Palais Longchamp, 20 Juillet 2013.
Ça fait pas mal d’années que je ne m’étais pas rendu au toujours très alléchant festival Jazz des Cinq Continents mais cette année ce sera double dose.
Avant la classieuse Diana Krall, une soirée estampillée groove qui, sans surprise, affiche complet.
En préparant un peu cette sortie, je me rend compte que je n’ai à priori jamais écouté une seule note de Gilberto Gil , alors qu’il est autant voire plus connu que Jorge Ben, Os Mutantes ou Sergio Mendes que j’adore.
Ce n’est pas le cas des premiers rangs qui semblaient bien connaître son répertoire.
On comprend dès les premiers titres l’aura de cette légende de la musique Brésilienne, sa musique est festive, pleine de clap clap, riche en influences et accessible même pour les néophytes.
Pédagogue souriant, il nous explique dans un français impeccable les caractéristiques de la Nordeste "à la dimension rythmique puissante".
Le groupe qui l’accompagne a tout autant le sourire et navigue entre moments hédonistes et d’autres plus mélancoliques, notamment avec un accordéon omniprésent.
Les seuls morceaux qui me sont familiers sont deux reprises de Bob Marley, "Every Little Thing Gonna Be Alright" puis "No woman no cry", celle là adaptée en Portugais.
Le concert est globalement agréable, avec un instrumental final où les musiciens s’en donnent à cœur joie niveau solo.
Puis c’est un joli couac, le présentateur du festival nous annonce qu’il va recevoir d’un adjointe au maire les clés de la ville.
Accueillie fraîchement, elle se fait copieusement huer en précisant que c’est de la part de Gaudin, hilarité générale et malaise évident sur scène.
Visiblement gêné, Gilberto Gil, qui a été lui aussi élu et même ministre de la culture sous Lula, calme le jeu avec une jolie pirouette : "il faut respecter l’état, l’état ce n’est pas une individualité, l’état c’est vous tous".
La musique reprend le dessus avec un dernier titre, le concert aura duré plus d’une heure et demi au final, de quoi impatienter votre chroniqueur avant tout essentiellement venu pour Chic.
Chic feat. Nile Rodgers pour être précis, puisque du groupe d’origine il n’y a que lui.
Des années de frustration (la formation est passée à Vienne, Nice, Juan Les Pins) enfin terminées et une confirmation de lui même qu’il n’a jamais joué à Marseille jusque là.
Il faudrait des pages entières pour expliquer l’importance du bonhomme, qui a donné ses lettres de noblesse à la disco et bouleversé la pop, et la joie immense d’enfin le voir à quelques stations de tram de chez moi.
Si le public semble ne connaître de Chic que les deux seuls tubes que jouent les FM paresseuses d’ici, il ondule néanmoins sans retenue sur les imparables "Everybody dance", "Dance, dance, dance" et le sublime "I want your love" qui ouvrent le bal.
Il y a bien même ce soir quelques mous du genou insensés qui préfèrent filmer que danser (honte à vous si vous tombez sur ces lignes, restez chez vous s’il y a une prochaine fois) mais globalement l’ambiance s’installe.
Nile nous explique ensuite qu’on va avoir droit à des chansons qu’il a écrites (avec le regretté Bernard Edwards) pour d’autres.
Une bonne idée pour que la fête soit totale, même si les chanteuses Kimberly Davis Jones et Folami Ankoanda, charmantes, talentueuses mais objectivement pas transcendantes souffrent parfois de la comparaison avec les interprétés originales.
Et c’est parti pour le premier medley : "I’m coming out" et "Upside down" de Diana Ross, puis deux tubes de Sister Sledge "He’s the greatest dancer" et bien sûr "We are family".
Sacré quart d’heure là, d’une intensité qu’on peinera un peu à retrouver ensuite sur l’amusant mix entre "Soup for one" et "Lady" le morceau de house filtrée un peu facile que les oubliés Modjo avaient samplé.
Il nous rappelle ensuite qu’il a une relation particulière avec la France, puisque avant Daft Punk et Etienne Daho (pour son album qui arrive à la rentrée) il a également bossé avec Claude Nougaro (sur l’album "Nougayork").
Et pondu ce hit inattendu et énorme pour Sheila & B. Devotion, "Spacer" immédiatement reconnu par la foule.
Suivi sans transition de "Like a virgin", eh oui c’est de lui aussi, mais contrairement à son concert épique au festival de Glastonbury qui m’avait tant excité en streaming le mois dernier, pas le temps pour ses tubes pour Duran Duran ou INXS, dommage.
Par contre il y aura bien le "Let’s dance" de Bowie, chanté par le…batteur Ralph Rolle, qui s’en sort plutôt pas mal.
Retour ensuite aux chansons qu’il a composées "pour lui" avec "Chic Cheer", "My Forbidden Lover" et bien sûr "Le Freak" et son fameux refrain qu’il fait chanter au public avant que le groupe s’y colle.
Le final est l’autre fameux tube planétaire "Good Times" qui était un pied de nez au choc pétrolier de 1979 et sonne encore et toujours comme l’hymne anti crise ultime.
Avec au moment du solo de basse un clin d’œil au "Rappers delight" de Sugarhill Gang et la scène envahie de privilégiés dont on suppose qu’ils bossent pour le festival.
Les musiciens s’en vont mais Nile reste savourer cette ambiance le temps que dure "Get Lucky" que diffuse la sono.
Et nous de s’estimer effectivement très chanceux d’avoir succombé à la fièvre du samedi soir, dans ce cadre si chic.