Le dossier législatif de ce projet de loi, défendu par Mme Marylise Lebranchu peut être consulté ici.
Un nouveau principe mais de portée limitée : le silence de l'administration vaut accord (dans certains cas)
Le projet de loi a tout d'abord pour objet de modifier (Article 1er A) les articles 20, 21 et 22 de la loi n°2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
En premier lieu, l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 sera complété par cette phrase : « Si l’autorité informe l’auteur de la demande qu’il n’a pas fourni l’ensemble des informations ou pièces exigées par les textes, le délai ne court qu’à compter de la réception de ces éléments. ». Il s'agit d'une clarification bienvenue sur le point de départ des délais d'instruction.
En second lieu, l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 est rédigé de manière à prévoir :
« Art. 21. – I. – Le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision d’acceptation.
« Le premier alinéa n’est pas applicable et le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut décision de rejet :
« 1° Lorsque la demande ne tend pas à l’adoption d’une décision présentant le caractère d’une décision individuelle ;
« 2° Lorsque la demande ne s’inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d’une réclamation ou d’un recours administratif ;
« 3° Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret ;
« 4° Dans les cas, précisés par décret en Conseil d’État, où une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection des libertés, la sauvegarde de l’ordre public ou des autres principes à valeur constitutionnelle ;
« 5° Dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents"
Cet article restreint cependant considérablement la portée du principe selon lequel le silence de l'administration vaut accord. C'est ainsi que ce principe ne s'appliquera pas pour les demandes de décisions individuelles... Ainsi, pour la plupart des demandes formulées par les administrés, le principe restera celui selon lequel le silence vaut rejet de la demande, passé un délai (inchangé) de deux mois. C'est en réalité pour les décisions réglementaires et d'espèce que le nouveau principe vaudra.
Outre une portée ainsi restreinte, l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 prévoit bien entendu des exceptions au principe selon lequel le silence de l'administration vaut accord :
« II. – Des décrets en Conseil d’État et en Conseil des ministres peuvent, pour certaines décisions, écarter l’application du premier alinéa du I eu égard à l’objet de la décision ou pour des motifs de bonne administration. Des décrets en Conseil d’État peuvent également fixer un délai différent de celui que prévoient les deux premiers alinéas du I, lorsque l’urgence ou la complexité de la procédure le justifie.
« III. – La liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre. Elle mentionne l’autorité à laquelle doit être adressée la demande, ainsi que le délai au terme duquel l’acceptation est acquise. »
La publicité et le certificat des décisions implicites d'accord
Précision bienvenue : en cas d'intervention d'une décision administrative implicite, sa publicité sera assurée au moyen de la publicité de la demande sur laquelle le silence a été conservé, laquelle sera assuré par l'administration "le cas échéant par voie électronique".
« Art. 22. – Dans le cas où la décision demandée peut être acquise implicitement et doit faire l’objet d’une mesure de publicité à l’égard des tiers lorsqu’elle est expresse, la demande est publiée par les soins de l’administration, le cas échéant par voie électronique, avec l’indication de la date à laquelle elle sera réputée acceptée si aucune décision expresse n’est intervenue.
« La décision implicite d’acceptation fait l’objet, à la demande de l’intéressé, d’une attestation délivrée par l’autorité administrative.
« Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »
A noter : la création d'une procédure de certificat de décision implicite.
Le projet de loi prévoit le recours aux ordonnances de l'article 38 de la Constitution pour finaliser cette réforme.
De nouvelles mesures de simplification administrative
Le projet de loi voté hier par le Sénat prévoit également le recours aux ordonnances pour adopter de nouvelles mesures de simplification administrative :
"I. – Le Gouvernement est habilité, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, à prendre par ordonnance des dispositions de nature législative destinées à :
1° Définir les conditions d'exercice du droit de saisir par voie électronique les autorités administratives et de leur répondre par la même voie ;
2° Définir les conditions dans lesquelles peuvent être communiqués aux pétitionnaires les avis préalables recueillis sur leurs demandes, conformément aux dispositions législatives et réglementaires, avant que les autorités administratives n'aient rendu leur décision, en particulier lorsque la communication de ces avis et de leur motivation lorsqu'ils sont défavorables est de nature à permettre à la personne concernée de modifier ou compléter sa demande et de réduire le délai de réalisation de son projet ;
3° Élargir les possibilités de recours aux technologies permettant aux organes collégiaux des autorités administratives de délibérer ou de rendre leur avis à distance, dans le respect du principe de collégialité.
