L'arrêt peut être consulté ici.
Au cas présent, l'association France Nature Environnement avait saisi le Premier ministre, le 21 juin 2011, d'une demande tendant à l'abrogation des articles 4, 8 et 18 du décret du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains, qui concernent les travaux de recherche de mines d'hydrocarbures soumis à déclaration.
Le Premier ministre ayant gardé le silence, une décision implicite de rejet de ce recours est né. Cette décision implicite de rejet a alors fait l'objet d'un recours en annulation de la part de l'association.
Ainsi saisi, le Conseil d'Etat fait en partie droit à la demande présentée et annule les dispositions du 1° de l'article 4 du décret du 2 juin 2006.
"l'association requérante est fondée à soutenir que les dispositions du 1° de l'article 4 du décret du 2 juin 2006, faute d'avoir tenu compte de la gravité des dangers et des inconvénients susceptibles d'être provoqués par ces travaux, ont été prises en méconnaissance des dispositions des articles L. 161-1, L. 162-3 et L. 162-10 du code minier ; que l'association requérante n'allègue pas, pour le surplus, que les autres dispositions de l'article 4 du décret du 2 juin 2006 seraient entachées d'illégalité ; qu'elle n'est donc fondée à demander l'annulation de la décision du Premier ministre qu'en tant que celle-ci a refusé d'abroger le 1° de l'article 4 du décret du 2 juin 2006 ;"
Rappelons que cet article 4 1° soumettait à une simple procédure de déclaration, "1° L'ouverture de travaux de recherches de mines lorsque ces travaux n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions du 2° de l'article 3 (...)"
La procédure de déclaration a été jugée ici insuffisamment protectrice des intérêts qui s'attachent à la protection de l'environnement. Il appartiendra donc au législateur, saisi du projet de loi sur le code minier, de soumettre à autorisation ces travaux. Cette décision du Conseil d'Etat a donc une incidence pour les travaux de rédaction du nouveau code minier, en cours.
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Conseil d'État
N° 353589
ECLI:FR:CESSR:2013:353589.20130717
Inédit au recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
Mme Clémence Olsina, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
Lecture du mercredi 17 juillet 2013
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 24 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'association France Nature Environnement, domiciliée... ; l'association France Nature Environnement demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du Premier ministre rejetant son recours du 21 juin 2011 tendant à l'abrogation des articles 4, 8 et 18 du décret n° 2006-649 du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains, en ce qu'ils soumettent tous les travaux de recherche de mines d'hydrocarbures au régime de la déclaration ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger, dans un délai déterminé, les articles 4, 8 et 18 de ce décret ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule ;
Vu le code minier ;
Vu la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 ;
Vu le décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Clémence Olsina, Auditeur,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
1. Considérant que l'association France Nature Environnement a saisi le Premier ministre, le 21 juin 2011, d'une demande tendant à l'abrogation des articles 4, 8 et 18 du décret du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains, qui concernent les travaux de recherche de mines d'hydrocarbures soumis à déclaration ; qu'elle demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite née du silence gardé sur sa demande ;
Sur la décision en tant qu'elle concerne l'article 4 du décret du 2 juin 2006 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 161-1 du code minier, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée: " Les travaux de recherches ou d'exploitation minière doivent respecter, sous réserve des règles prévues par le code du travail en matière de santé et de sécurité au travail, les contraintes et les obligations nécessaires à la préservation de la sécurité et de la salubrité publiques, de la solidité des édifices publics et privés, à la conservation des voies de communication, de la mine et des autres mines, des caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime, et plus généralement à la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles particulièrement des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1, L. 331-1, L. 332-1 et L 341-1 du code de l'environnement, à la conservation des intérêts de l'archéologie, particulièrement de ceux mentionnés aux articles L. 621-7 et L. 621-30-1 du code du patrimoine, ainsi que des intérêts agricoles des sites et des lieux affectés par les travaux et les installations afférents à l'exploitation. Ils