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Un anthropologue chez les Pygmées

Publié le 18 juillet 2013 par Christophefaurie
Il a vingt ans et une licence d’ethnologie. Eric Minnaert arrive chez les Pygmées Aka. Il doit y mener une étude. Son sujet : comprendre comment les groupes interagissent dans leur déplacement en forêt. « Un thème à la mode, à l’époque. »
Il est aux portes d’un campement. Il plante sa tente. Les habitants sont partis à la chasse. En gage d’intentions pacifiques, il dépose au pied de chaque hutte un peu de sel iodé. Il est accueilli sans animosité. Mais comment se nourrir ? Il ne sait pas chasser. La communauté lui apporte de temps à autres de la nourriture. Mais, il le comprendra plus tard, elle pense que nourrir quelqu’un est l’insulter. Une solution émerge. Participer à la chasse. Ainsi au moins, l’illusion de son utilité peut être entretenue. « J’étais le poids mort du groupe. Mais une source d’amusement. »
Eric découvre alors « la jubilation de la vie ». « Ils sont toujours en train de se marrer ». Les Pygmées cultivent « une forme de détachement », « un humour à l’anglaise ». « Ils ne sont jamais tristes ou inquiets ». Ils ont construit un monde dans lequel « tout s’explique ». Ils ont évacué ce qui terrorise l’Occidental. Par exemple, « la mort appartient au quotidien ». « On meurt, mais on est bien ». L’ontologie du Pygmée est différente de la nôtre. Il est animiste. Il appartient « au grand tout ». Un monde « apaisé ». Car la forêt lui apporte ce dont il a besoin. « Tu veux quelque-chose ? Va en forêt. » « Chaque matin, tout le monde se lève. Le leadership se révèle. Celui qui sent le mieux l’esprit de la forêt mène la chasse. » Quand elle ne donnait rien, « on crachait dans le filet ». Et ça marchait. Mais la forêt est surtout une sorte d’être. « Ils ne voient pas le ciel. » « On est dans quelque-chose d’organique », « on est dans le pourrissement, on a le sentiment d’être pourrissants, mais leurs corps résistent au pourrissement ». Cet être est fait de petits groupes, hommes ou animaux. Ils vivent sans se rencontrer. Mais comment parviennent-ils à se coordonner ?
« On sait qu’ils ont refusé la métallurgie. Le changement aurait créé le désordre. » Depuis plusieurs milliers d’années, ce monde est immobile car cyclique. Plus pour longtemps. « Leur disparition a eu lieu. Ils étaient incapables de se défendre, incapables de violence. »
« On faisait des marches de plusieurs jours, on allait aux quatre coins de la forêt, on s’asseyait, on écoutait, les pelleteuses, les camions. » « Il ne se passait rien, on repartait. » « Quelques jours plus tard, on refaisait pareil. » « Pourquoi me détruisez-vous ? » Voilà ce que ces marches signifiaient. Mais Eric ne l’a pas entendu. Plus tard, il comprend. C’est la brouille avec l’anthropologie traditionnelle. « Je vais collecter de l’information, je reviens, je traite, je prends un grade. Toute une vie de concepts. Je fais carrière. » Il veut une anthropologie qui entende les appels à l’aide des groupes humains, et qui agisse. 

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