Il y a des victoires qui ont plus de saveur que d’autres. Battre son meilleur ennemi à toujours un goût particulier, surtout lorsque l’on ne l’a jamais battu. Evoquons aujourd’hui la victoire historique de la France sur l’Angleterre dans le tournoi des V Nations de rugby en 1951. Depuis 1907, la France court après sa première victoire sur les terres anglaises. Avant 1951, chaque déplacement s’est soldé outre-Manche par une leçon donnée aux Français, une défaite avec sa somme d’essais encaissés. Il s’agit alors de la 22 ème confrontation entre le XV de la Rose et le XV de France. La France compte à l’époque seulement 4 victoires et doit attendre 1927 et V Nations pour sa première victoire 3-0.
L’Angleterre loin des sommets
Alors qu’en Europe l’heure est à l’apaisement avec les fondements de la créations de l’Europe et la cessation d’état de guerre entre les États-Unis, la France et le Royaume-Uni et l’Allemagne, s’annonce une rencontre pas comme les autres, un combat pour le tournoi des V Nations de rugby en ce début d’année 1951.
C’est une équipe d’Angleterre pas aussi dominatrice qu’à son accoutumée qui se présente dans son entre de Twickenham. Une lourde défaite pour son match d’entrée dans le Tournoi face au Pays de Galles 23 – 5 à Swansea, suivi d’une seconde en Irlande 3-0 à Dublin, l’Angleterre n’arrive pas dans la meilleure des formes et le moral au plus bas.
La France sort quant à elle de deux matchs accrochés avec une première victoire sur l’Ecosse à Colombes de justesse 14-12 puis une défaite d’un point face à l’Irlande, futur vainqueur de l’épreuve 9-8. Elle a dans ses rangs son emblématique capitaine Guy Basquet, mais également sur l’un des meilleurs troisième ligne de l’époque Jean Prat, pas encore « Monsieur Rugby ». Prat, 3ème ligne à tout faire des bleus fêtait quelques mois plus tôt ses 24 printemps. Il faisait parti de la légendaire 3 ème ligne française composée des Prat – Basquet – Matheu qui a l’avait emporté pour la première fois à Swansea en terre galloise en 1948.
Malheureusement pour les bleus, cette 3ème ligne sera handicapée par le forfait de Matheu blessé lors d’une rencontre de championnat la semaine précédant le match. Pour effectuer ce déplacement en Angleterre, le V de devant est plutôt inexpérimenté : Mias, Bertrand et Fourés n’ont disputé que 3 matchs de V Nations et comptent à eux trois moins de 20 sélections en bleu ! L’équipe est alors bricolée par les druides René Crabos et Adolphe Jauréguy qui décident de faire un coup de Trafalgar avant ce match et de chambouler leur composition d’équipe. Exit Olive et le demi d’ouverture Carabignac, auxquels ils préfèrent Pomathios et Alvarez afin de privilégier la vitesse. Une équipe de France amputée de quelques cadres et pas très expérimentée se rend donc dans l’entre anglaise. Jean Prat résumait bien la tâche qui se présentait à eux : « de s’attaquer à un château fort étranger avec seulement quinze mecs ».
15h coup d’envoi de ce match. En France, on ose à peine espérer une victoire française. Puissent nos petits Français revenir de Twickenham avec le moins de points possible dans la musette. Pourtant, le début de match donne raison à ceux qui croient que la France a les armes pour rivaliser avec les Anglais chez eux. Une mêlée bien en place et dominatrice, une charnière efficace et un Jean Prat de gala. Malgré la bonne prestation française ce sont bien les Anglais qui marquent le premier essai par Boobbyer.
