[Impressions] 2001 L’Odyssée de l’Espace – Voyage vers Jupiter et l’Infini des émotions

Par Neodandy @Mr_Esthete

2001 L’Odyssée de l’Espace n’est autre que l’un des piliers de l’œuvre cinématographique de Stanley Kubrick. Produit et réalisé en 1968, si le long-métrage connait une popularité rapide par le biais de critiques élogieuses, il est surtout en quelques mots "un film d’auteur". Le réalisateur pose les bases d’une fresque spatiale dans "l’ère" du temps tout en donnant naissance à une œuvre maitrisée de bout en bout. Cela se traduit par une collaboration réussie entre l’auteur Arthur C. Clarke (Auteur & Co-Scénariste) à la demande de Stanley Kubrick qui, à la base, a baigné dans cet univers d’interrogations et de nombre de mystères de la Science-Fiction de son temps : et si l’espace était notre prochaine conquête intellectuelle/culturelle et simplement de découvertes ?

Seulement, à cette idée et passion de l’Espace, la volonté d’un film qu’il a fallu concevoir en un peu plus de 3 années : l’impossibilité de faire un film banal; l’inconcevable de la série B ou du film tournant vers le grotesque. Preuve qu’hier comme aujourd’hui, Stanley Kubrick a laissé une création double : une Odyssée vieille de plus de 40 années surprenante par un aspect réaliste, de par sa dimension quasi "métaphysique" et philosophique. L’ultime voyage commence ici !

Réalisme avant-gardiste

Les "Impressions" n’auront jamais aussi bien portées leur nom. Pourquoi ? En raison de la nature même de 2001 L’Odyssée de l’Espace : une aventure interprétée librement par chaque téléspectateur; un voyage fait par ses acquis culturels et opinions mais, parmi cela, il reste un support qui a très bien vécu ses années de vieillesse. En comparaison par exemple à Orange Mécanique, qui ressemble davantage à un regard corrosif sur la société des années 1970 de par sa réalisation et non son propos, 2001 : L’Odyssée de l’Espace en serait presque "intemporel".

L’Aube de l’humanité n’est autre que l’un des quatre séquencements du film. Jugée extrêmement longue par certains contemporains, (Elle fut, en outre, raccourcie dans la version définitive.) cette ouverture du film fait la part belle à nos amis les singes. Ils s’agitent, se défendent, connaissent vraisemblablement la peur …  (Cf. Scène de pluie & de foudre) Dans une pure conception Evolutionniste, ils survivent en l’emportant sur les plus faibles; en faisant preuve également d’une intelligence. Cette séquence, en dehors des quelques cris émis, est muette. Observateurs, nous cherchons le pourquoi du comment, à la quête des premiers indices, des premières paroles.

L’outil : la clef de voûte de la compréhension ?

A l’image de l’ensemble du long-métrage, l’œuvre suggère ou laisse le spectateur s’arranger avec "sa" réalité en quelque sorte. Les dialogues sont peu nombreux ou, lorsqu’ils le sont, apparaissent par leur futilité. Choix tout à fait assumé qui permet un peu plus à l’histoire et à la trame scénaristique de prendre de l’épaisseur et, paradoxalement, nous interroger un peu plus sur le fond implicite de 2001 L’Odyssée de l’Espace. Le Cinéma nous surprend et nous surprendra encore par sa faculté à "captiver" mais surtout par son association de technologies qui, lorsqu’elle est réussie, donne lieu à un spectacle digne.

Il y a plus de 40 ans, Stanley Kubrick a relevé haut la main un défi des plus ardus : donner non pas seulement une dimension réaliste à sa production mais à faire du "mieux possible", jouer de "l’excellence pour l’excellence" afin d’insuffler une tonalité incroyablement moderne. Vous aurez beau scruter les premières scènes, et quelques archives le confirmeront, quelques astuces de "Projection frontale" ont permis à Kubrick d’utiliser un cadre naturel aperçu en Afrique pour la pureté de ces rochers. (Cf. Premières scènes avec les primates.) La plupart des scènes ont été tournées grâce à du bon sens et ce … Bien avant Star Wars IV (1977). Maquettes ultra-détaillées pour les vaisseaux spatiaux; fonds noirs en velours pour fixer l’idée d’un espace silencieux et presque "anxiogène". Cette recette "simple" sur le papier, assez complexe à mettre en œuvre, marche. Elle nous émerveille encore, donnant le ton de scènes qui n’ont clairement pas à pâlir de certaines productions modernes. Comme si la qualité d’un film restait indifférent au temps qui passe, ou simplement le fruit d’une réussite.

