Les Zaccros d'ma rue 2013, à Nevers (4)

Publié le 24 juillet 2013 par Onarretetout

Livret de Famille, par les Arts Oseurs

Comment tu t’appelles ? Où est-ce que tu es né ? Et tes parents ? Tes grands-parents ? Pendant que je réponds à cette entrée en relation, en quelques coups de pinceau, mon portrait apparaît sur un rectangle de plexiglas. Quelques portraits plus tard, accrochés dans l’arbre de la place des Carmélites, accompagnés de quelques notes d’accordéon, les mots de Magyd Cherfi arrivent. C’est une femme qui les prononce mais ça ne pose pas de problème : ils sont trois, c’est à travers ces trois que nous viennent les récits, celui qui trace et peint (Xavier Moreno), celui qui joue de l’accordéon et chante (Renaud Grémillon), celle qui lit et dit les textes (Périne Faivre). Allant ainsi ensemble dans la ville, nous partageons les souvenirs d’un jeune homme, et bien qu’il ait vécu son enfance dans une cité où fusaient « des noms d’oiseau », qu’il en veuille au soleil de lui avoir fait la peau bronzée, je me sens proche de lui. Sans doute parce que l’origine géographique n’explique pas tout, qu’il existe « des Français pauvres » (« Nos mères s’étonnaient de rencontrer des Français plus pauvres qu’elles »), que les ouvriers n’étaient pas que fils d’immigrés (quoique « si t’étais Algérien, c’est que t’étais maçon ; Portugais, c’était le plâtre ; Marocain, t’étais aux fraises ; Polonais, au charbon… »). Lui, il écrit des poèmes, « des bêtises », problèmes avec les copains, problèmes avec sa mère, problèmes avec l’école. Jusqu’à en avoir honte. La déambulation nous fait passer sur un parking, devant une église, sur une place, dans une cour d’école. Le chemin se dessine, un (auto)portrait hésite, les mots jaillissent, disent l’espoir, le désir, la colère, la honte, l’amour et tout cela aboutit à la mère, les couleurs sur le mur d’affiches lacérées en tracent le visage et, puisque ce visage apparaît, celui de l’enfant peut enfin advenir. Et cela pourrait être moi, qui n’ai pas la même histoire, mais en partage tant de questions. Magyd Cherfi ne fait pas le portrait d’une jeunesse monolithique, mais le sien propre où on trouve des éléments qui te ressemblent, qui me ressemblent, qui font que nous pouvons nous parler, nous entendre, applaudir et le texte et la performance.

  

Le livre de Magyd Cherfi vient d'être réédité aux éditions Actes Sud.