Voici deux sonnets de Jacques Roubaud, qui se font écho, et qui ont été écrits selon la contrainte oulipienne de François Caradec : l’un étant le sonnet "voilé" et l’autre le sonnet "dévoilé" : on remarquera que seules changent les rimes.
DUEL Sonnet voilé
Pour parler il s’était approché du bar
Dehors une mouette errait dans la mare
Entre usines et vieilles maisons et gare
" Quoi ! Tu as osé te moquer de mon dard !"
Il gesticulait, plus rouge qu’un homard
" Je crache sur ta tête et ton âme d’âne"
Il tremblait courbé comme une rose fane
Et l’autre répondit : "Tire-toi, gros lard !"
Le soir prend le soleil, le roule, le cale
La lune dans le ciel apparaît haut, pâle,
Le baron et le duc (chacun veut son dû)
Crient : "Vengeance !" "Mourez !" Leur parole est lasse
Enfin surexcités par leur discours cru
Ils se battent. La mouette reste en place
Le Sonnet dévoilé
Pour parler il s’était approché du baron
Dehors une mouette errait dans la marée
Entre usines et vieilles maisons, égarée
"Quoi ! Tu as osé te moquer de mon daron !"
Il gesticulait, plus rouge qu’un homard, rond
" Je crache sur ta tête et ton âme damnée "
Il tremblait courbé comme une rose fanée
Et l’autre répondit : "Tire-toi, gros larron !"
Le soir prend le soleil, le roule, le câline
La lune dans le ciel apparaît opaline,
Le baron et le duc (chacun veut son duel)
Crient : "Vengeance !" "Mourez!" Leur parole est l’acide
Enfin surexcités par leur discours cruel
Ils se battent. La mouette restant placide
J’ai trouvé ces deux sonnets dans la revue poétique Place de la Sorbonne du printemps 2011.