Le Futur de l’Homme par Kubrick

De la nuit des temps où le singe fit usage d’un os-outil – preuve de son intelligence – pour sa défense et assurer sa survie; un étrange monolithe au cœur de la synopsis est source de toutes les attentions. Il est aussi la première marque de curiosité de l’animal, autre preuve d’une forme de supériorité par rapport à d’autres espèces. Cette "pierre" aux formes parfaites et à la robe noire n’est qu’on ne peut plus centrale à l’ensemble des "héros" perçus dans le long-métrage. Objet de culte pour l’animal; fascination/attirance/convoitise de savoir pour l’Homme que l’on découvre selon une Ellipse inexpliquée et assez inédite de millions d’années. 20 minutes muettes constituées par nos primates laisse place à un nouvel horizon et à l’homme. Maitre, pense-t-il, de ce qu’il est, le voilà projeté dans l’espace.

Un vide spatial constitué avec un souci du détail à la fois aussi primaire que fondamental (Eh oui ! Les bruits Laser de Star Wars sont impossibles dans l’espace !) au(x) propos sous-tendus par 2001 : L’Odyssée de l’Espace. Stanley Kubrick ne porte pas là seulement un bébé qui pèse près de 12 millions de Dollars pour l’époque : il propose aussi une vision incroyablement plausible de la vie spatiale. A commencer par ce vide sidéral qui, s’il n’est pas comblé par une Bande-Son de style classique (Ainsi parlait Zarathoustra, Le Beau Danube bleu entre autres) afin de souligner les mouvements en apparence très lents de vaisseaux de transport, laisse l’Homme face à peu de choses. L’Odyssée de l’Espace est à de nombreuses reprises quelque chose d’assez personnel, où les mots peinent à synthétiser le ressenti exact; mais sachez que les quelques scènes où la seule respiration d’un être dans un univers rendu quasi infini est d’une drôle de prouesse : singulière mais parfaitement amenée.

Cette Odyssée apparait comme un essai qui se module à la sensibilité et au regard de chacun. Toute comparaison avec l’Odyssée d’Homère n’est pas si fortuite que cela et les deux se valent à merveille. Alors que la Grèce d’Autrefois comblait le manque de connaissances de la Mer qui apparaissait infinie et insondable par de nombreux mythes; le futur de l’Homme apparait comme une conquête spatiale à l’image d’un "océan d’étoiles" à sonder. A connaitre; mais surtout à atteindre. Du début à la fin, un propos Scientifique sous-tend l’ensemble du film. Différentes sources et assistants de Stanley Kubrick rapportent de nombreux entretiens avec les spécialistes respectifs dans leurs domaines : Margaret Mead (Anthropologie); Ormond G. Mitchell (Hibernation au niveau cellulaire) etc.

Est-il seulement question d’une pierre aux formes parfaites ?

Pour autant, malgré la réalité Scientifique voulue, difficile d’expliquer ce qui n’adviendra … Peut-être qu’un jour. Difficile également de saisir la scientificité d’un tel artefact tout comme la scène finale démontrant une forme "d’évolution humaine". Une part très grande entre la scientificité des faits, très appréciables et abordables pour réalisation de cette envergure et l’ensemble de la part métaphorique et métaphysique. 2001 L’Odyssée de l’Espace s’illustre comme un essai où le réalisme invite le spectateur à sentir lui-même d’autres thèmes : inquiétants (La machine apte à dépasser l’Homme en volonté et en savoir-faire : HAL le Cerveau/Robot du Vaisseau de Dave Bowman) ; voire comme un retour d’une forme d’animalité (Omniprésence de la mort dans le film) ou d’une forme de "régression intellectuelle" dans sa manière d’aborder les choses (Sentiment que l’Homme n’a pas le même intérêt que le primate face au Monolithe) ou encore de l’incompréhension de ce qu’il est et de son Histoire et, ainsi, la répétition de ses erreurs (Verre brisé à la fin ? Meurtre de l’Homme en parallèle à l’animal tué au début du film par le primate ?  )

HAL n’est autre que cette forme rectangulaire à forme ronde et rouge. Une Intelligence Artificielle stupéfiante … Inventée par l’Homme.