doivent en outre assurer la bonne utilisation du gisement et la conservation de la mine " ; qu'aux termes de l'article L. 162-3 du même code : " Sont soumis à autorisation les travaux de recherches et d'exploitation qui présentent des dangers et des inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 " ; qu'aux termes de l'article L. 162-10 de ce code : " Sont soumis à déclaration les travaux de recherches et d'exploitation qui tout en présentant des dangers ou des inconvénients faibles pour les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 doivent néanmoins se soumettre à la police des mines et aux prescriptions édictées par l'autorité administrative " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret du 2 juin 2006 : " Sont soumis à la déclaration prévue à l'article 83 du code minier:/ 1° L'ouverture de travaux de recherches de mines lorsque ces travaux n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions du 2° de l'article 3 (...) " ; que le 2° de l'article 3 du même décret soumet à l'autorisation prévue par l'article 83 du code minier : " L'ouverture de travaux de recherches de mines autres que les hydrocarbures liquides ou gazeux, lorsqu'il est prévu que les travaux provoquent un terrassement total d'un volume supérieur à 20 000 mètres cubes ou entraînent la dissolution de certaines couches du sous-sol, ou doivent être effectués, sauf en ce qui concerne le département de la Guyane, sur des terrains humides ou des marais " ; qu'il résulte de ces dispositions que tous les travaux de recherche de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux sont soumis à déclaration, quels que soient leur importance ou leurs effets, alors que de tels travaux sont susceptibles de présenter des dangers et inconvénients graves pour l'environnement ; que si le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie fait valoir qu'à la date du refus d'abroger contesté, était entré en vigueur l'article 1er de la loi du 13 juillet 2011 visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique, cette circonstance n'est pas de nature à garantir que tous les travaux de recherche de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux soient exempts de danger ou d'inconvénient grave pour l'environnement ; qu'ainsi, l'association requérante est fondée à soutenir que les dispositions du 1° de l'article 4 du décret du 2 juin 2006, faute d'avoir tenu compte de la gravité des dangers et des inconvénients susceptibles d'être provoqués par ces travaux, ont été prises en méconnaissance des dispositions des articles L. 161-1, L. 162-3 et L. 162-10 du code minier ; que l'association requérante n'allègue pas, pour le surplus, que les autres dispositions de l'article 4 du décret du 2 juin 2006 seraient entachées d'illégalité ; qu'elle n'est donc fondée à demander l'annulation de la décision du Premier ministre qu'en tant que celle-ci a refusé d'abroger le 1° de l'article 4 du décret du 2 juin 2006 ;
Sur la décision en tant qu'elle concerne les articles 8 et 18 du décret du 2 juin 2006 :
4. Considérant que les articles 8 et 18 du décret du 2 juin 2006, qui précisent la composition du dossier accompagnant la déclaration de travaux miniers et les modalités d'instruction de cette déclaration, ne peuvent être dissociés des autres dispositions du décret relatives à la procédure de déclaration de travaux miniers ; qu'il suit de là que les dispositions des articles 8 et 18 sont indivisibles des autres dispositions du décret dès lors que leur abrogation aurait pour effet de rendre inapplicable le régime de la déclaration prévu à son article 4 ; qu'il en résulte que l'association requérante n'est pas recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des articles 8 et 18 du décret du 2 juin 2006 ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association France Nature Environnement est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée en tant seulement qu'elle refuse d'abroger le 1° de l'article 4 du décret du 2 juin 2006 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner au Premier ministre d'abroger ou modifier le 1° de l'article 4 du décret du 2 juin 2006 dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à l'association France Nature Environnement, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du Premier ministre est annulée en tant qu'elle refuse d'abroger le 1° de l'article 4 du décret du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains.
Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre d'abroger ou de modifier le 1° de l'article 4 du décret du 2 juin 2006 dans le délai de six mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à l'association France Nature Environnement une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association France Nature Environnement, au Premier ministre et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.