Pour cette troisième semaine de juillet, Case Départ vous propose sa sélection d’albums de la semaine. Parmi ces dernières nouveautés, il y a pour vous quelques petites merveilles : Chaman la réédition d’histoires indiennes de Serpieri, un album sur la rivalité entre Fausto Coppi et Gino Bartali lors du Tour de France en 1949, Chemin perdu un album onirique dans une forêt étrange, la suite de la série L’année du lièvre, le petit théâtre de papier de Rabaté Fenêtres sur rue, un album post-apocalyptique Winterworld et un roman graphique Cocotte Minou. Bonnes lectures !
Chaman :
une magnifique réédition
des histoires indiennes de Serpieri
Bâton de feu : C’est l’automne dans le village indien Chipewayan, Osha et les homme pêchent mais ses prises ne suffiront pas à nourrir les villageois pendant l’hiver. Les proies sont de plus en plus rare. Le chef recueille un trappeur blessé. Après sa convalescence, l’homme repart vers la ville mais avant en guise de remerciement, il lui laisse son fusil. Pour Osha, la chasse devient plus facile et il devient le héros de sa tribu. Mais son bâton de feu suscite la jalousie.
L’homme médecine : Le grand chef cheyenne Woquini continue de défier les dog soldiers, valeureux militaires venus pour le faire plier. Par sa magie, il repousse un à un ces guerriers blancs et les met en déroute.
Chaman : Dans cette histoire en couleurs, Faucon d’Argent, commissaire aux affaires indiennes de la réserve de White River, trahit son frère Catwakee, le grand chaman. Ce dernier ne veut pas se plier aux exigences de son frère pour rentrer dans les rangs ; il n’accepte pas de retourner dans la réserve comme ses semblables. Livrés aux soldats, il préfère la mort que de se rendre. La mort lui permettant de revenir hanter ceux qui se sont opposés à lui. Pourtant le Major Marvin ne veut pas en faire un martyr.
Or maudit : Dans le désert mexicain, Bernie Walley avance lentement sous un soleil brûlant. Assoiffé, il n’est plus trop conscient. Il tue alors son associé, se perd et s’écroule de fatigue. Il est recueilli par un indien Hopi, qui le soigne par des plantes. Bernie va vivre une étrange expérience qui le dégoûtera de sa soif d’or.
Cette réédition des ces quatre histoires permettent aux lecteurs de (re)découvrir l’immense talent de Poalo Eleuteri Serpieri. Grâce à des nombreux mini-récits publiés en Italie ou en France, il deviendra d’ailleurs l’un des plus grands conteurs de westerns. Chaman montre tout l’amour que pouvait éprouver l’auteur pour les civilisations indiennes. Les coutumes, les décors, les vêtements mais aussi les chevaux sont magnifiquement dessinés, le noir et blanc réhaussant le trait réaliste de Serpieri. Confrontés à la brutalité des blancs, les indiens sortent toujours vainqueurs et grandis de ses récits.
- Chaman
- Auteur : Paolo Serpieri
- Editeur: Mosquito
- Prix: 13 €
- Sortie: juillet 2013
Fausto Coppi, la légende
Le livre de Davide Pascutti est un hommage au champion de cyclisme Fausto Coppi, dont la rivalité avec Gino Bartali enflamma l’Italie de l’après-guerre et littéralement divisé le pays en deux : Bartali était le favori du parti catholique tandis que Coppi était celui des partis de gauche.
Fausto Angelo Coppi est le Campionissimo, un des plus grand coureur cycliste, l’une des légendes du Tour de France et d’Italie. Son nom résonne dans toutes les têtes des amateurs de la Petite Reine.
Né en 1919 dans le Piémont, il dispute sa première course cycliste en juillet 1937. Et seulement 3 ans après, il commence sa carrière professionnelle au sein de l’équipe Legnano où il est coéquipier de Gino Bartali. Envoyé en Tunisie pour combattre en 1943, il est fait prisonnier par les Anglais. Il rentre en Italie en 1945, année où il épouse Bruna. En 1946, il est engagé par l’équipe Bianchi. Avec laquelle il remporte plusieurs courses dont Milan – San Remo, Paris – Roubaix ou le Giro. En 1949, il participe pour la première fois au Tour de France. C’est sur cette édition que Davide Pascutti se concentre pour son album. En effet, cette année-là, Coppi remporte le Giro et le Tour, un exploit qu’aucun cycliste n’avait réalisé auparavant.
