d’agir, protesta Derek.
—Dois-je te rappeler que c’est toi-même qui m’avait conseillé il y a quelques jours de l’emmener hors de New York le temps d’éclaircir cette histoire avec Delanay ?
Derek soupira.
— Effectivement, concéda-t-il à contre cœur. Mais à ce moment-là, elle n’était pas encore mêlée à une affaire de meurtre.
Elijah éluda purement et simplement la remarque.
— Il va bientôt faire jour. Vous emprunterez les sous-sols. En passant par la buanderie de l’immeuble, vous trouverez un accès vers l’extérieur, nous expliqua-t-il scellant ainsi à mon grand dam mon départ.
Derek se contenta de lever les mains au ciel en signe de capitulation mais son expression renfrognée en disait long sur ce qu’il pensait de tout cela.
— Très bien. C’est qui vous voyez. Je vous appelle dès que nous serons arrivés, conclut-il de mauvaise grâce.
Nous nous levâmes dans un même mouvement.
— Je t’attends sur le palier, reprit ce dernier en nous regardant à tour de rôle.
Elijah attendit que le pêne de la porte ne se referme pour franchir les quelques pas qui nous séparaient pour venir m’enlacer. Je lui rendis son étreinte, enfouissant le nez dans son cou pour humer son parfum comme si j’avais peur de l’oublier.
— Je n’ai aucune envie de me retrouver coincée dans une maison hantée au milieu de nulle part avec Derek surtout quand il est de mauvais poil, geignis-je.
Il laissa échapper un rire bref et m’écarta de lui pour passer ses doigts dans mes cheveux.
— Tu trouveras des couteaux aiguisés dans la cuisine s’il se conduit de manière déplacée, m’informa-t-il sur un ton faussement compatissant.
Je fronçai le nez et hochai la tête.
— Non, je l’aime bien. Et puis, il a peur de toi : il ne s’y risquerait pas, contestai-je avec amusement. Et puis j’ai comme l’impression qu’il va mettre quelques jours avant de se remettre de sa soirée. Je me demande si finalement je ne devrais pas prendre le volant.
Il me sourit à nouveau même si son regard ne s’était pas départi de cette lueur inquiète. Aucun de nous deux n’était dupe du caractère anodin de cette conversation. Elle n’avait pour but que de retarder mon départ.
— Juste quelques jours ? lui demandai-je pour me rassurer un tant soit peu.
Il acquiesça avant poser ses lèvres sur les miennes. Je m’en emparai farouchement en un baiser teinté d’appréhension et de mauvais pressentiment. L’idée de me retrouver loin de lui sans savoir de quoi il en retournait me faisait horreur mais je ne m’attardais pas davantage, craignant de ne plus avoir le courage de partir.
Derek et moi suivîmes le parcours qu’il nous avait indiqué. La lourde porte de secours de la buanderie donnait sur une ruelle étroite adjacente. Il était à peine six heures lorsque nous remontâmes la 5th Avenue jusqu’à l’hôpital du Mont Sinaï où Derek avait garé sa voiture. Il faisait encore nuit. Un crachin désagréable tombait depuis la veille et collait à la peau. Derek marchait d’un pas vif, jetant de temps à autre un regard par-dessus son épaule. Il était étrangement silencieux et le resta bien après que nous fûmes montés en voiture. Autant le silence d’Elijah ne m’avait jamais gêné autant le sien me mettait mal à l’aise. Je le respectai néanmoins jusqu’à ce que nous ayons rejoint l’autoroute et que les immeubles du Bronks ne soient plus que de vagues ombres derrière nous. Je jetai des coups d’œil à la dérobée en sa direction. Le regard fixé sur la route, il semblait absorbé dans ses pensées. Une légère contracture de sa mâchoire plissait ses lèvres à intervalles réguliers.
— La tête que tu fais ne me rassure pas le moins du monde, tu sais ? lui reprochai-je finalement.
Il tourna légèrement la tête vers moi avant de reporter son attention sur la circulation de plus en plus dense. Il ne prit même pas la peine de me répondre, ce qui m’agaça prodigieusement.
— Et merde Derek ! Parle-moi ! m’énervai-je. Qu’est-ce qui t’arrive ?
