- Etats-Unis
- Iran
A la suite d'un dialogue avec Eric H., voici quelques aperçus des différentes vues américaines de l'Iran : Elles sont plus diverses qu'elles n'en ont l'air et que ne le suggère l'illustration.
D'abord, je crois qu'il n'y pas de vue "monolithique" à Washington, et que si nous avons tous tendance à personnaliser les politiques étrangères (le biais est classique et connu), il faut s'en méfier.
A Washington, il y a plusieurs discours en concurrence.
- - Un discours classique qui habille l'Iran d'axe du mal (pour faire simple) avec plusieurs ressorts : anti-islamisme (choc des civilisations), soutien à l'allié saoudien (accès au pétrole), saoudien à l'allié israélien (Iran comme croquemitaine qui justifie une politique virile et robuste).
- - un discours plus nuancé, plus descriptif, et qui voit les manœuvres de l'Iran : a minima, une posture gaullienne (ou néo-gaullienne) d'indépendance nationale, et au plus, celle d'un acteur qui a la volonté d'agir sur son environnement, à l'ouest (proche orient) et à l'est (Asie centrale, face à un Pakistan nucléaire, avec qui Téhéran a une frontière commune et malaisée, le Baloutchistan, qui pose problème d'ailleurs tant à Téhéran qu'à Islamabad).
- - un discours plus audacieux, encore sotto voce, qui voit la possibilité d'un basculement d'alliance (pour tout dire, pas très audible publiquement à Washington, mais je l'ai entendu à Paris) : en clair, pourquoi s'encombrer des sunnites, quand l'Iran et l'Irak chiite apportent énormément de pétrole (et que les huiles de chistes abaissent la dépendance américaine au pétrole, redonnant une liberté de manœuvre inconnue depuis 40 ans) ?
Pour dire les choses simplement : Washington est passé d'une attitude très hostile envers l'Iran (axe du mal, terrorisme, islamisme) à une attitude plus souple et transigeante, à cause de la défaite d'Ahmadinedjad, de négociations sur le nucléaire, du succès de l'embargo, de l'influence réelle conquise par Téhéran sur son environnement (notamment sur l'Irak, mais aussi sur la Syrie). Si le discours officiel reste celui de l'endiguement, on observe des possibilités de transaction qui eussent été impensables il y a quelques années.
O. Kempf