A – C’est une vision malthusienne, tout simplement.
B – Malthusianiste.
A – Comment?
B – On dit comme ça mais qu’importe. J’assume. Mais c’est limitatif. Ce que je dis, c’est que le paradoxe pourrait se résumer ainsi : soit nous privilégions la croissance, et alors nous devons détruire notre planète, accentuer les inégalités entre les personnes d’une même nation et aussi entre nations, quitte à devoir soumettre à nouveau l’Afrique, pour finalement engager l’humanité sur le chemin de sa perte, avec inévitablement une bonne guerre en conclusion, soit nous engageons le pays sur la voie de la raison, de l’équilibre, de la qualité, ce qui implique moins d’utilisation de ressources, une optimisation de l’ensemble des actions, donc une perte nette de PIB et, pour compenser les destructions massives d’emploi, un partage généralisé et réel (pas comme pour les 35 heures) du temps de travail où beaucoup y perdront en pouvoir d’achat immédiat, même si ce dernier se rétablira relativement dans le temps, car on orientera la consommation vers le moins et mieux. En bref : si on veut durable, il faut une révolution qui permettra de tout rééquilibrer et accepter quelques années de souffrances pour dans dix à vingt ans avoir une société heureuse et prospère (ce qui ne veux pas dire basée sur l’argent); mais si on veut être réélus dans quatre ans, il faut des mesures qui favorisent l’investissement immédiat et créent des emplois rapidement, même si cela n’aura qu’un effet retardateur sur la chute finale.
A – Mouais. Bon. C’est pas que je n’aime pas discuter avec toi, mais le conseil est dans une heure et nous n’avons pas fixé l’ordre du jour.
B – Tu veux dire que nous n’avons pas décidé s’il fallait le revoir. L’ordre du jour est fixé selon les modalités de la constitution.
A – Si tu veux, mais alors : On ajoute un point sur la moralisation?
B – Je ne sais pas. J’hésite.
A – Ecoute, c’est toi le Président, hein? Moi j’ai déjà l’assemblée, les ministres, la presse, le quotidien… tu décides, j’applique.
B – Ce qu’il faudrait, c’est une bonne dictature.
A – Comment?
B – Oui, quoi. Et pas au niveau de la France, on se ramasserait car avec ce putain de nucléaire on en a pour cinquante ans de dépendance énergétique. Non. Au niveau d’un ensemble comme l’Europe. Oui. Comme ça. Un type qui imposerait toutes les réformes sans que l’on puisse répliquer… Même pas tien. Il ne s’agit même plus de réformer. Non, c’est trop tard. Le type reconstruirait tout. Etablirait les équilibres, assurerait une vision à long terme de la société et garantirait sa stabilité. Il aurait les pleins pouvoirs pendant une période donnée et pourrait éventuellement étouffer les contestations des corporations trop enclines à protéger leurs petits intérêts. Il serait entouré de philosophes et regarderait l’ensemble pendant une période définie, par exemple dix ans. Oui. Il faut au moins cela. Pendant dix ans le peuple, via les parlementaires, lui donnerait les pleins pouvoirs pour refondre (je trouve ce terme plus pertinent que refonder) la société et ses équilibres. Puis il redonnerait le pouvoir au peuple une fois le système stabilisé et performant. Il y aurait un peu de casse, mais au moins on aurait sauvé durablement un ensemble de centaines de millions de personnes… je suis désolé mais je crois que la seule possibilité de salut passe par cette étape.
A – Bon. Et pour le conseil des ministres?
B – Quoi, le conseil des ministres?
A – Quel message doit-on faire passer?
B – Le même que d’habitude : Le gouvernement travaille au redressement économique et moral de la Nation.