Jean Prat, Monsieur Rugby
Loins d’être abattus comme ce fut le cas à des si nombreuses reprises, nos bleus poussent alors pour revenir au score. Quelques minutes plus tard, le capitaine Guy Basquet montre la voie. Un crochet sur le dernier défenseur anglais Edwin Hewitt et une balle qui vient être aplatie derrière l’en-but anglais. Essai transformé par Jean Prat, la France prend la tête pour la première fois du match. On se met à rêver d’exploit tricolore. Exploit il y aura puisque Jean Prat encore lui viendra alourdir le score par un essai et une pénalité. 11-3. Pour la première fois de son histoire, la France remporte un match à Twickhenam. Une victoire après près de 40 ans de disette. Une victoire historique. Une énorme joie certes, mais simple. A l’époque le rugby est encore à des années lumières du professionnalisme de ces 10 dernières années. Les joueurs se retrouvent après le match pour aller boire ensemble une bonne bière dans un climat de convivialité, malgré la déception des Anglais. d’amitié. Nos amis anglais ont beau parler de chance il n’en reste pas moins que ce succès est et restera historique.
Les compos:
France :
Bernard, Pascalin, Bertrand ; Foures, Mias ; Bienes, Prat, Basquet (cap) ; Dufau, Alvarez ; Pomathios, Belletante, Brun, Porthault ; Arcalis.
Angleterre :
Holmes, Evans, Stirling ; Neale, Wilkins ; Thomas, Roberts, Carpenter (cap) ; Rimmer, Hardy ; Tindall, Boobbyer, Preece, Woodruff ; Hewitt.
France – Angleterre: une saveur particulière
Ce tournoi est remporté par l’Irlande, la France termine deuxième, elle qui n’a jamais encore remporté le trophée. Il faudra attendre 1959 pour que la France remporte son premier tournoi des V Nations. Malgré une défaite face à la redoutable équipe iralandaise à Dublin, la France termine pour la première fois seule vainqueur du tournoi (elle avait terminé en tête ex aecquo en 1955 avec le Pays de Galles et en 1954 avec l’Angleterre et le Pays de Galles.)
Un match entre le XV de France et le XV de la Rose n’est jamais un match comme les autres. Cette rencontre a donné lieu à d’autres rencontres de haut niveau.
19 février 1977, Twickenham. La France se rend à Twickenham après une victoire en terre galloise. L’Angleterre n’est que l’ombre d’elle-même après avoir remporté l’année précèdante la cuillère de bois. Pourtant c’est d’ bord dans les tabloids anglais que le match se fera. Qualifiant les Français de « voyous », accusent les avants d’être des animaux d’êtres des « animaux ». Ils demandent même d’abattre Jean-Pierre Bastiata : « Set that Bastiat » (« abattez ce Bastiait »). Il n’en fallait pas plus pour déchainer les supporters anglais qui acceuillent les joueurs français à coups de crachats et d’insultes. Les joueurs du XV de la Rose sont surmotivés pour offrir à leur public cette victoire face au rivale tricolore. Héroiques dérrière, c’est dans une ambiance spéciale voire quelque peu délétère que la France s’impose 4-3 grâce à un essai de François Sangalli, mais également à Alistair Hignell le buteur anglais, qui manquera pas moins de 7 pénalités durant la rencontre.
16 novembre 2003, à Sydney France 7 – Angleterre 24. Demie-finale de coupe du monde. La France rêve de soulever le trophée. Mais avant il faudra éliminer le rival anglais. Après avoir gagné très largement face à l’Irlande 43-21, la France arrive avec le plein de confiance et marque un premier essai par l’intermédiaire de Serge Betsen. Pourtant, le pack anglais dominateur et un certain Jonny Wilkinson donnent une large victoire aux Anglais et privent le XV de France d’une finale historique.
13 février 2005 à Twickenham . Angleterre 17 – France 18: Pour ce match du tournoi des VI nations, alors qu’à la pause la France est menée de 11 points (17-6); Dimitri Yachvili sort le grand jeu en seconde période avec un cinglant 12-0. Alors qu’Hodson ne passe aucune de ses tentatives, le demi de mêlée français est en état de grâce pour donner à la France une des victoires les plus rocambolesques des confrontations entre Français et Anglais.
15 mars 2009 à Twickenham. Angleterre 34 – France 10. Alors qu’on disait l’équipe anglaise « sans génie », en panne d’efficacité et au jeu stéréotypé, le XV de la Rose inflige à nos bleus l’une des défaites les plus mémorables de ces dernières années après avoir marqué pas moins de 5 essais en moins de 40 minutes.