Pour toute réponse, il se contenta de jeter un coup d’œil dans son rétroviseur et de ralentir la voiture. Il s’engagea sur la première bretelle de dégagement menant à une aire d’autoroute. Il était de plus en plus crispé, manifestement hors de lui. Il se gara et coupa le contact de la voiture. La pluie qui s’était intensifiée vint battre le pare brise et nous brouilla la vue sur le parking quasiment désert. Il reposa sa main droite sur le volant tandis que de l’autre il se massait vigoureusement la tempe.
— Est-ce que tu te rends compte que ce sera toujours comme ça ? me demanda-t-il au bout d’un temps qui me parut horriblement long.
— Je ne saisis pas…
—Quand je lui ai conseillé d’arrêter de se prendre la tête avec son code moral à la con, je pensais qu’il allait passer quelques temps en ta compagnie et repartir au bout de quelques mois comme il le faisait d’habitude, continua-t-il en accompagnant ses paroles d’un froncement de sourcil. Au lieu de cela, il est en train de t’entraîner dans un innommable merdier et cela n’a pas l’air de perturber le moins du monde. Ni toi d’ailleurs.
Dehors la pluie s’était mise à marteler le pare brise avec force et avait presque couvert ses derniers mots. Cette conversation commençait à me mettre de plus en plus mal à l’aise. Je regrettais amèrement de l’avoir déclenchée mais ses derniers mots m’intriguèrent.
— Qu’est ce que tu entends par « innommable merdier » ?
Pour la première fois depuis le début de la discussion, il consentit à se détacher de sa contemplation stérile de la vitre sur laquelle dévalait un rideau de pluie pour se tourner vers moi.
— As-tu seulement envisagé quel serait ton avenir à ses côtés ? Malgré sa manie de faire la morale à la première occasion, ce n’est pas un ange. Il n’a pas toujours été irréprochable et s’est fait un paquet d’ennemis humains ou non.
— Je sais très bien ce qu’il est et ce qu’il a fait, me rebiffai-je.
— Dans ce cas tu as aussi conscience du fait que si aujourd’hui il s’agit de Delanay, demain c’en sera un autre qui voudra peut-être se venger pour ce qu’il a fait ou peut-être même son frère qui le cherche à lui mettre le grappin dessus depuis qu’il a quitté la Nouvelle Orléans. Si tu es à ses côtés à qui crois-tu qu’ils vont s’en prendre pour l’atteindre ? Tu seras toujours une cible facile Angel et lui se montre beaucoup trop imprudent quand tu es là….
— Ça suffit tais-toi ! lui intimai-je à la fois excédée et blessée par ses paroles dont le bien fondé m’apparaissait douloureusement évident.
Je me détournai le visage vers la vitre, la gorge nouée. J’avais une furieuse envie de m’enfuir de cette voiture pour repartir vers New-York.
— Je suis vraiment désolé, reprit-il alors que je luttai inutilement pour ne pas fondre en larmes. J’ai conscience d’avoir une part de responsabilité dans tout cela. Je l’ai finalement encouragé dans cette voie mais jamais je ne l’aurais cru capable de s’attacher un jour de cette manière à quelqu’un et que les choses auraient été aussi loin entre vous. Son monde ne sera jamais le tien, Angel. Et je le connais bien : jamais il ne consentira à te transformer.
Ce furent les mots de trop. Je m’effondrai. Le visage dissimulé entre mes mains, je laissai libre cours à une émotion que je n’étais plus en mesure de contenir. Je sentis ma main frôler mes cheveux mais il se ravisa. Je l’entendis réitérer ses excuses mais je n’en avais que faire. Je voulais rentrer. Je ne pensais plus qu’à cela. J’allais lui intimer de faire demi-tour quand des coups frappés aux vitres me firent sursauter. Je séchai mes larmes d’un revers de main et interrogeai Derek du regard. Nous abaissâmes les vitres électriques de son 4×4. La pluie s’engouffra dans l’habitacle. Le costume et le visage détrempés de deux hommes apparurent de part et d’autre de la voiture. Celui qui se trouvait de mon côté me brandit sous le nez un insigne de police tout en ouvrant la portière.
— Mademoiselle Clarkson, police de New-York, veuillez descendre de ce véhicule et nous suivre. Nous avons des questions à vous poser au sujet du meurtre d’Antony Kostas…