Commençons par les Néo-zélandais, si vous le voulez bien. Ils ne sont plus que sept sur le terrain, mais ils sont tout aussi redoutables qu’à XV. Les All Blacks Sevens (AB7s), appellation entérinée officiellement en 2012, ont en effet un palmarès qui parle en leur faveur : 11 des 14 World Sevens Series (W7S) remportées depuis qu’elles ont débutées en 2000. Il faut ajouter à cela 4 titres des Jeux du Commonwealth (JCW7) depuis que le rugby à VII y a été introduit. Enfin, ils ont remporté désormais deux fois la Coupe du Monde de rugby à VII (CDM7, appelée aussi la Melrose Cup) grâce la récente victoire de 2013 succédant à celle de 2001.
Sir Gordon Tietjens, légende en Nouvelle Zélande, est à la tête des All Blacks Sevens depuis 1994
A tout seigneur tout honneur, on ne peut laisser à personne d’autre que l’inoxydable Gordon Tietjens, sélectionneur des AB7s depuis 1994, le soin d’évoquer les meilleurs joueurs de l’histoire de ce sport et particulièrement ceux qu’il a eu sous ses ordres. Interrogé par l’IRB en 2011, il nous confiait alors sa fantasy team :
Commençons par évoquer ceux qui ont tous en commun d’avoir été médaillés aux JCW7 en 1998.
Est-il encore nécessaire de présenter Jonah Lomu (1975) ? Sans doute pas. On se contentera de paraphraser G. Tietjens pour rappeler que le phénomène Lomu a commencé à jouer avec les AB7s à 18 ans, pouvant être indifféremment avant (comme à ses débuts à 15) ou à l’aile. Il était difficile de l’arrêter à quinze sur un terrain, alors je vous laisser imaginer à sept…
Il se révéla au monde entier lors du fameux tournoi à VII de Hong Kong en 1994 que la Nouvelle-Zélande remporta face à l’Australie. La suite est bien connue, il terrorisa ses adversaires de la Coupe du Monde 1995 jusqu’à son déclin et son arrêt prématuré en 2003 pour ses problèmes de reins (sans parler des tentatives infructueuses de retour). Le temps d’inscrire 37 essais avec les Blacks, dont 15 en Coupe du Monde record à battre, de se bâtir un palmarès honorable à XV avec notamment 3 Tri Nations et également à VII avec les JCW7 en 1998 et la CDM7 en 2001.
Jonah rendit un hommage vibrant à G. Tietjens lorsqu’il fut interrogé après la 500e victoire du coach en 2011 :
« Pour moi, si ce n’était grâce au VII je ne serais pas arrivé là où je l’ai fait. Gordon Tietjens poussait votre corps au-delà de ses limites et vous rendait mentalement tellement fort qu’au moment où j’ai joué à XV j’étais prêt comme jeune joueur. Pour vous dire la vérité, c’est juste son état d’esprit. Il vient sans cesse avec de nouvelles innovations et de nouveaux joueurs parce qu’il doit le faire. Il fournit le Super Rugby et les All Blacks et il continue de le faire d’année en année. Et hier, il a remporté son 500e match, ce qui en dit long ».
La présentation détaillée est dispensable pour Christian Cullen (1976) aussi, du moins je l’espère, car je ne cache pas avoir un faible pour le Paekakariki Express. Arrière de légende à XV (malgré les tentatives hasardeuses de John Hart pour le repositionner), il était capable de relancer partout sur le terrain. Avec une confiance absolue en ses capacités, une audace extraordinaire, et des jambes qui tournaient plus vite que celles de Froome sur un vélo, Christian Cullen a inscrit pléthore d’essais et la plupart valent le coup d’œil. Le VII était le terrain de jeu idéal pour lui. Repéré après ses performances pour Manawatu en 1995-1996, il intégra le squad des AB7s où il fit parler ses qualités. Comme une vidéo en dit plus qu’un long discours à l’heure d’internet, le voici à l’œuvre lors d’un des matchs légendaires entre la Nouvelle-Zélande et les Fidji avec quelques autres grands noms :
Celui qu’il est indispensable de présenter, c’est Eric Rush (1965). Bien qu’il eut une carrière plus qu’honorable à XV en étant sélectionné à 29 reprises avec les All Blacks (dont 9 Test Matchs), c’est surtout au VII qu’il est passé à la postérité grâce à une longévité exceptionnelle avec les AB7s jouant de ses 23 ans (1988) jusqu’à ses 39 ans (2004). Il débuta à XV avec Auckland en tant que flanker, se distinguant déjà par ses qualités de vitesse. Mais c’est grâce à son transfert à North Harbour et son repositionnement à l’aile en 1992 qu’il a éclot à XV. Il connaîtra alors les joies de la sélection, jusqu’à l’émergence d’un certain Jonah Lomu qui le poussera hors du groupe.
