Quand les jours chauds arrivent, la Taïga entre en floraison et pour quelques semaines la région devient presqu'accueillante. Ce secteur n'est qu'explorable que par la voie des airs puisque via le sol, la Taïga a avalé et fait disparaître bien des explorateurs aventuriers. Les disparitions russes...même la nature s'en mêle...
C'est ce qui avait lieu, de la prospection, durant l'été 1978 quand une équipe à découvert dans la partie sud des forêts, à quelques centaines de kilomètres de la frontière mongole quelque chose qui n'aurait pas dû s'y trouver: Des sillons sombres qui pouvaient évoquer une habitation défraichie secondée d'une forme de jardin. Les soviétiques de 1978 n'avaient aucune statistique sur une possible présence humaine dans ce secteur.
Il est plus dangereux de rencontrer un humain qu'un animal sauvage dans cette nature. Une équipe de scientifiques, armés de pistolets, se sont rendus sur place afin d'enquêter sur la possible présence humaine. En direction des lieux, ils ont peu à peu noté des signes de présence humaine. Un tronc d'arbre placé afin de traverser un courant d'eau ici, un baril de bois contenant des patates séchées là, ils arrivèrent bientôt à l'amas de bois mal assemblé, qui ne pouvait quand même pas contenir de vie humaine...et pourtant il y avait bien une petite fenêtre...
Vision du moyen-âge. Il y faisait froid comme si on était dans une grotte. La pièce, unique, était contruite de tout ce que l'on aurait pu se mettre sous la main: des bûches pleines de suie et un sol couvert de pelures de pomme de terre dans ce qui semblait moins un habitacle qu'un terrier. Et une odeur et une saleté insupportable accueillant...5 personnes!
Après une période d'acclimatation mutuelle, on leur offrit du linge propre et le vieil homme, deux femmes et deux hommes sont sortis et ont acceptés des confitures, du thé mais certains ont hésité sur le pain. Le vieil homme en avait déjà mangé mais pas les plus jeunes. Ce qui les impressiona le plus était le papier cellophane, de la vitre?...molle?... Les deux femmes parlaient une langue tordue, une sorte de dialecte monosyllabique, probablement créée à même leur isolation de la société. Elles semblaient attardées mentales, attardées sociales c'était certain en tout cas.
Avec le temps, on avait remplacé les souliers par des galoches d'écorces de bouleau. Leur linge était cousu et recousu avec de la matière tirée de la Taïga, des feuilles de plantes d'ivraie entre autre. Mais la famille, à court de pommes de terre et de noix prises à même le bois, vivait sur le seuil de la famine jusqu'à la fin des années 50. Les soeurs Lykovs parlaient de ces années comme les années de la faim. En 1961, il avait même neigé en juin, ravageant leur saison de moisson. Cette année-là, ils ont mangé des écorces...et leurs souliers...Akulina, la mère, allait même y aller de l'ultime sacrifice en se privant de manger afin que ses enfants se nourrissent.
Mourant de faim avec cette initiative.
Les Lykovs allaient redécouvrir le sel et resté fort impressionnés de la scie électrique et de la télévision, objet qu'ils regarderaient avec obssession en 1978 tout en priant pour leur "péché" de se livrer à une telle activité.
Après 42 ans dans le bois, l'étrange histoire des Likovs allaient avoir de tristes développements dans le monde extérieur. À l'automne 1981, trois des 4 enfants Lykov allaient suivre leur mère dans la tombe. Tous décédés à quelques jours d'intervalle. Savin et Natalia allaient mourir des suites de malnutrition et d'insuffisances reinales tandis que Dmitry allait mourir d'une pneumonie, refusant les traitements médicaux "comme Dieu le lui ordonnait".
Quand Agafia l'a entérré près des autres, elle a poliment suggéré aux scientifiques de la laisser en paix.
25 ans plus tard, elle y vit toujours, à 70 ans, seule dans la Taïga.
Coupée de la Russie pensée "civilisée", celle de Depardiov, mais qui n'égale pas ce qu'elle connaît dans les montagnes.