Mélanges hebdo 29/13

Publié le 21 juillet 2013 par Egea

Publication tardive de ce billet, pour cause de FILM à Coetquidan, et d'un retour tardif à la maison Mais nous sommes en vacances, n'est-ce pas ? FILM (Festival International du Livre Militaire), donc, où il y avait un peu moins d'exposants. Surtout, les mili rencontrés (je ne parle pas des élèves officiers, qui ont la pêche) m'ont fait l'effet de ne pas avoir grand moral, de façon très marquée. Ce n'est qu'un témoignage anodin, qui n'a pas de valeur de norme, mais qui participe à l'impression de "blues" dont on parle de plus en plus dans les gazettes. Le pire est que les civils ont désormais conscience du moral en berne des militaires : ça, c'est la première fois ! Pour le reste, il est toujours passionnant de rencontrer les lecteurs, et de leur dédicacer ses ouvrages.

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Ici un compte-rendu du dernier ouvrage de Thomas Rid (Cyberwar will not take place), mais aussi le dernier texte de Libicki qui relativise les délires cyber-Pearlharbouriens qui existent aux États-Unis. S'il s’agit de dire que la notion de cyberguerre est archi discutable, nous en sommes bien d'accord (et l'avons expliqué dans ICS). Mais de là à proposer une vision irénique (tout va très bien, madame la marquise, juste un peu de technologie qui rend notre monde plus agréable), c'est aller un peu vite en musique et oublier que le cyberespace est un espace de conflictualité. Cyberguerre, non (quoique), mais cyber-conflictualité, certainement.

Puisqu'il n'y a plus de menace en Europe, alors pourquoi les Européens s'accrochent-ils autant à l’alliance avec les États-Unis. Probablement parce qu'ils ont peur d'eux-mêmes. La menace n'est pas extérieure à l'Europe, elle est en son sein.

Je constate une montée en puissance des tensions "idéologiques". Je mets le mot entre guillemets, car il ne me paraît pas approprié. Il faut dire que j'ai été éduqué dans un temps antédiluvien (au moment de la guerre froide) où la notion d'affrontement idéologique avait une signification solide. Car il y avait bien deux "idéologies" qui se faisaient face à face, même si, dans le "monde libre", nous avions le sentiment de "défendre la liberté" face à l'idéologie du "camp d'en face". Autrement dit, nous percevions bien la nature idéologique du communisme, qui d'ailleurs énonçait une doxa bien établie, celle du marxisme léninisme. Il y avait une oeuvre de référence (Manifeste du parti communiste, le Capital, les écrits de Lénine), une explication du monde, des modèles applicatifs (soviétique, socialismes est-européens, maoïsme, cubisme - euh, non, à Cuba ce n'était pas du cubisme). En face, s'il n'y avait pas de programme aussi "scientifiquement établi", on défendait la liberté, la démocratie, la libre entreprise, les libertés individuelles : tout un faisceau de valeurs qui avait un relent idéologique certain.

Aujourd’hui, il s'agit d'autre chose. Des postures sans discours et sans construction intellectuelle, pour dire les choses simplement. Une inaptitude au débat, c'est-à-dire à l'écoute de l'autre et à l'estime qu'il peut avoir des arguments recevables et discutables. Chacun désormais a tendance à s'exaspérer et à faire parler les sentiments (les passions) avant la raison. Il s'agit probablement d'un effet de la bulle médiatique dans laquelle nous vivons, et où les médias cherchent à agir d'abord sur l'émotion, car "l'émotion c'est l'audience". Il s'agit également de notre mode de consommation de ces médias (zapping audiovisuel, twitter en 140 mots, billets facebook où la réaction offerte est "je like" ou je passe. Les livres sont plus courts, les chapitres plus brefs, les actions plus segmentées : et il ne s’agit pas seulement des romans, les essais aussi raccourcissent.

A force de nous demander d'aimer ou pas en un quart de seconde, on abandonne le recul, la distance, la profondeur. Cela affecte le débat public et renforce la montée aux extrêmes passionnels. Bref, de la passion quasi idéologique, sans idéologie.

