Le jour où j'ai rencontré ma fille, Olivier Poivre d'Arvor
Publié le 23 juillet 2013 par Bouquinovore
@bouquinovore
Auteur: Olivier Poivre
d’ArvorTitre Original:Le jour où j’ai rencontré ma filleDate de Parution : 21 août 2013Éditeur : GrassetNombre de pages : 246Rentrée Littéraire 2013Prix :18,00€ 17,10€Commandez:
Le jour où j'ai rencontré ma filleQuatrième de couverture :Tout commence par l'âge qui vient : alors qu'il
atteint la cinquantaine, le narrateur apprend qu'il est stérile. Il s'aperçoit,
en même temps, qu'il ne désire rien de plus qu'être père. Mais si le corps
refuse ? Tout recommence au Togo, quelques mois plus tard, lorsqu'il rencontre
une petite fille de sept ans, Amaal, et qu'il décide de l'adopter. Mais là
encore, comment fait-on quand on est un homme célibataire pour devenir père ?Des laboratoires parisiens où il découvre son azoospermie aux terres de
l'Afrique fertile où l'espoir renaît, des labyrinthes de l'administration au
vol Lomé-Paris qui ramènera enfin sa fille chez eux, Olivier Poivre d'Arvor
nous raconte le chemin initiatique de deux ans qui a changé sa vie. Pour la
première fois, cet homme pudique lève le voile sur un sujet tabou.ExtraitC'est votre fille, la petite ?Cette scène, cet instant de vie, cette crampe au ventre, cette main de
plus en plus moite, ce contrôle d'identité, depuis deux ans, je n'ai jamais
vraiment pensé qu'à cela. J'ai répété chaque mouvement, pour chaque
circonstance, imaginé chaque refus, celui que subissent toutes celles et tous
ceux, porteurs de mauvais papiers, la tête baissée en guise de protestation
silencieuse, qu'on voit, non sans gêne ou sans honte, accompagnés par des
costauds des épinettes à brassards rouges. Moi, si blanc et si privilégié, j'ai
beaucoup appris de l'Afrique; ma vie entre Paris et Lomé, puis Cotonou comme la
séparation d'avec Amaal, ma fille, m'ont permis d'éprouver ce que je prenais
jusqu'alors pour de la compassion ordinaire. L'injustice croissante faite aux
femmes et aux hommes qui ne sont pas nés dans le bon pays, avec le bon
passeport, la bonne couleur.S'il est un voyage dans ma vie que je n'oublierai jamais, c'est bien
celui-là, avec Amaal, ce Cotonou-Paris du 18 juin 2011, mais plus encore le
passage de la frontière, tôt le lendemain matin, à Roissy-Charles-de-Gaulle,
terminal F. Jusqu'alors, j'avais allègrement franchi les contrôles de police du
monde entier, salué joyeusement les douaniers de tous les pays en brandissant
les bons documents. La période avait été rude sur le plan politique. Le
Président, Nicolas Sarkozy, avec son calamiteux discours de Grenoble à l'été
2010, et ses ministres de l'Intérieur, calculettes à la main et champions de la
reconduite musclée, en rajoutaient à loisir avec leur politique du chiffre ; on
avait déjà beaucoup écrit sur le sujet, mais notre époque voulait cela aussi,
la peur, la crise, le chômage, la perte d'influence, en France comme en Europe.
Un sacré repli sur soi, la recherche de l'identité nationale... Et des
barrières, un peu partout pour rester dans la grande famille des Européens de
souche aux origines chrétiennes. Mais avant de sauver le monde et/ou de voter
aux prochaines élections présidentielles, il faut bien avouer que j'étais alors
surtout préoccupé par mes petites affaires intimes. Les labos, les toubibs
m'avaient accaparé un temps, je m'étais vaillamment soumis aux services
sociaux, aux psys, aux associations, aux consulats, aux tribunaux, à toutes les
administrations de France et du Togo. Ne restait plus maintenant, les yeux un
peu chiffonnés, une grosse valise vert kaki à traîner derrière moi, ma petite
Amaal fermement tenue dans l'autre main, qu'à faire la queue dans la file Union
européenne et à franchir la frontière pour rentrer chez nous à Paris. Mais
après ce que j'avais enduré, toute cette attente, ces découragements, ces
vexations, ce sentiment que je n'y parviendrais jamais, la dernière étape de ce
long cheminement m'apparaissait comme la plus difficile à affronter.Deux ans en effet que je rumine ce qui, selon les jours, s'appelle
évasion, exfiltration, échappée belle, ou, dans le meilleur des cas, entrée sur
le territoire français. Deux ans que, riche de mon seul désespoir et fort d'une
énergie à tout casser, j'échafaude de savants détournements de la loi. J'ai
tout tenté en théorie, tout monnayé en rêve : passeports de complaisance,
déclarations a posteriori d'état civil, reconstitutions d'identité, petits
avions affrétés pour contourner des formalités douanières... La frontière entre
l'homme honnête et le délinquant tient toujours à peu de chose : tous les deux
sont persuadés d'user d'un droit pour sauver leur peau.