S’il est des expositions qui requièrent un effort pour entrer dans l’univers d’un artiste, dans l’argument d’un commissaire d’exposition, il en est d’autres qui s’offrent immédiatement à une promenade aisée, ludique. L’exposition Roy Lichtenstein au Centre Pompidou à Paris appartient assurément à cette deuxième catégorie.
Comics
Cet artiste historique du Pop-art américain a estampillé son œuvre avec le trait de la bande dessinée pour en faire un fil conducteur incontournable. Quand bien même le peintre a eu une période de jeunesse caractérisée par la figuration puis l’expressionnisme abstrait, c’est bien, en 1961, ce « Look Mickey » qui décide du début d’une œuvre à succès et à ses développements.Certes les objets manufacturés en noir et blanc sur fond neutre auront leur importance. La roue de voiture de Lichtenstein influencera en Europe un Peter Stampli qui en fera le point de départ de son œuvre.
Mais les images des comics américains donnent le ton de son œuvre à venir. Le succès de l'artiste est immédiat. Tous les tableaux sont achetés par des collectionneurs avant même que sa toute première exposition personnelle chez Castelli soit inaugurée. Le succès de Lichtenstein, dans ces années soixante, lui fait même habiller les couvertures des grands médias de presse écrite.Et c’est le graphisme de ces dessins « industriels » que le peintre va approfondir, pour conforter son style propre.
La marque Lichtenstein
Au-delà d’un style, cette facture Lichtenstein devient un genre, voire une marque. Il s'agit bien d'un graphisme adopté par l'artiste comme signe de reconnaissance, identifiant dans la durée son œuvre. Mais, à la manière de l'imagerie marketing, du packaging, de l'habillage publicitaire personnalisé, le trait de Lichtenstein s'apparente lui-même à une marque commerciale. A partir de ce résultat, tout regard sur le monde, sur l'art se transforme en Lichtenstein. Et cette marque devient celle du pop-art lui-même, reprise à l'envi dans la presse.
Peut-être dans un besoin de légitimation de son art puisé dans la culture populaire des comics, Lichtenstein a revisité l’art de son temps à travers cette grille personnelle. Il y aura les Picasso de Lichtenstein, les Mondrian de Lichtenstein, les Cézanne de Lichtenstein. Cette relecture infatigable de l’histoire de l’art passe par Matisse, Léger, Brancusi ….. Rien n'échappe à la facture Lichtenstein, pas même le trait du pinceau qui se transforme en image. Puis cette image accède à la troisième dimension, devient objet et se transforme en sculpture.
Brushstrokes Roy Lichenstein
L’exposition du Centre Pompidou s’offre comme un parcours à la lecture aisée, aux références connues, où la tonalité colorée des œuvres donne à l’ensemble cet aspect ludique.
L' adéquation de l'oeuvre de Lichtenstein avec le pop-art américain dans sa connivence avec l'univers marchand, le trait accentué et coloré issu de la publicité, son immense succès, tout cela pourrait désigner l'artiste comme le maître incontesté de ce pop-art international. Mais l'histoire décidera autrement avec l'avènement d'un certain Andy Warhol. Ce dernier réalise en 1960 lui aussi ses premiers tableaux inspirés des comics, à la même période que Roy Lichtenstein. En 1962 Warhol participe avec le même Lichtenstein à une exposition majeure du Pop Art et du nom de "The New Realists" à New York. Mais, à la différence de Lichtenstein, Warhol saura se libérer de ce carcan graphique pour aborder d'autres territoires et donner à son oeuvre la position majeure qu'on lui connait.
Roy Lichtenstein
3 juillet- 4 novembre 2013
Centre Pompidou Paris