La devanture de la pâtisserie Jean Millet ne laisse pas présager qu'elle cache un traiteur-pâtissier d'exception. Elle se fond parmi les commerces de quartier. Çà l'est d'ailleurs aussi. Quand ils y ont gouté, les habitants y viennent déjeuner régulièrement. Mais la réputation déborde largement les rues avoisinantes. Ce n'est que légitime. Cela fait cinquante ans que cela dure ...
C'est une excellente adresse pour se restaurer après (ou avant) une visite au Quai Branly. La maison n'est fermé que le lundi. Ça tombe bien c'est aussi le jour de fermeture du musée.
On peut évidemment aussi emporter et dîner chez soi. De grâce, sortez alors la nappe blanche et l'argenterie, si vous en avez. Vous pourrez bluffer votre entourage en prétendant leur servir une cuisine élyséenne digne de Bernard Vaussion.
Par contre vous vous priverez d'un petit bonheur, le pain de Jean Luc Poujeran. Avec une farine non blanchie écrasée à la meule de pierre mélangée à une eau neutre sans odeur grâce à un "osmoseur" qui élimine le calcaire de l'eau et 97% du chlore. Sans oublier la pincée de sel de Guérande bio. Le boulanger prend le temps d'une double fermentation. Il a tenu boutique en voisin rue Jean Nicot. Aujourd'hui il ne fournit plus que les plus grands restaurants ... et Jean Millet.Une des spécialités est la Bouquetière de légumes en gelée, servie avec une vinaigrette très travaillée pour accorder les arômes avec les légumes. C'est un plat simple comme on en fait plus que dans les bonnes maisons.
Elle est jolie à regarder, divine à croquer. L'équilibre des couleurs et des goûts est remarquable. Navets, haricots verts, carottes, courgettes et brocolis sont rangés dans une feuille de chou frisé, maintenus par une fine gelée comme on n'en fait plus. Le chef n'emploie pas de la poudre de perlin pinpin. Il la prépare lui-même, comme tout ici d'ailleurs. Le Fond d'artichaut Saint-Fiacre est une ancienne recette que l'on redécouvre avec gourmandise : le légume accueille une duxelle de champignons accompagnée de crabe et d'un oeuf poché coulant sous une cape de sauce mousseline au cerfeuil.
Un plat comme cela nous embarque dans le Paris du début de siècle annonçant la sophistication des années folles. N'allez pas imaginer une cuisine lourde. Le chef a été "élevé" à l'époque où la "nouvelle" cuisine a été imposée par des chefs comme Michel Guérard. Le principe d'alléger les sauces et de diminuer les quantités de sucre ne date pas d'aujourd'hui. Mais il est vrai qu'on avait un peu oublié ces principes ... dans les espaces de restauration rapide où l'on vient se gaver. Sans savoir qu'on peut aussi manger ici relativement vite (ce serait un crime tout de même de ne pas prendre son temps quand c'est si bon).
Le pressé de rougets est savoureux. Le poisson y est généreux, joliment couché avec des tomates que le chef a fait sécher au four le temps qu'il fallait.
Puisqu'on parle du chef ... le voici qui sort quelques minutes de son royaume. Denis Ruffel est arrivé au 103 rue Saint Dominique trois ans après l'ouverture pour y effectuer son apprentissage.
Fort d'un CAP en pâtisserie, doublé d'un CAP en cuisine, il reste auprès de Jean Millet, le fondateur dont il apprend tout. Pour le positif disons que le "patron" a travaillé outre-atlantique, puis en France au Crillon et qu'il est Meilleur Ouvrier de France. Pour le négatif osons faire allusion à son caractère exigeant et intransigeant.C'est désormais en duo avec sa fille, Caroll Millet, que Denis Ruffel est aux commandes. Si elle a hérité de l'énergie paternelle, qui s'exprime dans une façon toute personnelle d'aller au devant des désirs de la clientèle, l'enthousiasme et la bonne humeur de Caroll sont hors du commun.Elle connait chacun des plats et des desserts comme si elle les avait fait. Elle en a d'ailleurs suggéré certains. On peut suivre ses recommandations les yeux fermés. Ou à demi, parce que les gâteaux sont bons et beaux à la fois.Je ne sais pas si les photos rendent compte de leur légèreté. Le chef tient à ce que le client puisse sans peine manger deux pièces plutôt qu'une et il met tout en oeuvre pour que ses gâteaux ne soient pas que sucre et calories. Rien ne lui fait davantage plaisir que de savoir qu'on se régale en dégustant ses créations tout en continuant à lorgner celles qui patientent en vitrine.
