13 juillet 2013
Festival d'Avignon
Théâtre du roi René, Avignon
Durant le festival, Avignon est une ville de cartons. Ses rues, elles, sont tapissées de promesses en papiers... Artistes in dans les petits-papiers des uns et petits papiers des artistes off dans les mains des autres. Au milieu de ses murs de papier et de ses poupées de chiffons, plusieurs sortes de combat se mènent : c'est à celui qui couvrira le plus de mètres de ses affiches ou distribuera le plus de tracts, il y a aussi cette lutte de celui qui fera le plus de bruit dans le-bouche-à-oreille du public et aura de grandes chances de vendre son spectacle et de l'emmener vers une autre ville de papier. Le perdant n'en sera que plus chiffonné ; enfin... autant que ses tracts le seront sûrement.
Bref dans ce dédale de papier, pour s'en sortir, il faut un spectacle en béton.
Alors qu'attendre d'un diamant brut, sinon un spectacle brillant. Et c'est ce qu'est Valises Blues et bien plus encore.
Mêler textes écrits et joués avec des reprises blues en acoustique était une très bonne idée. Et le résultat est simplement génial. De l'utilisation du lieu, de son acoustique, d'un choix de mise en espace et en lumière très épuré, de la variété des percussions parfaitement cohérente avec le choix des titres repris, tout est impeccable. Et que dire de la voix de Benjamin Siksou, grave et résonnante dans ce site incroyable dés les premières notes de John The Revelator ou quand elle semble se casser volontairement lorsque le spleen culmine.
Benjamin Siksou - John The Revelator (Eddie James "Son" House) a cappella @Valises Blues
Oui, le blues colle à la peau de Benjamin et lui va comme un gant. Reprenant Elmore James ou le Me and the devil blues de Robert Jonhson, le Saint James Infirmary de Louis Armstrong, (Oh, comme j'ai besoin de réentendre le Lonely avenue de Ray Charles) ou encore Love in vain de Robert Johnson, Benjamin nous fait voyager dans l'histoire du blues.
Le long de ce voyage, les arrangements changent. Joseph Robinne et Peter Corser sont largement mis à contribution, créant une ambiance musicale presque différente à chaque fois. Multi-intrumentistes, vous pourrez observer l'étendue de leurs talents à chaque fois qu'ils changent d'instruments : piano, percussions et accordéon pour Joseph et saxophone, clarinette, harmonica, percussions et aussi valises... pour Peter.
La valise est là pour vous embarquer, elle symbolise le voyage... Mais c'est aussi un morceau du décor, un personnage et un instrument. C'est la valise de Robert Johnson qui attend au carrefour de sa vie avant qu'il ne vende son âme au diable pour savoir jouer de la guitare, selon la légende. La valise, c'est celle que l'on fait quand on part... quand on quitte l'être jadis aimé, thème récurrent du blues. Elle représente l'errance au propre comme le sentiment dont le blues s'abreuve.
Et quand le personnage de Benjamin joue de la valise, c'est pour évacuer sa tristesse, quand il s'asseoit sur sa valise ; c'est pour exprimer sa nostalgie, quand il
ferme sa valise ; c'est pour dire adieu...
Attentif, le public n'exhalait pas un murmure dés le début de la reprise toute en douceur de Sometimes I feel like a motherless child et quand il changea de rythme pour chanter the Freedom de Richie Havens, il semblait que tous les cœurs présents se mirent à battre à l'unisson. Benjamin à la guitare et Peter à la clarinette paraissaient en transe et nous étions hypnotisés.
Cette impression de grâce fut, à la fin, à la fois confirmée et interrompue par les applaudissements à tout rompre de la salle. Les bravos se poursuivirent le temps
que Benjamin, Joseph et Peter
saluent et bien après. A mesure, qu'ils quittaient l'ancienne chapelle, les spectateurs s'extasiaient... Comme ce fan, à côté de moi : "C'était génial!", cette femme qui disait à son
compagnon : "Tu vois, je t'avais bien dit que c'était super." ou encore cet anglophone qui exprimait haut et fort qu'il aurait souhaité que ça dure "... one more hour!" (n'ayant pas regardé ma montre une seule fois, je serai bien incapable de vous dire précisément la durée du spectacle ; peut-être une heure et quart... Un heure de plus aurait
été tout à fait appréciable...)
Benjamin Siksou - Saint James infirmary (Traditionnel ; Louis Armstrong) @Valises Blues
En sortant de ce spectacle, j'étais motivée et décidée à faire de mon mieux pour écrire un excellent compte-rendu, un debrief à la hauteur du spectacle. Mais ce compte-rendu a été particulièrement difficile à écrire ; premièrement parce que trouver les mots justes et suffisamment puissants pour retranscrire comment le reste du public et moi-même avons été touchés par le spectacle a été un travail de longue haleine. Deuxièmement, des circonstances totalement extérieures au spectacle et à Benjamin m'ont détournée de ma tâche...
Le lendemain, je suis donc repartie avec des souvenirs plein la tête, ma valise et mon blues.
J'espère seulement vous avoir fait comprendre comment il est urgent et indispensable que vous voyez le spectacle "Valises blues", que vous soyez fan ou non de Benjamin...
Crédits photographiques : MademoiselleMV
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