Une nouvelle expression est apparue dans notre langue, celle de lanceur d’alerte. Je me réjouis de ce que l’on se soit abstenu d’y inclure le vocable américain de whistle blower, littéralement le souffleur de sifflet, celui qui donne l’alarme, tel un arbitre qui siffle un hors-jeu, et je suis satisfait de ce que l’on ait pris soin de le traduire en français, le rendant ainsi intelligible par tous.
Il est ainsi venu qualifier Edward Snowden, ce contractuel ayant travaillé pour la CIA avant de révéler au monde entier les pratiques d’espionnage des États-Unis. L’émoi alors soulevé m’a semblé bien feint. Comme si l’on ignorait que chaque pays espionne les autres, partenaires comme adversaires ! Je me souviens de ce que, quelques années après la fin de mon service militaire, j’avais été approché afin de savoir si je n’étais pas disposé à profiter de mon emploi dans une filiale d’un groupe américain pour rendre quelque menu service à mon pays.
Ce qui m’amène à réagir ici, c’est le sort réservé à l’appareil transportant le président de la Bolivie, qui n’avait pas été autorisé à survoler le territoire français, au motif que, parti de Moscou, il aurait pu avoir à son bord ce fameux lanceur d’alerte. Les relations entre États souverains sont régies par différents usages. Ainsi la valise diplomatique, qui n’est pas précisément une valise, permet à des objets de transiter entre pays sans contrôle douanier ni policier. Pire, c’est l’immunité diplomatique qui permit à trois membres du service de sécurité de l'ambassade d’Irak, impliqués dans le meurtre de l'inspecteur de police Jacques Capela, de quitter sans encombre notre pays le 2 août 1978. Et là, au prétexte qu’il aurait pu se trouver en compagnie d’une personne recherchée par la justice des États-Unis, on inflige à Evo Morales, président d’un État souverain, l’humiliation d’être contraint de faire escale à Vienne et de devoir y patienter treize heures tel un simple quidam.
Le comble, c’est que, suite aux indiscrétions commises par le même Edward Snowden à propos des pratiques étasuniennes, les autorités françaises s’agitèrent d’importance pour demander des explications aux États-Unis, soupçonnés de nous espionner. Grotesque ! La France aurait-elle agi de même si Snowden eût pu se trouver dans l’aéronef de Vladimir Poutine ?