Bonjour, bande de babouins balbutiants débiles, bêtement balisés par le biais berbère d’un bêlement beuglé d’un bestial boulanger de Bourg-en-Bresse ! Quoi de mieux qu’un magnifique et allitéré non-sens pour introduire un article sur une avalanche de trucs qui m’agacent profondément ? Et ouais, c’est pas aujourd’hui que vous aurez droit à un article véritablement détendu de votre serviteur …
Un des sels de la vie, c’est un peu de private joke de temps en temps !
Afin que vous compreniez dans quel état d’esprit je me trouve au moment d’écrire ces modestes lignes, je vous suggère de lire le morceau ci-dessous : c’est calme, c’est frais, c’est le tube de l’été ! Non, je déconne, c’est juste des latinos texans qui ont pété les plombs. Et ils ont bien eu raison.
Voilà, je vous ai bien réveillé, j’ai votre attention ? Je voulais tout simplement vous dire que plus rien ne m’étonnait, tout comme Orelsan (que j’ai déjà cité dans un précédent article et qui, décidément, ne dit pas que des bêtises) peut le chanter. Plus rien n’est surprenant, donc, et tout va très vite. En particulier l’évolution de notre magnifique langue de Molière et l’enrichissement … euh, minute : l’ « enrichissement » de son vocabulaire. Raaahh, ça va bientôt déraper, vous le sentez et ça tombe bien : moi aussi ! Alors voici un avertissement.
Encore de la bile, encore du fiel, encore des bielles, encore du fil ! Alors que les choses soient bien claires : il ne s’agit pas pour moi de tacler la mauvaise expression des uns et des autres. Nous faisons tous des fautes en nous exprimant à l’oral (et là, j’ai failli en faire une belle à l’écrit en mettant un e à la fin d’ « oral » … crédibilité : down !) d’autant qu’un podcasteur célèbre s’il en est, à savoir Norman Thavaud a déjà abordé ce sujet dans cette vidéo. Non, je m’attaque vraiment aux néologismes capillotractés, aux anglicismes informes et aux non-sens lourds de sens qui viennent polluer/saccager/fusiller/faire un gros caca sur/collaborer avec l’occupant contre le verbe de du Bellay, Zola, Apollinaire et Ribéry.
Qui osera dire qu’il n’est pas ému aux larmes ?
Voici un échantillon des quelques criminels que j’ai recensé à l’instar d’un tueur à gages qui dresse une blacklist, ou de Gérard Depardieu qui ouvre les Pages Jaunes à la page des diététiciens. Et pour le fun et vos beaux yeux doués de force attention, voici comment je définirais personnellement si je rejoignais Giscard, Gallo, Carrère d’Encausse et consors à la Qu’a-des-crôutes. Euh non, pardon, à l’Académie.
Raymond Devos spotted !
Accrochez-vous, la liste sera courte, mais intense, et (malheureusement) pas exhaustive …
s’enjailler : voici un exemple d’abject anglicisme dont les québécois eux-mêmes n’auraient jamais eu l’idée (qui parlent par ailleurs un français bien plus correct que le nôtre !) … Pour ceux qui ont un peu écouté en anglais au collège et/ou au lycée, vous connaissez le verbe « to enjoy » qui signifie « profiter de, apprécier » … S’enjailler, ça veut donc dire que l’on va faire quelque chose dont on va tirer un certain plaisir. Humhum, à ne pas sortir du contexte et pour cause ! Deux choses me déplaisent profondément dans ce mot : la première, rapport au fait de ne pas sortir les notions de leurs contextes, sa sonorité très proche du terme assez grossier « s’encanailler » auquel je ne peux m’empêcher de penser quand je l’entends. La seconde, l’idée assez égoïste qui ressort du verbe pronominal conjugue, offrant ainsi deux pronoms de la première personne du singulier de suite à la conjuguaison : « je m’enjaille » … Ouais, je pinaille un peu, mais je trouve que ce mot ne sonne pas, il est moche à écrire et à prononcer, et de manière plus simple … je le HAIS !
exemple : « Enjaillez-vous dès aujourd’hui des roses de la vie. » (Sonnets pour Hélène, de Pierre Ronsard)
bicher : cet amas de lettres est destiné à apporter un synonyme aux verbes « séduire », « draguer », etc … Rien à voir avec la mère de Bambi, donc. Au passage, c’est peut-être l’apparition de cette locution qui l’a tué et pas un chasseur .. ?