Eric Rush (droite) avec Gordon Tietjens lors du Emirates Sevens Festival en 2012
A partir de 1999, Eric Rush bascula à plein-temps au rugby à VII pour participer aux W7S naissantes remportant les 6 premiers titres avec les Blacks jusqu’à l’arrêt de sa carrière en 2005. Il remporta également 2 fois les JCW7 en 1998 et 2002. Il ajouta également la CDM7 en 2001 mais, ironie du sort, il dût malheureusement céder sa place après s’être cassé la jambe à Jonah Lomu qui aida beaucoup les AB7s à remporter le titre.
En terme de profil, Eric Rush était pratiquement à l’opposé de son jeune concurrent. D’un gabarit relativement modeste (1m83 pour 87 kgs), il misait avant tout sur ses qualités de vitesse et de déplacement alliées à une technique irréprochable et un grand sens du jeu. Ses qualités de meneur d’hommes lui valurent d’endosser le rôle de capitaine de longues années. L’âge faisant son œuvre, il fut repositionné devant retrouvant quelque part son rôle originel du XV, notamment pour laisser la place à un certain Karl Te Nana à l’aile.
Il tient le rôle d’assistant de G. Tietjens depuis sa retraite en 2005, et tout laisse à penser qu’il est le successeur désigné appelé à prendre la suite de l’entraîneur des AB7s quand viendra le temps de se retirer. Eric Rush endossera ainsi sur le bord du terrain le rôle de leader qu’il a tenu durant toute sa carrière sur le terrain.
Dallas Seymour mène le haka aux Dubai Sevens de 1996
Dallas Seymour (1967) est l’autre vieux soldat des AB7s qui accompagna Eric Rush durant quasiment toute sa carrière. Avec 14 ans de bons et loyaux services de 1988 à 2002 pour les AB7s, Seymour est un exemple de fidélité et de longévité en rugby à VII. Il fut récompensé en 1998 en remportant les JWC à Kuala Lumpur. Il prit une retraite bien méritée à 35 ans en 2002 pour s’occuper de sa jeune famille. Il est en effet marié avec la capitaine des Silver Ferns, l’équipe féminine de netball néo-zélandaise, Julie Seymour née Dawson. On vous tiendra au courant pour la carrière des quatre enfants.
3e ligne de formation, athlète complet, joueur de devoir, D. Seymour ne fut pas seulement un excellent joueur de VII mais connut aussi une carrière à XV dont il n’a pas à rougir. Débutant à Canterbury de 1988 à 1993, il passa également par Hawke’s Bay, Wellington et Bay of Plenty, repassant par Canterbury et faisant une pige avec les Crusaders en 2000-2001. Il compte même 3 matchs lors d’une tournée en Australie avec les All Blacks datant de 1992, en plus de 6 matchs d’essai, auxquels il faut ajouter de nombreuses autres sélections avec les Mãoris, les -21 ans, l’équipe universitaire et d’autres sélections représentatives.
Amasio Valence, autre légende du VII Néo Zélandais
Amasio Valence (1979) fait partie de la catégorie des transfuges du rugby à VII, étant né au Fidji mais ayant décidé de devenir un All Black. Son premier match contre ses anciens compatriotes ne fut nul autre que la finale gagnée des JCW7 en 1998. Un premier titre auquel viendront s’ajouter 2 autres en 2002 et 2006, A. Valence est ainsi le seul à avoir remporter 3 médailles d’or au JCW7.
L’histoire aurait pu être différente pour lui, car aussi surprenant que cela puisse paraître il est né dans une famille de footballeurs. Mais il n’était pas doué pour ce sport selon ses propres mots. En 2002, son frère fut même sélectionné en équipe nationale des Fidji. Heureusement pour les Néo-zélandais, il choisit le rugby à VII et bien lui en pris car il endossa le rôle de meneur de jeu et de botteur attitré de l’équipe avec brio. Dix ans après avoir débuté en 1998 avec les AB7s, il mit un terme à sa carrière en 2008.
Ayant débuté en 1996, il était toutefois absent de l’équipe victorieuse en 1998, mais Karl Te Nana (1975) était bien là pour la CDM7 en 2001 et les JCW7 en 2002. Si j’ose une comparaison hasardeuse, je dirais que ce joueur était un peu le Tana Umaga du VII, et pas seulement pour les dreadlocks. Auteur de quelques 113 essais en W7S, il fut indiscutablement un des arrières les plus doués de sa génération. Comme T. Umaga, il a joué avec J. Lomu et les deux firent des dégâts comme à Mar del Plata pour la CDM7 en 2001. Comme T. Umaga à XV, K. Te Nana fut également capitaine des AB7s. Il joua également jusqu’à un âge avancé, remportant en 2010 la Auckland Rugby League avec les Point Chevalier Pirates.
