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Le langage de Stanley Greaves par Suzanne Lampla

Publié le 19 juillet 2013 par Aicasc @aica_sc

Une approche du travail de Greaves peut se bâtir autour du langage, du « pun » ou jeu de mot. Greaves nous rappelle qu’il manie le sarcasme et le l’ironie, la satire sociale est souvent présente dans son œuvre.

Le double sens est un des moyens favoris de Greaves qui ajoute le texte à l’élément pictural. Aucun titre n’est innocent. Ainsi le tableau intitulé Couple qui représente un cadenas et une clé, à l’évidence symboles féminin/masculin offre une lecture critique du mariage puisque si   le cadenas se traduit par  padlock, le lien du mariage se dit wedlock. On retrouve donc l’idée d’enchaînement, d’absence de liberté.

 Banana Manna, cela peut être une référence à la  manne, la manne qui nourrit, une référence à la Bible, comme dans de nombreux autres titres. Mais on peut aussi le lire  de manière elliptique  « Banana man » comme Soup Man ou  Bread man,  deux autres tableaux de la même série .  On peut aussi faire le rapprochement avec d’autres éléments, le poisson, le pain. L’expression « Donnez-nous notre pain quotidien » est illustrée dans le tableau Political Hero (2000).

Stanley Greaves  Party Political Broadcast

Stanley Greaves
Party Political Broadcast

Dans certains titres,  les mots sont inversés comme , Party Political Broadcast, s’agit-il de « diffusion politique du parti », ou de « diffusion du parti politique » ? D’ailleurs tous les éléments sont déconcertants : le chien est en équilibre sur les lignes électriques, justement celles qui permettent la transmission, et il porte une cravate, aspect qui débouche sur de nombreuses interprétations. De plus, cette fois-ci c’est le chien marron, on sait que Greaves peint l’animal soit en noir, soit en blanc ou en marron, pour illustrer les différentes communautés de la Caraïbe, et aussi pour dénoncer le racisme.

Dans la série Caribbean Family, le texte est  intégré au tableau.  Les surnoms sont inscrits sous le portrait  des personnages. Mr Fixx, bricoler en anglais, situe bien le personnage, le débrouillard. Mrs Plaits, la tresse de cheveux métamorphosée en pain natté pour insister sur la fonction nourricière de la mère caribéenne.

Stanley Greaves Mrs Plaits

Stanley Greaves
Mrs Plaits

Le personnage caribéen est au centre de l’œuvre de Greaves. Il est déjà présent dans la série de 1983, Caribbean Man. Il n’y a pas d’individualisation du portait. c’est un type humain .Pas de traits caractéristiques, juste l’essentiel, parfois ce n’est qu’une silhouette. L’objet, par contre, a une double fonction, une fonction visuelle d’abord, la représentation est méticuleuse, précise. Ensuite, il est porteur de sens.

Cela nous permet d’aborder un autre élément visuel, le chien. Ne disons-nous pas « Attention Chien méchant », ou encore «  Chien fidèle » ? Victime ou prédateur, le chien, pour Greaves est le personnage de l’électeur, ou le personnage du candidat, soit en embuscade, soit dans une situation comique, soit regroupé en meute avec d’autres pour évoquer la masse, les citoyens. L’expression « dog eat dog mentality » renvoie à notre expression « l’homme est un loup pour l’homme ». Des expressions familières utilisées dans le quotidien, et qui nous rappellent que Greaves est un peintre de la vie quotidienne, de l’environnement caribéen, et que ses thèmes favoris sont la politique et l’identité caribéenne.

L’œuvre de Greaves est un ensemble composite et très riche, voire pléthorique, qui permet de multiples lectures. Son travail est le plus représentatif de la culture caribéenne, en ce sens qu’il est accessible aux anglophones et non anglophones, aux caribéens et aux non caribéens. L’artiste établit une connivence, une complicité avec son public.


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