«Sous certaines latitudes, pendant un certain laps de temps à l’approche et au lendemain du solstice d’été, quelques semaines en tout, les crépuscules rallongent et bleuissent».
L’auteur, terrassée par la mort de son époux d’abord et ensuite de sa fille adoptive nous livre ses douleurs à travers deux romans poignants… Je n’ai hélas pas lu le premier.
Le bleu de la nuit est un témoignage en sourdine, une sorte de sépulture de mots bâtie pour inviter à la méditation, la prière. Avancer coûte que coûte, éviter de se laisser aspirer vers le vide, la désespérance, se laisser porter par l’écriture pour que les mots se transforment en étoiles, rechercher dans ce ciel désolé un liseré d’azur, tel est le cheminement de la pensée de l’auteur.
Le lecteur est ému par ce requiem qui résonne en écho dans le cœur comme un chant d’espoir. Jamais il n’est question de fléchir ni de larmoyer puisque l’auteur approche la mort avec pudeur et nous dit les blessures de son âme avec grâce, sans jamais implorer la compassion. L’émotion et la sensibilité sont omniprésentes tandis qu’elle affronte avec subtilité l’injustice de la perte d’un enfant, sa fille chérie, en se fixant comme seul objectif de contempler le ciel pour la voir revivre fût-ce un instant.Et tandis que la nuit étreint le jour, l’auteur se livre à la médiation et se laisse doucement guider par cette lumière bleutée y trouvant un repère, l’essentiel message qu’elle garde cloisonné dans son cœur et sa mémoire.
Le récit d’une vie déchirée, donné avec sincérité et force mais qui ressemble parfois à une chronique d’ombre et de lumière. L’écriture est spontanée, juste, rythmée. De chaque page émanent des senteurs de fleurs délicates mais aussi de bois mort.
Le roman est jalonné d’événements tous aussi graves les uns que les autres. L’auteur aborde tout de go le thème de la vieillesse dont elle redoute les effets désastreux, l’adoption, la maladie et la mort.
Avec finesse et témérité, elle fait le compte à rebours de ses souvenirs, se remémore les bonheurs d’antan et elle fait fi de cette mort qui la guette et l’attend au détour du chemin.
Belle et si triste pourtant que cette immixtion dans une mémoire détruite au marteau-piqueur…
Le bleu de la nuit de Joan Didion, éditions Grasset
Date de parution : 09/01/2013