1949. Les deux stars de la Grande Boucle sont Coppi et Gino Bartali. A l’époque, ce dernier avait déjà gagné deux Tours de France et trois Tours d’Italie. Tenant du titre, la presse bruisse, elle sent que la course va porter au zénith la confrontation entre les deux coureurs. Cette rivalité va enflammer les trans-alpins et diviser le pays en deux.
D’un côté, Gino Bartali, musclé, râblé, bavard, est très croyant. Il devient donc le favori du Parti Catholique. De l’autre, Fausto Coppi, maigre, élancé, silencieux, laïque. Il devient donc le favori des partis de gauche.
Le plus délicat lors de la course, c’est que les deux grands rivaux doivent se retrouver dans la même équipe. Si dans les autres épreuves, les coureurs sont employés par des équipes sponsorisées par des marques comme Bianchi, alors que lors de la Grande Boucle, ne sont invitées que les équipes nationales. Bartali et Coppi sont par conséquent coéquipiers dans l’équipe d’Italie.
Au terme d’une échappée au long court dans la montagne, Coppi s’impose en solitaire et engrange du temps sur son rival. Lors de cette étape, il se paie même le luxe de s’arrêter pour graisser sa chaîne. Le Tour est sonné, le Campionissimo a plusieurs minutes d’avance sur ses adversaires et il le remporte d’une manière magistrale.
Davide Pascutti raconte librement cette année décisive sans en trahir la réalité historique. L’auteur divise son récit en noir et blanc, en deux parties : d’abord la vision de la course par deux enfants amoureux du cyclisme, l’un encourage Coppi et l’autre Bartali. Cette ferveur est alimentée par les récits radiophoniques ou les articles dans les journaux des deux héros. Les deux enfants et leurs familles ne ratent aucune course de leurs héros, souvent au bord des routes, comme un grand nombre de supporteurs. L’autre vision du récit est celui de Coppi, avec ses doutes, ses pépins physiques mais aussi toute l’attente d’un pays pour accomplir ses exploits ; une pression délicate que doit surmonter cet exceptionnel champion. L’auteur réussit parfaitement à mettre en lumière les contradictions de l’italien, tiraillé entre sa carrière et sa famille.
L’album est compléter par un beau dossier comprenant des croquis et recherches graphiques, une chronologie et les portraits de protagonistes de l’histoire : Coppi, sa femme Bruna, son frère Serse, son masseur Cavanna et bien évidemment Bartali.
La bande dessinée n’est pas réservé qu’aux amateurs de cyclisme tant l’histoire est universelle, se basant sur les liens entre deux hommes.
- Fausto Coppi
- Auteur : Davide Pascutti
- Editeur: Cambourakis
- Prix: 16 €
- Sortie: juin 2013
Chemin perdu
Dans les temps jadis, un jeune couple décida de s’installer dans une maison majestueuse au fin fond de la forêt. Rapidement, la femme sentit des ombres malfaisantes rôder autour de leur demeure. Inquiète, elle attendait terrifiée le retour de son mari. Lui, perplexe, ne voyait pas ces êtres dansant. Excédée, la jeune femme partit du foyer familial, fut engloutit par des racines et jura qu’elle se vengerait de son mari et de cette forêt. Le mari, veuf éploré, se laissa dépérir.
Alors qu’ils participaient à une course d’orientation, trois jeunes garçons décidèrent d’emprunter un raccourci dans cette forêt si particulière. Avec l’aide de la Carte des Copinoux, les jeunes héros ne s’imaginent pas dans quelle galère ils s’aventurent. Le premier « monsieur je sais tout » est un vantard, imbu de sa personne, le second, son petit frère, pense être un robot et le dernier, un ami, est le fils d’un chasseur. Pour remporter la course, il leur suffit de suivre le chemin des arbres déguisés en Apaches et de répondre à une énigme. Mais c’était sans compter, la rencontre d’étranges créatures oniriques : un cerf géant au chapeau melon magique, un renard à la poursuite de sa bicyclette folle, un ogre branchu ou encore, une fée aux intentions ambiguës.
