20 juillet 2013
(No 2013-26)
À quelques jours de l’ouverture de Festival d’Opéra de Québec, le blogue lyrique est de retour de façon à couvrir pour la troisième année consécutive le rendez-vous estival préparé par son directeur général et artistique Grégoire Legendre. Je présenterai et commenterai les principaux événements d’une programmation qui s’annonce aussi intéressante que celle des deux premières éditions en raison des de la principale production qui sera à l’affiche : La Damnation de Faust d’Hector Berlioz dans une mise en scène de Robert Lepage.
Présentée pour la première fois au Québec et au Canada, La Damnation de Faust d’Hector Berlioz inaugurera le Festival de 2013. Dans le livret dont les paroles sont d’Hector Berlioz, Almire Gandonnière et Gérard de Nerval d’après le Faust de Johann Wolfgang von Goethe, l’œuvre est décrite comme étant une « légende dramatique » en quatre parties. Lors de la conférence de presse qui s’est déroulée hier au Grand Théâtre de Québec et auquel j’ai assisté, Robert Lepage a qualifié La Damnation de Faust d’ « œuvre poétique» « très XIXe » et a rappelé le parcours de la production. Celle-ci a été créée lors du Festival Saito Kinen de Matsumoto au Japon en 1999 et a été reprise, d’abord à l’Opéra national de Paris en 2001 et 2003 ainsi qu’au Metropolitan Opera de New York (MET) en 2008.
Robert Lepage s’est dit heureux de mettre en scène une grande œuvre lyrique en langue française après avoir invité les lyricomames ayant vu Le Rossignol et autres fables d’Igor Stravinksy et The Tempest de Thomas Ades à apprivoiser lors des deux premières éditions du festival le russe et l’anglais. Il a affirmé vouloir « polir le bijou » pour la production du Festival d’Opéra de Québec et noté qu’à la différence de New York, il peut compter sur « une distribution plus jeune, plus fraîche et avec des chanteurs qui sont bons comédiens », qu’il n’hésite pas à qualifier de « fabuleuse ». Il dit du spectacle qu’il est « très ambitieux et spectaculaire », « très coloré et aussi très classique » et a souligné avec justesse que La Damnation de Faust est « un grande oeuvre pour les chœurs ». Si son expérience du Ring de Richard Wagner qu’il a mis en scène pour le MET n’a pas déteint sur la nouvelle mouture comme il l’a affirmé en réponse à l’une de mes questions hier, il précise par ailleurs que les technologies ayant beaucoup évolué depuis la création de 1999 il a pu raffiner avec son équipe d’Ex-Machina davantage leur utilisation.
Il sera notamment intéressant de voir si les animations et projections qui caractérisent la dimension scénographique du travail de Robert Lepage- et qu’a commentés avec intérêt le musicologue Guy Marchand (« La Damnation de damné Lepage : La Damnation de Faust », Jeu ; revue de théâtre, no 131, (2) 2009, p. 49-55) et enrichiront encore davantage sa « composition lyrique ». Vous pouvez visionner des extraits- et des effets visuels- de la production du Festival de Matsumoto ici en les comparant à ceux du Metropolitan Opera de New York ici, ici et ici (je n’ai pas trouvé d’extraits de la production de l’Opéra national de Paris sur la Toile).
La « jeune » distribution de La Damnation de Faust est composée du ténor Gordon Gietz (Faust), de la basse John Relyea (Méphistophélès) (qui a tenu le rôle dans la production du MET), de la mezzo-soprano Julie Boulianne (Marguerite) et du baryton-basse Alexandre Sylvestre (Brander). Ces artistes lyriques succèdent à Giuseppe Sabbbatini/Marcello Giordani (Faust), Susan Graham/Jennifer Larmore (Marguerite), José Van Dam (Mephitopélès) et Clayton Brainerd/Patricl Carfizi (Brander) qui ont participé aux productions précédentes de la version Lepage de La Damnation de Faust. L’Orchestre symphonique de Québec sera sous la direction de Giuseppe Grazioli et celui-ci devra relever l’immense défi qu’ont su relever avant lui les chefs Seiji Ozawa et James Levine. Le Chœur de l’Opéra de Québec, qui a été augmentée à 68 choristes et qui comprend un chœur d’enfants, comptera parmi les acteurs importants de la légende dramatique d’Hector Berlioz.
La production mettra également en présence 13 danseurs et danseuses, 9 acrobates ainsi que 37 figurants et figurantes. Avec plus de 200 artistes sur scène et comme l’a affirmé Grégoire Legendre lors de la conférence de presse, il s’agit de la plus importante production d’opéra présentée dans la capitale nationale. Il aura d’ailleurs fallu 14 conteneurs pour transporter les décors de la production dont l’arrivée au Grand Théâtre de Québec a été pérennisée par des photographies accessibles sur la page Facebook de l’Opéra de Québec en cliquant ici.