A la manière de Lolita de Stanley Kubrick qui a du jouer et contourner les furies des censeurs mais qui a permis à l’œuvre cinématographique de jouir d’une élégance scénaristique intéressante par les non-dits, 2001 : L’Odyssée de l’Espace compte également sur la réflexion quasi constante du spectateur pour comprendre l’indicible. A aucun moment, HAL ne qualifiera ses actes (Alors qu’il semble doué d’émotions et d’une intelligence intuitive.) ni Dave Bowman, l’astronaute que l’on retrouve dans les parties 3 & 4 du film. Intelligence artificielle qui n’est pas sans être un miroir effrayant de ce que peut être l’Homme : il est sa chose, il est un outil, mais il dispose d’une réflexion qui lui permet aisément d’être représenté comme un Titan mental à ce détail près que son seul domaine d’intervention reste également des "plates-bandes" humaines : un vaisseau; une capsule … Tiens tiens. Cette forme rondouillette, semblable à un œil … Cela ne vous fait pas penser à un certain Cyclope dans L’Odyssée d’Homère ?

Dans son long-métrage, Kubrick cristallise tellement de thèmes; suggère avec une cohérence qui ne se perd pas dans de sombres explications (Le Spectateur plutôt, pourrait sombrer dans la folie pour interpréter de nombreuses scènes dont "Beyond Jupiter & Infinite") qu’elle est à la fois une réalisation du grand public qui s’est jouée d’une certaine "Spatiomania", (Essais de la NASA, Guerre Froide & Rivalité avec l’URSS, Nombreux essais spatiaux avant 1969 etc …) tout en étant une œuvre que l’on sent intime et poétique. Si le spectacle visuel final de la partie "Beyond Jupiter & Infinite" pourrait faire sourire et faire penser à des scènes filmées sous une caméra en pleine saturation de décors naturels, elle n’en reste pas moins au moins aussi parlante émotivement mais aussi par sa force à interroger de nouveau le spectateur.

Cette fresque spatiale – fictive – n’en reste pas moins excellente par son scénario et un accompagnement musical somme toute séduisant. Que dire de la manière de filmer si ce n’est qu’elle est au moins aussi intime et déroutante que son scénario ? (Cf. Scène finale) Alors que Dave Bowman respire et la caméra reste cloisonnée dans la fameuse "capsule"; l’outil de tournage se déplace aléatoirement pour suivre un personnage "énigmatique". (Impossible d’en dire davantage sans entraver une forme de révélation …) Que rajouter à propos des prises de caméra somptueuses ? (Cf. Reflets des flashs lumineux sur le casque d’astronaute de Dave Bowman) Simplement qu’une œuvre maitrisée s’adresse peut-être au moins autant aux émotions; qu’à la sensibilité de chacun; laisse place à un libre-arbitre interprétatif et laisse le spectateur face à un spectacle qui, jusqu’en 1968, fut inédit. D’ailleurs, si le support est indéniablement et qualitativement élevé, ces impressions ne sont que le fruit d’émotions. Qu’elles peuvent être négatives voire positives, je parierai aisément sur l’impossibilité de rester indifférent face à une telle réalisation qui, en comptant les années qui nous sépare, reste abasourdissante.

Certains décors sont simplement stupéfiants par leur degré d’imagination et d’interprétation …

On serait gêné, sur le Blog La Maison Musée, à attribuer une note fixe et parfois impersonnelle concernant 2001 L’Odyssée de l’Espace. Tant le film s’esquisse comme une aventure assez ample, (Durée du film : Plus de 2h00 !) dont les thèmes peuvent être au moins aussi nombreux que le permet votre imagination; là où un film de cette envergure s’illustre encore par des effets spéciaux convaincants.

On a aimé :

- Une écriture à la fois littéraire, suggérée et très interprétative.
- Un ensemble qui a extrêmement bien vieilli : visuellement et dans sa manière de "représenter" les choses. (Vaisseaux; décors; effets spéciaux …)
- Un film "d’auteur" grand public, à gros budget, (Pour l’époque comme pour aujourd’hui) qui reste moderne et de qualité.
- L’élégance de certains dialogues et de la manière même filmer.
- Un scénario "classique" alimenté l’émotion, l’interprétation.
- Un concept (Rationnel ?) de "Divinité" : ce que l’homme représente pour l’échelle microscopique; le Monolithe représente une forme supérieure à l’Homme.

On a détesté :

- Des dialogues parfois très futiles. (Mais utiles aux propos de l’œuvre.)
- Un début qui peut apparaitre long et lent à se lancer. (Il fut, de mémoire, tronqué de plusieurs minutes.)
- Dave Bowman et sa capsule : comment peut-il l’avoir quittée et être dedans ?! (Scène finale)