Etrange et un peu terrifiant, le récit d’Amélie Fléchais est dense, onirique et poétique. Cette histoire de quête enfantine est complexe et difficile à définir les contours tant les personnages sont tour à tour mystérieux, sombres et amusants. Pétillant, le trait de la jeune auteur alterne des styles graphiques très différents, des dessins en noir et blanc mais aussi en couleurs. Ces dernières, éblouissantes, semblent se superposer par une techniques de calques pour laisser passer les lumières. La force de Chemin perdu est assurément le dessin avec des décors, tantôt rassurants tantôt effrayants, et des recherches pour les personnages intéressantes. Son trait tout en légèreté est pourtant très détaillé. Le lecteur ressentira quelques influences comme l’univers riche de Miyazaki, le graphisme des Kerascoët mais aussi les films sur l’enfance comme Les Goonies, ou encore du sublime film d’animation Brendan et le Secret de Kells, pour lequel elle fut concept-artist.
- Chemin perdu
- Auteurs : Amélie Fléchais et Jonathan Garnier
- Editeur: Soleil, collection Métamorphose
- Prix: 17,95 €
- Sortie: juin 2013
L’année du lièvre :
dans l’enfer des Khmers Rouges
Le 3 mars dernier, Case Départ chroniquait le tome 1 de L’année du lièvre, série créée par Tian, où le lecteur découvrait toute l’horreur de la dictature khmère rouge. Ce volume concourait d’ailleurs dans la Sélection Officielle du Festival d’Angoulême. Ne vous inquiétez pas est la suite du destin tragique de la famille de l’auteur.
«Détruisons la monarchie, établissons l’Angkar ! Détruisons l’impôt, instituons les contributions volontaires ! Détruisons le blanc, mettons en valeur le noir ! Ennoblissons les ignorants et éliminons les érudits !» Voilà l’un des préceptes ineptes du régime khmer. C’est ainsi que les habitants du Cambodge devaient se comporter pour être en osmose avec les valeurs de l’Angkar, c’est-à-dire l’Organisation.
Phnom Penh, 1975. Après la prise du pouvoir par les Khmers rouges, Khim, Lina et leur famille sont obligés de quitter la ville sans savoir où aller. Pour avoir tenté de passer la frontière, ils sont arrêtés et transférés dans un village. Ils vont y subir de plein fouet la violence du nouveau régime : les adultes travaillent dans les champs sans relâche tandis que les enfants apprennent à devenir des espions et à se méfier de leurs parents.
Pour être éduqués, ils doivent écouter inlassablement et sans donner leur avis, les chefs palabrer sur le nouveau Kampuchéa et comment ils doivent se comporter, le soir lors de réunions. Les villageois affamés sont maltraités, quelques fois sont très malades. Les adultes travaillent dans les champs sans relâche où des haut-parleurs crachent à longueur de journée des messages des grands chefs khmers. La vie quotidienne est régie par l’Angkar : leurs besoins matériels, leurs besoins primaires, leurs repas et jusqu’aux protocoles médicaux. Les enfants reçoivent des cours sur la famille idéale et apprennent même à devenir des espions au service des chefs de camp. Khim, le père, essaie même de mettre en place un plan d’évasion, mais celui-ci échoue parce que ses potentiels compagnons de fuite le dénoncent.
L’année du lièvre est la première bande dessinée du cambodgien Tian, né en 1975 et dont la famille fuit le régime khmer pour Paris en 1980. Le récit fort et sensible qu’il met en scène est directement tiré des témoignages de ses proches. Ce document tout en finesse sur un sujet pourtant effrayant est porté par la tendresse qu’il éprouve pour ses proches.