exemple : « Dom Juan : – […] la constance n’est bonne que pour des ridicules ; toutes les belles ont droit de nous bicher […]. » (Dom Juan ou le Festin de Pierre, de Molière)
swag : c’est un mot un peu bateau, qui exprime un enthousiasme face à une chose … A l’origine, il s’agirait (car je n’ai aucune vraie source pour l’appuyer) de l’acronyme de la phrase « Secretely, We Are Gay », mais il s’utilise de plusieurs manières : comme interjection : « swag ! », comme adjectif, voire comme nom … On parle pour exemple du swag de quelqu’un (car il est cool, habillé de manière branchée et/ou parce qu’il a participé à une émission de téléréalité). S’agissant d’un mot qu’on peut placer n’importe où, sauf comme verbe (mais on swaggera bientôt, ne paniquez pas, c’est sûr et certain ! * soupir éloquent *) , on conviendra qu’en plus d’être parfaitement laid, il est d’une consternante inutilité …
C’est un équivalent, à peu de choses près, au mot …
… frais : normalement utilisé pour qualifier la principale qualité du rayon où l’on peut trouver des Kinder Pingui, ce mot, s’il est exploité dans un cadre plus cool et détendu du gilet, signifie (lui aussi !) « bien », « hype », « cool » ou « tip top » si vous avez grandi dans les années 80.
exemple : « Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigologie. Il prouvait admirablement qu’il n’y a point d’effet sans cause, et que, dans ce plus hype des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus frais des châteaux et madame la plus swag des baronnes possibles. » (Candide, de Voltaire)
pire : initialement le contraire de « meilleur », « pire » est une des meilleures (comprenez « pires ») manifestations du meilleur du pire de l’évolution de la meilleure des langues. C’est très clair. Donc, désormais, si vous voulez manifester votre approbation lorsque votre bestah exprime une idée qui colle plus encore à votre état d’esprit que votre statut Facebook, répondez-lui « pire ! » pour manifester votre complète empathie ! Variante pour l’expression écrite : plus vous mettez de « i », mieux c’est … Pensez-y !
exemple : « Père Ubu : – Alors voilà. Je tâcherai de lui marcher sur les pieds, il regimbera, alors je dirai : MERDRE, et à ce signal vous vous jetterez sur lui.
Mère Ubu : Piiiiiiiiiiire, et dès qu’il sera mort tu prendras son sceptre et sa couronne. » (Ubu Roi, d’Alfred Jarry)
boloss : là, on a affaire à du lourd … Parfois, ça désigne le binoclard intello, un peu victime (vous pouvez rire, hein …). Mais la plupart du temps, ce mot désigne (parce que les sens des mots évoluent, et ce dans tous les … dialectes …) un benêt, quelqu’un de pas dégourdi, qu’on veut railler. Oui, un abruti qui ne mérite qu’une chose : qu’on se foute de sa gueule, quoi !
exemple : « La gravité est le bonheur des boloss. » (Montesquieu)
On remarquera que les mots sus-cités suggèrent tous une idée positive ! C’est que les jeunes d’aujourd’hui sont tous insouciants, joyeux et prêt à tout pour une bonne surprise-partie ! (instant ringard) Pour recadrer les choses, je ne suis pas un triste sire, je pense même avoir pas mal d’humour … Mais j’ai simplement envie de me battre pour montrer que nous sommes capables, quelque soit l’âge et malgré la déviance manifeste de la langue, de mettre tout notre cœur pour une expression respectueuse de nos canons linguistiques.
C’est pas tout à fait ce que je voulais dire par « mettre du coeur », mais c’est un début.
Et après cette déferlante de rancoeur, que répondre ? Les quelques personnes que je connais et qui prendront connaissance de ces paragraphes emplis de mépris, de pédance et de snobisme me trouveront certainement injuste … C’est tellement bon de mettre les deux pieds dans la mauvaise foi, parfois ;)
Tout ça me fait penser à une phrase terrible (dans tous les sens du terme) que j’ai entendue de la bouche d’une représentante totalement décomplexée de ce qu’on appelle la « génération Y », et je vais conclure là dessus … Si je parle bien d’absence de complexes, c’est parce que cette jeune demoiselle qui m’est totalement inconnue et que je n’ai croisé qu’une fois dans ma vie, a posé la question suivante à voix haute et claire à ses potes dans le métro à une heure de pointe :
« Ca veut dire quoi, aberrant ? »
… ou l’art de poser la réponse avant de donner la question.