A propos de Chez nous c’est trois de Claude Duty
Judith Godrèche, Noémie Lvovsky et Frederic Van den Driessche
A Paris, Jeanne Millet (Noémie Lvovsky) est une réalisatrice quinquagénaire proche de la crise de nerfs voire en dépression comme elle galère depuis cinq ans pour trouver les fonds nécessaires au financement de son prochain long-métrage. Au départ hostile à l’idée d’aller présenter un de ses films en Bretagne, région dont elle est originaire et qui l’a invitée, Jeanne accepte finalement de s’y rendre. C’est l’occasion pour la metteuse en scène de prendre du recul, de rencontrer des gens mais aussi d’en retrouver d’autres dont son premier amour Gabriel (Stéphane De Groodt) lorsqu’elle avait vingt ans. Une situation pas évidente à gérer pour la réalisatrice et qui se corse encore lorsqu’elle découvre que Gabriel a gardé malgré lui une certaine rancœur (légitime) envers elle, une amertume que l’on devine dans ses nombreux non-dits. Si certaines couleuvres ne sont pas passées, c’est donc l’occasion rêvée de solder ses comptes…
Troisième long-métrage de Claude Duty, à qui l’on doit le très remarqué Filles perdues, cheveux gras (2002), Chez nous c’est trois est une comédie en apparence légère et sans prétention. Un vaudeville ou un road-movie aux allures de roue libre à la fois joyeuse et triste mais assez optimiste au final.
Julien Baumgartner, Marie Kremer, comme chat et chien…
L’un des intérêts majeurs de ce film, outre qu’il est joué par de très bons acteurs (à part peut-être Marie Kremer, un ton en dessous), c’est qu’il consiste en une mise en abîme élégante et raffinée du cinéma. Mais c’est d’abord le portrait subtil d’une réalisatrice en plein doute et en pleine remise en question.
Un portait teinté d’autobiographie et de souvenirs personnels pour le réalisateur de Bienvenue au gite (2002), qui a confié dans une interview avoir connu des déboires similaires à ceux de son personnage principal pour réussir à réunir l’argent nécessaire au financement de Chez nous c’est trois.
Noémie Lvovsky, à bout de nerfs…
Le charme un brin désuet de cette comédie tient à l’ambiance que Duty parvient à y instaurer, entre légèreté et grave, poésie et réalisme, sérieux et loufoque.
On pense parfois à Otar Iosseliani époque Adieu, plancher des vaches ! (1999) mais en moins fou et en moins foisonnant d’un point de vue de l’imaginaire.
Chez nous c’est trois est un film qui manie à merveille les paradoxes et les contradictions, à l’image de son personnage principal, figure complexe et intransigeante du cinéma d’auteur. Si Jeanne est empêtrée dans des difficultés financières renforcées par la crise économique et l’exigence du cinéma dont elle souhaite maintenir le cap, elle n’en reste pas moins une réalisatrice attachante et acharnée. Jeanne se rendra peu à peu compte que c’est sa stratégie d’attaque qu’elle devrait finalement revoir.
Si le voyage de la réalisatrice en Bretagne provoque la résurgence de ses souvenirs, ce retour en arrière est aussi l’occasion pour elle de régler ses comptes (comme de se faire régler les siens) avec son ancien amant.
Chez nous c’est trois nous parle à la fois de nos premiers amours (ceux de Jeanne, qui les a elle-même romancés et mis en scène dans Baisser fânés, le film qu’elle a tourné quelques années plus tôt et qu’elle est venue présenter en Bretagne) et de la volonté de se projeter (facile jeu de mots) pour une réalisatrice en pleine tempête et crise personnelles, un brin mélancolique (sans être nostalgique) mais qui ne manque pas d’ambition et de caractère.
Un portrait et un film sans grands enjeux certes mais au final assez profonds et touchants derrière cette apparente légèreté, grâce notamment à l’excellent duo formé par Lvovsky et De Groodt. Plus touchants que drôles d’ailleurs à proprement parler…
http://www.youtube.com/watch?v=MBAVTW72kQs
Film français de Claude Duty avec Noémie Lvovsky, Marie Kremer, Stéphane De Groodt, Olivier Saladin… (01 h 28)
Scénario de Claude Duty et Christian Clères :
Mise en scène :
Acteurs :
Dialogues :