Vous avez été choisi par Daniel Humair. Quel effet cela fait ?
C’est une expérience formidable de partager et donc de faire de la musique avec un musicien de cette ampleur qui a traversé tout un pan de l’histoire du jazz français et international. Il s’est produit avec tout un tas de musiciens américains dans les années 60. C’est un musicien formidable. C’est un honneur de partager la musique avec lui et avec les musiciens de ce quartet, avec Vincent. Ça fait deux ans qu’on joue ensemble. On a enregistré un premier disque. Chaque fois qu’on joue ensemble, qu’on a des concerts, c’est un vrai régal. C’est à chaque fois d’ailleurs une expérience différente parce que la musique peut bouger facilement avec lui ; il est très à l’affut de nos propositions, il propose plein de choses. Il dirait que c’est un groupe très démocratique : on participe tous beaucoup à la musique. Et c’est un état d’esprit que je trouve particulièrement bien.
Daniel Humair dit de vous que vous êtes très doué, que vous connaissez toute la musique. « Emile Parisien c’est certainement LE ou un des 3 ou 4 saxophonistes qui peut concurrencer aujourd’hui toute la scène américaine. Il a tout : il a une connaissance du jazz incroyable, et puis il a un style très personnel et c’est déjà très important parce qu’il se démarque de la scène américaine. Je l’ai entendu on a eu un contact formidable. D’ailleurs les deux solistes, Peirani aussi, ont un sens du rythme absolument incroyable. » Comment parleriez-vous de ce « style très personnel » qui vous démarque de la scène américaine ?
Je ne sais pas comment lui l’entend. De mon côté je ne fais pas attention à ce qui me démarque de la scène américaine. Ce n’est pas mon but de me démarquer de quoi que ce soit, je ne cherche pas à me démarquer. Ce que je cherche à faire, c’est à être le plus honnête possible avec mon instrument, et à raconter ce que j’ai à raconter. Ce qui compte, c’est la manière de dire des choses, avec mon instrument. Je ne sais pas à quel point c’est personnel. Je suis peut-être le plus mal placé pour en parler. Je n’ai pas de recul. Pour moi ce qui compte, c’est de pouvoir m’exprimer comme j’en ai envie, le plus spontanément et honnêtement possible. Et se démarquer, ce n’est pas une recherche particulière.
Pouvez-vous nous parler de Vincent Peirani et de Jérôme Regard ?
On se connaît très très bien, on a enregistré en quartet avec Daniel Humair sous le label Laborie. Entre temps on a fait pas mal de concerts depuis que ce disque est sorti. Même si on se connaît bien, c’est une musique qui nous laisse la possibilité de nous surprendre à tous moments. On a plein de choses à se raconter, à se dire. Les concerts ce sont des discussions ouvertes entre tous les quatre.
On se rencontre avec Vincent dans d’autres contextes, on a enregistré des disques en duo. Et en dehors du contexte musical, on est aussi de très bons amis. Avec Vincent, Jérôme et même Daniel. C’est très important pour la musique qu’on fait qu’on ait cette proximité ça contribue au plaisir qu’on a de jouer ensemble.
Vous avez reçu le Prix du meilleur musicien de jazz. Quel est l’impact de cette récompense ?
Ça fait plaisir, c’est une certaine reconnaissance. Mais, dans tous les cas, je ne fais absolument pas ce métier, qui est aussi ma passion, pour décrocher des prix. C’est loin de mon intention. J’ai été très surpris de me retrouver dans ce genre de contexte. Je pense que la musique n’est pas une compétition je prends pas mal de distance avec ce genre de situation. Ça fait plaisir, mais ça en reste là. Je n’ai pas envie d’aller chercher d’autres prix.
Vous avez d’autres projets, comme l’hommage à Ornette Coleman ou autour du Syndicate ; comment combinez-vous tous vos projets?
C’est stimulant et c’est toujours enrichissant de découvrir des compositeurs et d’essayer de leur rendre hommage tout en y mettant un peu du sien, un peu de sa personnalité. Le répertoire de ces gens là, Joe Zawinul pour le Syndicate ou Ornette Coleman, ce sont des monuments dans l’histoire du jazz. C’est intéressant de rentrer en profondeur dans des musiciens comme ça, de comprendre leur parcours, leur musique, de l’interpréter le plus possible sans dénaturer ces compositeurs et ces œuvres. Tout en y mettant un peu du sien. C’est enrichissant, vraiment.
Et vos autres projets ?
Je joue dans ce quartet, qui existe depuis bientôt dix ans. On va fêter les dix ans en 2014 et on a enregistré trois disques sous le label Laborie. On va en enregistrer un 4e pour fêter ces dix ans. J’espère qu’on fêtera les 20 ans.
C’est une histoire très très importante pour moi, qui m’a permis de jouer une autre musique, de découvrir l’univers musical dont je me sens le plus proche, qui est le plus proche de ce qu’on a à dire. Et c’est une histoire humaine formidable avec des musiciens incroyables : chercher des échanges, se remettre en question. Je suis très heureux d’ avoir réussi d’être allé déjà jusque là. Et je suis assez fier, j’espère qu’on ira le plus loin possible.
Quand on sort un disque, on fait une tournée avec pas mal de concerts, après on se repose un peu puis on part se nourrir de l’extérieur en participant à d’autres projets, en rencontrant d’autres personnes pour mettre au sein du quartet de nouvelles expériences. Puis après on retravaille, on réécrit de la musique et ainsi de suite.
Dans le cycle, aujourd’hui c’est la période où on va se remettre à travailler pour préparer un nouveau répertoire pour 2014.
Et vous qui êtes Lotois, que représente pour vous de venir jouer à Souillac ?
Le contexte a toujours été important et a agi sur la musique. Je suis allé à Souillac écouter des concerts, je me rappelle Archie Shepp il y a quatre ou cinq ans.
Je trouve le cadre magnifique, très fort et c’est très agréable de jouer dans ce genre de cadre. Ça fait plaisir. Il y a une âme et c’est très important. Ça agit certainement sur la musique, on se sent bien, on sent que les vibrations sont fortes. Je suis assez sensible aux lieux. Après, dans ce lieu, vous rencontrez un public. Tout ça crée une alchimie pour un concert.
Je suis très très fier et je suis ravi, étant lotois, de venir jouer à Souillac dans ce contexte de musique. C’est un concert particulier, ça fait vraiment plaisir de jouer dans le Lot.
(Réalisé le 25 juin par MFG au téléphone)