Nous allons commencer avec une création estivale de saison. La Chantilly mousseuse parfumée à la vanille du Vacherin Romanoff cache un coeur de meringue craquante, accompagnée de fraises fraiches. La démonstration est bluffante : la petite cuillère est levée, prête à tester l'Eclair aux framboises.Le chapeau est en pâte à choux tricotée (grâce à un mélange en tant pour tant de beurre-sucre-farine qui sera mélangé pour obtenir une couverture qui sera posée sur la pâte à chou et qui donnera après cuisson un aspect résille). La crème est une alliance de mascarpone et les framboises sont aussi bonnes que celles du jardin de ma grand-mère.On retrouve les framboises dans le Macaron où la douceur de l'amande est réveillée par une mousseline aérienne et acidulée citron-framboise. On pourrait poursuivre avec une Tarte au citron, un équilibre de douceur et d'acidité. Ou bien avec le Limoncello, jolie alliance de citron vert, lait d'amande et de framboises.La Fraicheur d'été est dressée sur un sablé diamant croustillant. Le dôme aux couleurs du soleil renferme une crème mousseline veloutée aux pétales de rose, litchi, pamplemousse rose et framboises fraîches ainsi qu’un biscuit moelleux aux amandes. C'est une des dernières créations et elle est estampillée à juste titre par une pastille anniversaire.A propos de sablé diamant, je vous donne le secret de leur réussite. La pâte du sablé est classique, roulée en un boudin de 3 à 4 cm de diamètre, filmé, reposé au froid puis roulé dans un sucre cristallisé avant d'être coupé en rondelles qui seront mises à cuire.La pâtisserie Millet propose tout un assortiment de petits fours secs, depuis le sablé diamant jusqu'à la tuile aux amandes qui sera servie avec la glace, autre délice mais la recette reste confidentielle. Profitez en tant que l'interdiction ne tombe pas. Caroll a de quoi s'agacer. Les menaces sont régulières et il se pourrait qu'un jour les traiteurs n'aient plus le droit de faire eux-mêmes leurs gelées ou leurs glaces, victimes des réglementations inhumaines comme l'ont été les petits producteurs de fromages de chèvre, par exemple.Denis Ruffel fait de l'exceptionnel au quotidien. Sa tartelette aux abricots en fournit une preuve supplémentaire. Les oreillons sont bien en chair. Les Bergerons reposent sur une crème amande onctueuse à la pistache. On est dans le sublime.La verrine de fruits au chocolat ne déroge pas à la règle. Elle est aussi aérienne que les autres.Quant au Murmure, il me fait oublier le Sacher torte dont je raffole.Le fruit est doré, contrastant avec la couleur du bleuet et le vert du grain de pistache. beau et bon, comme tout.
L'adresse est à conserver et à faire circuler. Aucun risque d'avoir un retour négatif, ni sur la qualité ni sur l'ambiance, vraiment sympathique dans la boutique où les clients viennent en connaisseurs avertis chercher leurs commandes sur mesure.
Caroll connait les préférences de chacun, à l'instar des gouvernantes de grand hôtel qui chouchoutent les personnalités comme à la maison. Elle se souviendra du thé ou de la confiture que vous avez achetez.Elle a, sans surprise parce que c'est une référence, un large choix de thés Damann ... (mais elle pourra vous servir un verre de Chateau Lamothe si vous ne buvez pas de thé avec votre plat).
Et les confitures sont maison. Là encore on est dans le domaine du délice. Les fruits sont tranchés fins. Leur peau a été conservée. C'est fondant, pas trop sucré. On m'avait prévenu que cette confiture ne se conservait pas très longtemps, même au frigo. Et pour cause : une cuillerée en appelait une autre. Je comprends Caroll qui s'en fait tout un dîner sur un pain croustillant. Je l'apprécie sur un simple fromage blanc.
L'association poire-cardamone-litchi est merveilleuse. Les autres aussi sans aucun doute. Les yeux fermés, je vous le redis. S'il vous faut une ultime preuve sachez que Jean Millet est connu au Japon dans pas moins de 4 pâtisseries. Ils raffolent de ses gâteaux de voyage qu'ils offrent en cadeau dans de jolies boites.Il faut prendre aussi le temps de lire les textes poétiques que Caroll écrit à la craie sur les ardoises. A l'instar de la carte, ils changent en fonction des saisons. Et à Noël on vous souhaite la Bonne Année dans toutes les langues.
Elevée à l'école de l'exigence, Caroll se donne à 100 % dans le développement de nouvelles idées. Denis Ruffel la suit presque toujours car ses suggestions sont vite des succès. Comme la religieuse Sister Act qui double les parfums avec le praliné et une crème au chocolat du Venezuela sous une collerette en pâte d’amande ... il fallait oser ce péché de gourmandise !On personnalise au maximum. Les couronnes des rois sont dessinées spécialement pour l'occasion. Cette année ce fut encore Sister Act qui a été la source d'inspiration. Celle de l'année précédente fut plus classique, assortie à la couleur orange qui domine dans la boutique.Rien n'est banal. Les fèves sont des copies miniatures des créations de la maison.
On pourra vous faire le sur mesure dont vous avez besoin, pour une cérémonie, comme pour un simple dîner. Si vous êtes nombreux on vous fournira le maitre d'hôtel qui saura réchauffer comme il se doit ce qui aura été préparé. On pratique le service jusqu'au bout de l'assiette.J'attends votre avis désormais ... N'hésitez pas à "tailler la bavette" avec la patronne. Je ne vous ai pas tout dit, loin de là. Je vous laisse déguster aussi en sa compagnie ses souvenirs d'enfance et de vacances ... auprès de Michel Guérard, Paul Bocuse ou des frères Troisgros.
Pâtisserie/Salon de thé/ Traiteur Jean Millet 103 rue Saint-Dominique 75007 Paris Tél. : 01 45 51 49 80Horaires : Mardi – Samedi : de 08:30 à 20:00 et Dimanche : de 08:00 à 17:00