- L’année du lièvre, tome 2 : Ne vous inquiétez pas
- Auteur : Tian
- Editeur: Gallimard
- Prix: 17.25 €
- Sortie: juin 2013
Fenêtres sur rue :
le petit théâtre de papier de Rabaté
Trois coups retentissent… Une pièce sans paroles en dix matinées, dix soirées et un décor… Le rideau se lève sur un petit théâtre de papier, brillant hommage ludique et insolite au film d’Alfred Hitchcock, Fenêtre sur cour. Si une fenêtre est une ouverture qui permet d’assurer l’aération et la lumière, elle permet aussi d’assurer la vue… Vue sur d’autres fenêtres derrière lesquelles se déroulent des histoires de couples, des histoires d’amour, de séparation, de tromperie, et pourquoi pas des histoires de meurtre.
Avec Fenêtres sur rue, le lecteur est invité à jouer sa propre partition, à laisser vagabonder son imagination. Il lui suffit de découper les acteurs de ce théâtre si original, de plier les socles, de faire la même chose avec le décor, insérer ces socles dans les fentes prévues et enfin de créer son histoire.
Par ce bel objet, Pascal Rabaté révèle une nouvelle facette de son immense talent, celle de conteur d’images. L’auteur magnifie cet album par ses dessins en couleurs directes.
- Fenêtres sur rue
- Auteur : Pascal Rabaté
- Editeur: Soleil, collection Noctambule
- Prix: 18,95
- Sortie: août 2013
Winterworld : un récit post-apocalyptique
Parue initialement à la fin des années 80, WinterWorld est une mini-série créée par Chuck Dixon et mise en images par Jorge Zaffino. C’est la première édition en langue française de cette bande dessinée. Dans un futur sombre, sur la Terre glacée, l’humanité est menacée d’extinction. Un homme et une jeune fille tentent de survivre.
Dans le Futur. La Terre est recouverte entièrement de neige et de glace. La désolation est totale. Scully, un marchand sans morale, se rend dans un camp après être descendu de son véhicule armé. Accompagné de Rah, un blaireau apprivoisé, il tombe dans une embuscade et une bande de voleurs essaie de lui subtiliser sa marchandise. S’ensuit une bagarre, les malfrats s’enfuient mais Scully est blessé. Wynn, une jeune fille prisonnière des voleurs, soigne alors le blessé. Cette dernière veut partir avec le marchand. Réticent au départ, il accepte. En chemin, ils croisent la route d’esclavagistes qui les font prisonniers. Le duo improbable se bat au jour le jour pour déjouer les pièges du temps.
Le récit très efficace de Chuck Dixon n’a pas trop vieilli. Il se révèle sombre et très dense. La thématique de WinterWorld est très proche de l’excellente série Neige de Didier Convard et Gine, qui a connu en son temps un grand succès public. Le trait éblouissant et réaliste de Jorge Zaffino, décédé en 2002, est très abouti, il décuple avec émotion et subtilité la force du scénario. A noter que la suite de cette mini-série WinterSea est incluse en deuxième partie d’album.
- Winterworld
- Auteurs : Chuck Dixon et Jorge Zaffino
- Editeur: Delcourt
- Prix: 13,95 €
- Sortie: 3 juillet 2013
Cocotte Minou : quand les chats se vengent
Monsieur est parti de chez lui pendant 8 mois. A son retour, Madame a laissé un mot sur la table expliquant qu’elle-même était partie. Les trois chats du couple, Babar, Alfred et Caramel, sont délaissés par le mari, qu’ils surnomment Esclave. Privés de bienveillance, ils se déguisent en indiens, se révoltent et décident de partir pour une contrée moins hostile. La ville dans laquelle ils atterrissent est terrorisée par un monstre de l’espace. Pour Monsieur se fut la liberté, il était content du départ des félins. Madame, de retour, est témoin du kidnapping de Monsieur.
Chez les Editions Super Loto, les auteurs sont partie-prenante dans la conception du livre. Le livre est conçu en présence de l’auteur jusqu’à l’impression. Psychédélique, l’album, tirée à 500 exemplaires, permet à Bingo, Benjamin Ferré, de laisser libre cours à son imagination débordante. Réalisateur de clips et sérigraphe, il met tout son talent dans cette drôle d’histoire pourtant si cruelle.
- Cocotte Minou
- Auteur : Bingo
- Editeur: Super Loto
- Prix: 17 €