Le directeur Legendre s’est dit fier d’être associé à Robert Lepage et Ex Machina pour la troisième année consécutive. Dans un entretien que j’ai eu avec lui la veille de la conférence de presse, Grégoire Legendre m’a indiqué que Robert Lepage n’avait pas l’exclusivité au festival, mais qu’il se réjouissait de l’engagement du metteur en scène québécois à son égard. Le président du Conseil d’administration du Festival Gaston Déry a également tenu à souligner la contribution exceptionnelle de Robert Lepage à la vie et au succès du festival à ce jour et dit espérer que le Festival d’opéra de Québec continue d’être une tribune privilégiée pour les nouvelles productions de Robert Lepage et de son équipe d’Ex Machina.
Quatre représentations sont prévues pour les jeudi 25 juillet à 20 h et samedi 27 juillet à 14 h ainsi que les lundi 29 juillet et mercredi 31 juillet 2013 à 20 h. Et si j’ai bien compris, les billets s’envolent et il vaudrait mieux ne pas tarder à retenir vos places (Grand Théâtre de Québec 418-643-8131 ou www.billetech.com) pour éviter de vous faire dire, comme ce fut le cas d’opéraphiles désirant voir Le Rosssignol et autres fables en 2011 et The Tempest en 2012, que La Damnation de Faust joue à guichets fermés!
En ce 20 juillet 2013, plusieurs articles portant sur la troisième édition du Festival d’Opéra de Québec, en particulier sur La Damnation de Faust, paraissent dans les principaux quotidiens du Québec sous la plume de Richard Boisvert, « La damnation de Faust : plus loin que l’opéra» et « Un rôle très attendu pour Julie Boulianne » (Le Soleil et La Presse), Christophe Huss, « La Damnation de Faust et son magicien Robert Lepage » (Le Devoir) et Yves Leclerc, « Opéra- Une production historique- Une première canadienne pour l’opéra- La Damnation de Faust, mis en scène par Robert Lepage » (Journal de Québec). Je vous invite également à visionner, en cliquant ici, le reportage diffusé au téléjournal de Radio-Canada hier et présentant un« Un avant-goût de l’œuvre La damnation de Faust ».
Pour une préparation plus approfondie, vous pourriez vouloir faire l’étude de la partition de La Damnation de Faust que vous retrouverez en ligne en cliquant ici. Vous pourriez aussi prendre connaissance du livret. L’accès à sa version intégrale est possible à l’aide de trois sites électroniques. Sur le site Wikimedia Commons, vous pourrez d’abord feuilleter en ligne le livret dans la version publiée chez l’éditeur de musique Simon Richet en cliquant ici (ou le télécharger). Sur le site consacré à Hector Berlioz (http://www.hberlioz.com), vous pourrez lire le livret de l’« œuvre pour orchestre avec accompagnement de voix » en cliquant ici. Des compte-rendus des premières représentations de La Damnation de Faust à Paris sont également accessibles en cliquant ici (Arthur Pougin, Le Ménestrel, 10 mai 1903 et 18 juin 1910) et ici (Albert Bertelin, Commoedia illustrée, no 19, 1er juillet 1910). Le livret est également accessible sur le site Opera Glass hébergé par la Stanford University (http://opera.stanford.edu) en cliquant ici.
Et vous découvrirez que le livret, rédigé dans la langue de Molière comme le rappelait Robert Lepage durant la conférence de presse, comporte toutefois dans la scène VIII une chanson des étudiants en latin, mais également des paroles dans une langue infernale, celle des damnés et des démons, inventée par Berlioz pour le Pandaemonium de la scène XIX :
SCÈNE XIX
Pandaemonium
Chœur en langue infernale
DAMNÉS ET DÉMONS
Has! Irimiru Karabrao!
Has! Has! Has!
LES PRINCES DES TÉNÈBRES
De cette âme si fière
À jamais es-tu maître et vainqueur, Méphisto?
MÉPHISTOPHÉLÈS
J’en suis maître à jamais.
LES PRINCES DES TÉNÈBRES
Faust a donc librement
Signé l’acte fatal qui le livre à nos flammes?
MÉPHISTOPHÉLÈS
Il signa librement.
DAMNÉS ET DÉMONS
Has! Has!
(Les démons portent Méphistophélès en triomphe.)
Tradioun Marexil fir trudinxé burrudixé!
Fory my dinkorlitz.
O mérikariu! O mévixé! Méri kariba!
O mérikariu! O midara caraibo lakinda, merondor dinkorlitz, merondor
Tradioun marexil,
Tradioun burrudixé
Trudinxé caraibo.
Fir omévixé merondor.
Mit aysko, merondor, mit aysko!
Oh!
(Les démons dansent autour de Méphistophélès.)
Diff! Diff! merondor, merondor aysko!
Has! Has! Satan.
Has! Has! Belphégor,
Has! Has! Méphisto,
Has! Has! Kroïx
Diff! Diff! Astaroth,
Diff! Diff! Belzébuth, Belphégor, Astaroth, Méphisto!
Sat, satrayk irkimour.
Has! Has! Méphisto!
Has! Has! Has! Has!
Irimiru Karabrao!
Je poursuivrai ma présentation du troisième Festival d’Opéra de Québec demain le 21 juillet en parlant de l’autre production d’importance du festival, l’opéra de chambre Powder her Face de Thomas Ades. Je vous ferai également part de propos recueillis auprès du ténor Vincent Karche qui animera des Rando-lyriques durant le Festival et transmettrai des informations sur les autres événements du grand rendez-vous estival de l’art lyrique au Québec.
À demain !