« La plus gigantesque exposition commerciale
itinérante », écrit-il. « Le plus grand musée à ciel ouvert de la
France historique et touristique » ! Tout n’est plus qu’une question de
fric, de rendement et de rayonnement. Au point qu’aujourd’hui les VIP, les
invités et les sponsors sont plus nombreux et plus importants que les
journalistes, relégués, eux, toujours plus loin du théâtre des opérations.
Et les
coureurs, s’ils n’étaient plus que le prétexte de ce grand barnum qui sert à
remplir les caisses d’ASO ? Plus de 30 millions d’euros de bénéfice annuel
après impôts ces dernières saisons ! Qu’importe les nombreuses affaires,
les nombreux scandales qui ont émaillé les décennies 1990-2000, le Tour est
toujours debout, bien présent dans la culture populaire et familiale (Amaury)
ainsi que dans celle des « anciens » qui vivent de leurs seuls souvenirs.
Si certains « Géants» ont pris leurs distances depuis quelques saisons, la plupart accourrent toujours à l’appel des organisateurs, même à leurs frais lorsqu’il s’agit de fêter l’événement, comme cette année. Un appel à tous ceux qui ont mis une fois un dossard et ont bouclé le Tour, vainqueurs ou non, anonymes ou pas. Les services d’ASO en ont répertorié quelque cinq cents encore vivants dans l’Hexagone qui ont été invités à se rendre à Paris pour l’arrivée de cette édition historique.
A eux de se débrouiller pour rejoindre la capitale. Pour le déplacement, ASO a sollicité tous les départements. On a même fait appel aux présidents des Conseils généraux en espérant qu’ils jouent le jeu et prennent en charge sur les deniers publics le transport de leur régionaux vers les Champs Elysées. Une façon de faire croire plus que jamais à la France profonde que le Tour lui appartient et que c’est à elle d’assumer la dépense…
Des invités payants en quelque sorte, pour un formidable coup publicitaire dont ils ne tireront rien personnellement, si ce n’est une grande fierté et une photo géante. Ils seront accueillis dans l’une des tribunes officielles, avec buffet retrouvailles et protocole. Hommage leur sera rendu mais pas question d’être défrayés. Les services d’ASO, dit-on, veulent bien s’occuper de l’hébergement à l’hôtel, mais il n’est pas précisé qui paiera. On recommande plutôt de s’organiser avec des amis ou des connaissances pour éventuellement loger chez l’habitant et soulager le budget…
Rien n’est dit à propos des épouses. Visiblement elles sont priées de suivre tout cela de loin. Belle marque d’estime de la part d’une société qui brasse des centaines de millions et fait son beurre, depuis 1903, sur la sueur et les exploits des « Forçats de la route », aujourd’hui réduits à faire de la figuration pour un spectacle qui tient plus du carnaval que de la course cycliste.
Bertrand Duboux