En revanche, alors que T. Umaga jouait pour Wellington au sud de l’île du nord, K.Te Nana jouait pour North Harbour au nord de l’île du nord (j’espère que vous avez suivi). Surtout, il ne rencontra jamais le succès de son compatriote à XV malgré avoir été appelé en Super Rugby pour les Highlanders en 2000 ou les Chiefs en 2002. L’essentiel de sa carrière fut dévoué au VII où il fit bien des étincelles. Il vécut notamment la transition vers les W7S au début des années 2000 qui, comme il dit lui-même, allait faire passer le VII à « tout autre niveau ». Après sa retraite sportive, il s’est tourné vers la télévision où il anime avec Steve Devine (ex n°9 des Blues, 10 caps) l’émission This Given Sunday sur Sky TV. Le voici en vidéo pour l’IRB, avec un retour sur la CDM7 de 2001 et ses commentaires avant la CDM7 à Moscou :
Déjà intronisé dans le hall of fame de G.Tietjens ayant terminé sa carrière au VII, il n’a en revanche pas raccroché les crampons, loin de là : Liam Messam (1984), capitaine des Chiefs, champion du Super Rugby l’an dernier et bien parti cette année (demi-finale le week-end prochain, à suivre !), a fini également par profiter de l’absence de Jerome Kaino pour s’installer dans le XV des All Blacks. Très mobile, avec une large palette technique, on lui a d’ailleurs souvent reproché un manque d’investissement dans les zones de combat. Sans doute, mais à VII en revanche, Messam avait toutes les qualités requises. Double médaillé des JCW7 en 2006 et 2010, il a été un membre clé du squad pendant cinq ans côtoyant le dernier membre de la vieille garde Amasio Valence comme ceux de la nouvelle génération.
Enfin, il faudra parler de DJ Forbes (1982). Monstre de puissance, taillé dans le marbre, ce guerrier au crâne rasé et aux tatouages maoris est le capitaine actuel des AB7s. Mais je réserve son portrait à plus tard.
Jonah Lomu et Karl Te Nana avec la sélection Néo Zélandaise de Rugby à VII
Parmi les absents de la sélection de Gordon Tietjens, il y aurait bien des noms à citer, mais je pense qu’il faut revenir sur cette équipe des JCW7 de 1998 qui prouve que le VII peut former des grands joueurs pour le XV. En plus donc de J. Lomu, C. Cullen, E. Rush, D. Seymour et A. Valence, il faut préciser qu’ils étaient accompagnés à Kuala Lumpur par :
Joeli Vidiri (1973): ailier fidjien et néo-zélandais, ayant connu les deux maillots à XV et à VII, il combinait vitesse et puissance comme peu d’ailiers avant ou après lui. 56 essais en 71 matchs avec Counties Manukau, 43 essais en 61 matchs avec les Blues (record de l’époque), une machine à marquer. Il connut malheureusement la même fin que J.Lomu, mettant un terme à sa carrière prématurément à cause d’un problème de rein.
Caleb Ralph (1977): il est assez peu connu en France malgré une longue carrière principalement avec les Crusaders (2000-08) pour lesquels il joua 116 matchs, 3 de moins que le recordman R.Thorne, pour 6 titres. 58 essais marqués en carrière soit 1 de moins que le recordman en Super Rugby D.Howlett (59). Recordman par contre du nombre de matchs consécutifs avec 104. Ajouta un 7e titre à son palmarès grâce à un caméo avec les Reds en 2011 suite à une finale qu’il ne joua pas… face aux Crusaders. 15 sélections surtout entre 2001 et 2003, 9 essais. Il représenta les AB7s entre 1996 et 2000.
Bruce Reihana (1976): actuellement à l’UBB et toujours fringant à 37 printemps, on l’avait découvert dans l’hexagone quand il avait remplacé Lomu blessé contre la France. Ce fut une de ses deux seules sélections avec les Blacks, ajoutées aux 11 avec les Mãoris. Après une carrière victorieuse à Waikato et à VII (2 Ranfurly Shield, 2 Commonwealth 1998 & 2002), il part pour Northampton où il passera le cap des 1000 pts en 9 saisons. Aussi à l’aise ballon en main que dans l’exercice des tirs au but, un joueur précieux partout où il a joué.
Rico Gear (1978): grand frère de Hosea, avec un gabarit plus modeste mais des jambes de feu. Il fut membre de la ligne arrière de légende des Blues (Spencer, Rokoçoko, Caucaunibuca, Howlett…), il alterna avec celle des Crusaders. Ses performances lui valurent 20 sélections pour 11 essais avec les Blacks. Passé ensuite par Worcester, j’ai eu la chance de le rencontrer à Lyon après un match de Bouclier européen contre le CSBJ : un grand Monsieur.
Roger Randle (1974): redoutable finisseur avec un physique de déménageur (1m90 100 kgs), il est recordman d’essais en une saison de Ranfury Shield (14), en une saison avec Waikato (16), meilleur marqueur du Super 12 (13) et de la NPC (ITM Cup – 12) en 2002, il alterna entre Hawke’s Bay/Hurricanes et Waikato/Chiefs. C’était un habitué des NZ Mãoris entre 1995 et 2003. Il est connu chez nous pour être passé par le CSBJ vers la fin de sa carrière (2004-05). Le voici dans une vidéo-hommage réalisée par son fils :