Olivier Ameisen, l’anti-héros - le temps fort - www.lavoixdunord.fr

Publié le 21 juillet 2013 par Mouze
Olivier Ameisen, l’anti-héros - le temps fort - www.lavoixdunord.fr:
Olivier Ameisen, l’anti-héros
PUBLIÉ LE 21/07/2013
Par PAR JEAN-MICHEL BRETONNIER
OLIVIER AMEISEN vient de mourir à l’âge de 60 ans d’un infarctus du myocarde. Brillant pianiste, médecin réputé, étudiant précoce, il était aussi dévoré par l’angoisse. Tombé dans l’alcoolisme, flirtant souvent avec la mort, il multiplia longtemps les tentatives pour en sortir, sans trouver l’issue. Jusqu’au jour où un article de presse lui fait découvrir un médicament, le Baclofène. Inventé à d’autres fins, il peut réduire la dépendance. Olivier Ameisen se l’auto-prescrit et guérit de son alcoolisme.
Ne faisant jamais dans la demi-mesure, il se bat alors pour imposer ce traitement né du hasard, pour faire admettre que l’addiction a des causes biologiques, et que l’alcoolisme n’est pas une honte, mais vraiment une maladie. Il finit par convaincre une partie du corps médical de l’effet salutaire du Baclofène. Le 3 juin dernier était annoncée « une recommandation temporaire d’utilisation » qui autorise les médecins à le prescrire. Et puis, le 18 juillet, l’annonce brutale de sa mort.
Olivier Ameisen n’est pas devenu pour autant un héros. Si sa « découverte » l’emporte définitivement, on ne racontera pas sa vie comme on publiait au XIXe l’hagiographie de nos grands scientifiques. Dans une époque positiviste, ils incarnaient le progrès en marche, l’inexorable victoire de la raison. La recherche patiente, selon une rigoureuse méthode et d’impeccables protocoles, devait avoir raison de tout, même de la maladie et de la mort.
Le destin d’Olivier Ameisen n’est pas l’histoire édifiante d’un saint dévoué à la science, mais le produit de ce que fait la vraie vie aux vrais hommes. Olivier Ameisen n’est pas un nouveau Pasteur, bon et rassurant, tout entier et pieusement soumis à l’objet de sa recherche. C’était un homme électrique et doué, angoissé et convaincu, insatisfait et entreprenant, découvrant tardivement ce que la vie peut apporter à celui qui parvient à apaiser ses angoisses et calmer ses impatiences.
C’est ce tempérament-là qui comprit mieux que d’autres que la recherche n’est pas un long fleuve tranquille, que la science avance grâce à ses erreurs, qu’il faut parfois affronter la bien-pensance scientifique pour imposer ses convictions, qu’il ne faut pas hésiter à ébranler des certitudes pour progresser vraiment.
Il était aussi le produit du XXe siècle. Sa mère survécut par miracle aux camps de la mort et son père réchappa d’un camp de prisonniers. On ne sait pas ce que ses angoisses devaient à ces terribles destins, ni son alcoolisme à ces angoisses. Lui pensait avoir trouvé par la chimie la solution à son intempérance. Et cette victoire lui avait permis de se réconcilier avec la vie.
Au début de cette année, il confiait à Libération : « Arrêter l’alcool, ce n’est rien. Découvrir la vie, c’est extraordinaire. »
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