L’absence de véritable politique de santé, ponctuée par de multiples départs du cabinet de la ministre de la santé, devait laisser la place à une feuille de route aux objectifs précis. Sans tambour ni trompette, les « sages » ont rendu leur copie. L’unique dépêche qui a marqué la sortie de cette « Stratégie nationale de santé » n’en masque malheureusement pas l’indigence. Entre bons sentiments et déclarations d’intention, il ne contient aucune mesure opérante.
Rien de saillant et même le déremboursement partiel de l’ALD, auquel les oiseaux de mauvais augure s’attendaient, est remisé. Si l’on devait retenir une préconisation phare, c’est celle qui n’hésite pas à rappeler que l’heure de sortie de l’hôpital devra avoir lieu en fin de matinée plutôt qu’en milieu d’après-midi…
Sans aller plus avant dans l’ironie, il est tout de même permis de voir dans ces recommandations le versant institutionnel des corporatismes toujours à l’œuvre qui bénéficient directement de la désorganisation des soins et des déficits. Car ils sont nombreux à parier sur les bons sentiments pour aboutir à un maintien du statu quo ante qui leur est très clairement favorable.
Dans le même temps, notre système de santé solidaire pousse ses derniers râles : finances exsangues, professionnels excédés, malades appelés à payer toujours plus, inégalités de santé en progression constante.
Halte à l’hypocrisie
Les ARS ont reçu mission de développer les synergies en région. Sans moyens financiers et coincées entre la tutelle nationale omniprésente d’une part et l’Assurance maladie savonnant la planche en coulisses d’autre part, elles sont de toute part empêchées de faire.
Pourtant, partout des professionnels de santé de ville sont volontaires pour construire des équipes de soins de ville, développer les coopérations, assumer la responsabilité des soins de la population de leur territoire, ouvrir à la transparence de leurs pratiques.
L’Académie de médecine et la FHF, en relevant que le tiers des actes et examens étaient inutiles voire dangereux, ont pourtant ouvert la porte à des évolutions signifiantes : non, il n’est pas utile de multiplier les actes pour bien soigner les malades. Oui, on peut faire mieux et soigner les malades qui en ont besoin avec des remboursements raisonnables.
La première recommandation à adopter d’urgence relève donc de ces actes inutiles, en :
- évitant les hospitalisations non médicalement justifiées,
- régulant les entrées des Urgences (huit personnes sur dix présentes aux Urgences sont dans un état de santé qui ne relève pas d’une prise en charge par les Urgences),
- pesant la pertinence de chaque acte, prestation et médicament dans une relation rénovée avec les autorités (il s’agit de trancher précisément sur quel acte et dans quelle situation de santé, un acte est utile et permet au professionnel de ne plus avoir à se protéger en multipliant les prescriptions) ;
- faisant évoluer les modes de rémunération en forfaitisant à un niveau décent les médecins généralistes et les équipes de soins de ville volontaires pour prendre en soin une population sur un territoire qu’ils déterminent eux-mêmes dans une relation contractuelle rénovée. Ce forfait devra s’entendre en toute transparence des pratiques et des responsabilités y compris financières de même qu’en matière de résultats sanitaires et sociaux attendus puis obtenus ;
- associant étroitement les élus locaux et les représentants de patients aux choix des orientations et aux objectifs retenus.
De quoi le malade a-t-il besoin ?
La clé de ce système relève de la substitution de la question « de quoi le malade en fonction de son état de santé a-t-il besoin ?» en lieu et place du « comment remplir les places disponibles, les agendas et faire tourner les machines selon la nomenclature des actes et la T2A ? »
Bien sûr, cela heurte les corporatismes, les habitudes, les intérêts de multiples groupes. Qu’il en soit ainsi !
Faute de courage, la santé perd son universalité et la Sécurité sociale est privatisée à coup d’ANI santé et de réseaux mutualistes pour conventionner et contraindre les professionnels de santé de ville.
Sauver l’accès aux soins de tous à des soins de qualité est possible en rationalisant les enveloppes mises à notre disposition par la solidarité (l’argent de l’Etat via la Sécurité Sociale pour l’essentiel) et l’énergie des professionnels dès lors qu’ils trouveront des interlocuteurs décidés et missionnés pour agir.
Source : Communication de Martial OLIVIER-KOEHRET, Médecin Généraliste – Président Soins CoordonnésCe texte est également paru sur le blog : Panser la santé
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