Chantal soufflait dans le nez de l’avion
qui nous ramenait de Montréal il y a deux mercredis. Rien de trop décoiffant
pour Haïti heureusement. Le retour à la maison est toujours le même : Souhaité et
déprimé. Souhaité parce que du Québec où la vie est propre et rangée, on s’ennuie
de l’indomptée vie haïtienne. Déprimé parce qu’en mettant les pieds en Haïti,
on croise rapidement ces camps oubliés où s’entassent des milliers d’oubliés
(encore près de 320 000 personnes dans les camps selon le dernier rapport
d’OCCHA, juin 2013) de ce pays tout autant oublié qu'amnésique. Je n’avais pas suivi les nouvelles d’ici
à partir de Montréal, décrochage oblige. On se fait toutefois rapidement
rattraper. En premier lieu, l’ambassadeur canadien qui prend la parole pour rappeler
aux haïtiens que l’échéance électorale (le tiers du sénat et les municipales)
est toujours fixée pour 2013, et que si les choses ne bougent pas d’ci la fin
du mois de juillet, la possibilité ‘matérielle’ de tenir cette consultation (il
faut appeler un chat un chat !) avant 2014 est nulle. Le Canada assumerait le
tiers des dépenses de la prochaine élection selon les informations glanées
auprès de collègues ‘canadians’. On n’a pas entendu la menace, mais on pouvait
la sentir … On avait surtout le sentiment que l’ambassadeur canadien avait été
envoyé en mission commandée par les autres acteurs de la communauté
internationale. L’élection étant comprise comme une dimension essentielle d’une
structure constitutionnelle fragile et à risque de s’écrouler, on tente de
faire comprendre à ceux qui ont de l’influence dans ce processus qu’il y a eu
assez d’effondrements en Haïti, il serait peut-être préférable d’éviter
celui-ci. De plus, cette situation pousse actuellement plusieurs acteurs internationaux à retenir leurs engagements et dans la mesure où 'il faut décaisser', ça commence à poser des contraintes internes. L’autre grande nouvelle des derniers jours est le
décès d’un juge qui enquêtait sur de présumés magouilles de la femme et d’un
fils du président. Cette enquête du juge a suivi la plainte de corruption déposée par un citoyen contre les deux Martelly. Dans
ce dossier encore une fois, impossible de savoir qui dit la vérité et son inverse,
qui ment. C’est un constat après près de 5 ans à naviguer dans l’étang
haïtien : tout, et vraiment tout, demeure insaisissable. Au début du mois de
juillet, le juge avait annoncé son intention de convoquer le premier ministre
et quelques ministres pour les interroger. Des proches du juge mort dans la
nuit de samedi à dimanche (un AVC selon la direction de l’hôpital) affirment
que ce dernier se serait plaint de fortes pressions de la part de l’exécutif et
du gouvernement afin qu’il laisse tomber son enquête. Ces pressions auraient
culminé jeudi dernier dans une rencontre avec entre le juge, le PM, le
président et quelques autres autorités du monde juridique. Du côté de
l’exécutif et du gouvernement, on mentionne que cette fameuse rencontre n’a
jamais eu lieu et aucune pression n’a été faite à l’encontre du juge. Les proches du juge persistent et le parlement enquêtera sur l'affaire. Une mort
donc qui demeure suspecte (le juge en question n’aurait pas eu de problème de
santé préalable à un ACV selon certaines sources) mais qui devrait alimenter le
monde politique pour les prochaines semaines. Et puis aujourd’hui, des Protestants réunissent des milliers de personnes pour dire au gouvernement de
ne pas mettre son nez dans le dossier du mariage pour conjoints du même sexe…
Depuis quelques semaines, le dossier de l’homosexualité en Haïti (une
homosexualité cachée sauf pour les ‘grandes folles’ qui font partie du folklore
de plusieurs grandes fêtes) surgit ça et là dans les médias. Je pose
l’hypothèse que c’est un contrecoup du débat houleux qui a eu lieu en France parce qu'ici, absolument rien n’indique que l’agenda politique fera une place à ce dossier pour les prochaines années. Mais il faut dire que dans un pays où l'un des sports nationaux est de se perdre dans de longs débats inutiles ... On parlera des élections plus tard !