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Le Monde diplomatique, une nouvelle façon de lire en ligne

Publié le 20 juillet 2013 par Npcheynel @journalismes

Pour sa nouvelle édition électronique lancée il y a deux mois, le Monde Diplomatique a pris un chemin inattendu. A l’heure où le mot "interactivité" se répand dans toutes les rédactions, celle du Monde Diplomatique a tout simplement choisi de proposer aux utilisateurs de tablettes de "lire" le journal. Pas de vidéos, de photos, de diapos, d’alertes ni de liens à gogo... C’est tout simplement un livre électronique qui est présenté aux lecteurs.

Sur son site, le Monde Diplomatique explique son choix. La première raison est "technique : les livres électroniques fonctionnent avec la plupart des écrans, et notamment les liseuses (Kindle, Kobo, etc.)". La deuxième raison est "politique : nous en maîtrisons toute la chaîne de fabrication, ce qui nous dispense de recourir à des prestataires extérieurs". Et enfin, "intellectuelle" car "ce format permet de retrouver, au moins en partie, la 'lecture profonde' propre au papier".

Un choix judicieux qui s’explique aussi par des moyens restreints. L’équipe web du Monde Diplomatique est composée de deux personnes. Une application aurait été difficile à entretenir. Et pour un journal qui diffuse des formats longs, le livre électronique n’est-il pas le moyen le plus astucieux de valoriser ses contenus ?

Ce choix reflète la philosophie du mensuel. Le téléchargement du livre se fait, par exemple, directement sur le site du Monde Diplomatique. "A l’heure où Google, Amazon, Apple et quelques autres tentent d’asseoir leur domination sur la Toile et se partagent les autoroutes numériques, il nous paraît crucial de maintenir des chemins de traverse grâce auxquels l’information circule directement du producteur à l’usager", explique le mensuel sur son site.

 Avec le livre électronique, Le Monde Diplomatique prend le contre pied des pratiques de la presse en ligne. Un souffle de quiétude dans un univers électronique qui érige la vitesse et l’instantané comme les nouveaux dogmes du web 2.0. Le Monde Diplomatique sera-t-il le précurseur d’une nouvelle façon de lire en ligne ?
Le Monde diplomatique, une nouvelle façon de lire en ligne
Entretien avec Guillaume Barou
Journaliste et développeur web au Monde Diplomatique.


Pourquoi avez-vous choisi le livre électronique pour développer l’édition numérique du Monde Diplomatique ?
On avait jeté les bases d’une application. Mais on s’est rendu compte qu’on allait vite se retrouver piégé. En effet, une application, il faut l’alimenter en permanence. C’est tout le temps mis à jour. Le problème c’est que nous sommes que deux dans l’équipe web. Cela aurait été très lourd à gérer.  L’application nous aurait imposé une façon de travailler spécifique. Alors qu’avec le livre électronique nous avons beaucoup moins de contraintes.

Quels sont les avantages ?
Avec le livre électronique, nous pouvons toucher beaucoup plus de périphériques électroniques. De plus, toutes les tablettes ont des applications qui permettent d’ouvrir un livre électronique. Nous n’avons donc pas à nous charger des mises à jour. Notre travail consiste à créer des fichiers pour qu’ils soient lus par ces machines. Nous avons élaboré une maquette agréable et pratique. Nous allons continuer à l’améliorer. Le livre électronique se développe tout doucement. A priori, cela va rentrer dans les mœurs. C’est déjà le cas aux Etats-Unis. J’espère qu’on va acquérir une vraie compétence... et qu’on sera un peu en avance. Le Monde Diplomatique a un lectorat spécifique, on peut tenter des choses un peu différentes.

Selon vous, le livre électronique permet de revenir à ce que vous appelez la "lecture profonde " ?
Le problème du web par rapport au papier, c’est la qualité de la lecture. Les mails, les réseaux, la nature même de l’écran entrainent de nombreuses distractions possibles.  Et on s’éloigne de ce qu’on appelle la "lecture profonde ". Ainsi, nous avons cherché avec quel outil on pouvait faire en sorte de retrouver cette "lecture profonde" sur les écrans. En évitant les perturbations et les liens trop visibles. Depuis le début, on pense, contrairement à ce qui est souvent dit, qu’Internet ne signifie pas format court. Il semblerait que l’on ait raison sur cette question. De plus en plus de médias  tiennent aujourd’hui ce discours... alors qu’ils ont fait l’inverse pendant longtemps.

Vous expliquez que le livre électronique permet plus facilement de hiérarchiser l’information, comme sur le papier ?
Oui. Le web entraine une logique d’atomisation. A priori, le gros des usages en ligne, c’est plutôt de lire des articles, sur des sites différents. Cela diversifie les sources d’information, ce qui est plutôt positif. Pourtant l’unité du journal a un sens. Décider par quoi ça commence, par quoi ça finit... il y a une logique d’ensemble qui se suit et qui fait sens; et nous trouvons dommage de perdre cela avec le web. Avec les éditions numériques, notre démarche consiste à recréer une cohérence autour d’un objet qui sort chaque mois.

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