Le Quatuor: film classique?

Publié le 17 juillet 2013 par Unionstreet

Union Street s’adressant essentiellement aux fins mélomanes amateurs de musique classique proches la cinquantaine, « Le quatuor » est donc sans aucun doute un film très attendu par le lectorat.
La première fiction de Yaron Zilberman suit le parcours d’un quatuor apprenant que leur violoncelliste atteint de la maladie de Parkinson est contraint de mettre fin à sa carrière prématurément alors que le groupe est sur le point de débuter une importante tournée.
Traitant d’un sujet rare qu’est l’amour de la vraie musique et de ceux qui en vivent, l’histoire de ce petit ensemble de musique de chambre sous ses couches de problématiques un peu balourdes nous convie à certaines réflexions plus profondes et originales.

Au-delà de ses aspects graves et de son intellectualité rarement racoleuse ce film bourgeois vogue sur plusieurs tableaux, allant des sujets les plus intéressants au pur mélodrame adulte traitant de crises existentielles et autres peines de cœur. Cet aspect gênant dans ses propos plus conventionnels, parfois maladroit ne ternit pourtant pas l’oeuvre qui est une agréable surprise. On est séduit par son luxueux casting et l’amour obsessionnel que voue l’ensemble à la musique, centre de leurs vies.
Porté par une bande originale exemplaire l’opus 131, chef d’oeuvre de perfection chargé d’émotions et de profondeur composé par Beethoven côtoie entre autre certaines compositions du fabuleux  Angelo Badalamenti.

Le portrait un brin misérabiliste du violoncelliste devant affronter la maladie peu après avoir perdu sa femme laisse étrangement indifférent, tant sa tentative de n’être qu’un regard jamais lourd posé sur le déclin de cet homme subit tout l’effet inverse de ses intentions. Reste une bonne occasion de retrouver Christopher Walken dans un film plus apte à explorer son talent que les dernières médiocrités sorties directement en DVD, voir pas du tout auxquels il a participé. Touchant et authentique en virtuose impuissant qui voit son talent lui échapper, immobilisé par la maladie, Walken rattrape le manque de sincérité sur le papier et réussit à nous toucher à l’écran. L’incertitude qu’il éprouve face à ses capacités à remonter sur scène et jouer une fugue qui ne permet aucune pause pour ses interprètes forme le souci principal du film, parfois malhabile, parfois très juste et sauvé par le talent du comédien.


Celui qui étonne et captive particulièrement l’attention, c’est Philip Seymour Hoffman qui excelle comme à son habitude, dessinant un personnage complexe et frustré en quête d’épanouissement. Insatisfait de son éternel poste de second violon, dans une situation amoureuse délicate et caduque, il est le centre du film dont les problèmes existentiels sont principalement ceux qui réussissent  à impliquer et intéresser le spectateur. Sa recherche de légitimité au sein du groupe, son envie de sortir des sonorités convenues et installées au fil des années évitant les prises de risque, sont des sujets très séduisants car singuliers.
Quant au rigide Mark Ivanir, premier violon de l’ensemble, il laisse de bois. N’attirant aucune sympathie et ne dégageant pratiquement pas émotion on se demande s’il a réussi son coup où s’il s’est simplement contenté de lire son texte tant il est neutre. Il ne fait pourtant pas tâche et son personnage irritant s’intègre parfaitement à la dégradation des rapports touchant les protagonistes du film.

Coté féminin on aime toujours autant Catherine Keener et on tombe à nouveau amoureux de la beauté délicatement sidérante d’ Imogen Poots vue récemment dans « A Very English Man ». La jeune actrice mutine mais mature est une belle révélation. Si son visage angélique est la première chose qui nous frappe, le plaisir de la revoir cette année est également dû à son talent évident.

Crises existentielles pour les uns, romance ou maladie pour les autres, servi par un casting de premier choix, le film s’il n’épate ni ne bouleverse est un agréable moment d’acteurs et de grande musique que l’on aurait tort de renier.
Paisible, inégal mais franchement agréable, à apprécier un dimanche soir après une tisane et une pipe au coin du feu « Le Quatuor » ravira les amateurs de musique de chambre, de Beethoven et de mélodrames. Surtout, il séduit par son fond et l’exploration des rapports entre les êtres après des années de réussite et la peur de voir s’effriter, impuissant, un ensemble qui doit se remettre en question lorsque l’amitié, le travail et le talent sont mélangés.

En prime, point fort du film: la bande originale.

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