Sont considérés comme autorités administratives au sens des 1° à 3° les administrations de l'État et des collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif."
Ces mesures vont sans aucun doute dans le bon sens. On notera qu'elles ont pour caractéristique commune d'utiliser internet et les communications électroniques.
Code relatif aux relations entre les administrations et le public
Le code administratif existe déjà mais n'avait pas encore de valeur juridique mais uniquement éditoriale. L'article 2 du projet de loi qui vient d'être voté par le Sénat prévoit la création d'un nouveauu code : le code relatif aux relations entre les administrations et le public.
"Article 2
I. – Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par ordonnance à l'adoption de la partie législative d'un code relatif aux relations entre les administrations et le public.
II. – Ce code regroupe et organise les règles générales relatives aux procédures administratives non contentieuses régissant les relations entre le public et les administrations de l'État et des collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes chargés d’une mission de service public. Il détermine celles de ces règles qui sont en outre applicables aux relations entre ces administrations et entre ces administrations et leurs agents. Il rassemble également les règles générales relatives au régime des actes administratifs [ ]. Les règles codifiées sont celles qui sont en vigueur à la date de la publication de l'ordonnance ainsi que, le cas échéant, les règles déjà publiées mais non encore en vigueur à cette date."
Nouvelles règles pour les démarches administratives non contentieuses
Peut-être la partie la plus importante du projet de loi : son artice 2 prévoit également l'intervention d'une ordonnance pour simplifier, clarifier et moderniser le régime d'élaboration des décisions administratives :
"III. – Le Gouvernement est autorisé à apporter aux règles de procédure administrative non contentieuse les modifications nécessaires pour :
1° Simplifier les démarches auprès des administrations et l'instruction des demandes, en les adaptant aux évolutions technologiques ;
2° Simplifier les règles de retrait et d’abrogation des actes administratifs unilatéraux dans un objectif d'harmonisation et de sécurité juridique ;
3° Renforcer la participation du public à l'élaboration des actes administratifs ;
4° (Supprimé)
5° Assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l'état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions, codifiées ou non, devenues sans objet ;
6° (Supprimé)
7° Étendre les dispositions de nature législative ainsi codifiées en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans le respect des compétences dévolues à ces collectivités, ainsi qu'aux îles Wallis et Futuna, et adapter, le cas échéant, les dispositions ainsi codifiées en Nouvelle-Calédonie et dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution ;
8° Rendre applicables à Mayotte les dispositions de nature législative ainsi codifiées issues des lois qui ne lui ont pas été rendues applicables.
IV. – Cette ordonnance est prise dans un délai de vingt‑quatre mois suivant la publication de la présente loi.
V. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance".
La simplification des règles de retrait et d'abrogation des décisions administratives est une excellente nouvelle et il faut espérer que ce chantier aille à son terme. Le système actuel est d'une complexité déconcertante pour les administrés (et pour les juristes aussi !).
Modification du code de l'expropriation
L'article 3 du projet de loi prévoit une modification du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :
"I. – Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par ordonnance à la modification du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique afin d'y inclure des dispositions de nature législative qui n'ont pas été codifiées, d'améliorer le plan du code et de donner compétence en appel à la juridiction de droit commun.
Il peut également apporter les modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l'état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions, codifiées ou non, devenues sans objet.
En outre, le Gouvernement peut étendre, le cas échéant avec les adaptations nécessaires, l'application des dispositions ainsi codifiées en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna.
II. – Les dispositions codifiées sont celles qui sont en vigueur à la date de la publication des ordonnances ainsi que, le cas échéant, les règles déjà publiées mais non encore en vigueur à cette date.
III. – L'ordonnance est prise dans un délai de douze mois suivant la publication de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance."
Je reviendrai ici sur l'avancement de ce projet de loi.
Arnaud Gossement
Selarl Gossement avocats