Entendu, sur une radio, un entretien avec O. Hassid et J. Marcel, auteurs d'un ouvrage sur Colombine, Oslo, Toulouse : tueurs de masse , Un nouveau type de tueurs est né. Je ne me serai probablement pas intéressé au sujet, et cet interview m'a fait changer d'avis. Car ces tueurs de masse sont un phénomène qui va croissant, et qui est la pathologie de nos sociétés modernes. Or, à bien y regarder, il n'y a pas d'idéologie, sauf dans le cas des home grown terrorists, qui n'est qu'une variante du "tueur de masse". Ils sont isolés, psychiquement fragiles, et accèdent à l'existence médiatique grâce à leur crime. Bref, des criminels psychopathes, l'idéologie ne servant, qu'au cas par cas, à justifier vaguement leurs actes. D'où la question : ces gars là sont-ils des terroristes ? leurs actes sont-ils anticipables ? Justifient-ils toutes les mesures de surveillance prise au nom de la lutte anti-terroriste ?

5 chapitres : ça avance, même si ça ne va jamais aussi vite qu'on l'avait prévu.

Articles

  • Inde, cybersécurité et géopolitique (par Si vis Pacem)
  • Quand Defense news passe en revue les politiques européennes de cyberdéfense, et oublie la France....
  • Le jugement des linguistes : ou comment la linguistique paraît nécessaire pour comprendre les défis du cyber, et des échanges d'information.
  • L'interview du Gal Desportes : entre volume et technologie, il faut choisir les volumes : "On n’a pas besoin d’une frégate multi-mission à un milliard d’euros pour dissuader des pirates au large de la corne de l’Afrique, ni d’avions extrêmement sophistiqués pour faire de l’appui au sol. Gagner une guerre, c’est contrôler l’espace. Pour cela, il faut engager des volumes de forces adéquats, donc rendre les bons arbitrages sophistication-volume. Il faut pouvoir déployer des matériels plus rustiques en quantité suffisante. En Afghanistan, la coalition n’a jamais atteint les volumes de forces suffisants pour espérer l’emporter". C'est au fond un nouveau choix technologique qu'il recommande. Car vient un moment où la technologie ne compense plus l'absence de volume.
  • La NSA, c'est comme la Stasi ? L'auteur estime que non parce que la NSA est légale... je trouve l'argument bien primaire ! dommage, car l'article est intéressant, avec le rappel des méthodes de la Stasi. Même ambition générale, mais moyens bien plus limités.
  • La victoire militaire ne suffit plus pour imposer la paix par Beatrice Heuser. Cet article a fait pas mal couler d'encre sur Facebook, ainsi que son livre qui vient de sortir ("Penser la stratégie de l'Antiquité à nos jours", éditions A & J Picard (432 p., 39 €). Je viens juste de le recevoir, et attendrai de le lire pour en parler, même si sa bibliographie est, par certains côtés, surprenante.

Publications

Assemblée nationale : Rapport d’information relatif à une revue capacitaire des armées - jeudi 18 juillet 2013.Rédigé par MM. Yves Fromion (UMP, Cher) et Gwendal Rouillard (SRC, Morbihan).

  • Ce rapport conclut les travaux de la mission d’information créée par la commission de la défense le 13 novembre 2012. Il dresse un état des lieux, sous un angle capacitaire, de l’application de la loi de programmation militaire 2009-2014, contrariée dès 2008-2009 par une grave crise économique. Pour ce faire, il examine les capacités militaires sur le terrain, en opérations extérieures comme en métropole et en outre-mer, vérifie dans quelle mesure les armées ont disposé des moyens d’entretenir leurs matériels et s’interroge sur les capacités industrielles du pays. Il souligne les risques de ruptures capacitaires pour la marine, l’armée de terre et l’armée de l’air.
  • En conduisant cette analyse capacitaire de la façon la plus objective possible, les rapporteurs entendent contribuer à éclairer l’examen de la loi de programmation à venir par le Parlement, en réaffirmant que l’ambition stratégique de la France implique qu’elle conserve un outil de défense totalement crédible, à même de trouver sa place dans une Europe de la défense à la hauteur de ses responsabilités.

O. Kempf