(Cinematic Music Group)
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Le rap new-yorkais n’est pas mort. A la peine depuis plusieurs années par manque d’originalité, il refait aujourd’hui surface grâce à cette nouvelle génération, la première à avoir vraiment grandi pendant l’âge d’or du rap US – comprendre le début des 90′s- et bercée sous les coups de génie de Biggie, Jay-Z, Nas, Wu Tang ou Mobb Deep. Une génération de fans donc qui connaît tout les codes du genre et forcément nostalgiques de l’ambiance de l’époque sans oublier pour autant de vivre dans son temps. Et après A$ap Rocky, c’est au tour de Joey Bada$$ de créer l’engouement.
Le cas de « Jo-Vaughn » est tout à fait singulier puisque le membre de Pro-Era n’était pas né à la sortie d‘Illmatic ou de Ready to Die! A tout juste 18 ans, il est aujourd’hui le fer de lance de tous ces gamins qui ont à peine eu le temps de connaître l’époque des CD et n’ont jamais vu des K7 de mixtapes passées sous le manteau.
Et pourtant l’esprit NYC lui colle à la peau depuis les premiers sons entendus alors qu’il avait tout juste 16 ans. Quand la clique A$ap essaie de sortir du carcan « Grosse Pomme 96″, Joey tente, lui, de lui redorer le blason. Une posture qui lui permet de plaire autant aux backpackers de 30 berges qu’aux petits de sa génération, découvrant ainsi à travers ce prisme, tout un pan de l’histoire de la musique. Autant dire que les attentes autour de Bada$$ sont grandes et sans doute lourdes pour ses frêles épaules.
A l’heure de la sortie de son EP/mixtape, dernière étape avant le premier véritable album, il est temps de faire le point et jauger la suite des événements pour ce phénomène de précocité qui n’est pas sans rappeler l’un de ses glorieux ainés qui trainait aussi avec Dj Premier…
Car oui, la première chose à laquelle Joey Bada$$ va devoir faire face, c’est la multiplication des comparaisons. Forcément réducteur mais difficile de ne pas penser à Nas par exemple dans le parallélisme du début de carrière. Et difficile d’en faire abstraction aussi à l’écoute de ce Summer Knights très fortement imprégné de cette ambiance old school de New-York. On peut d’ailleurs regretter que la jeune garde censée remettre la ville tout en haut de la carte du rap n’essaie pas de se détacher de cette étiquette qui commence à gratter et sentir la naphtaline. On est vraiment sur du basique de chez basique de ce que NYC a connu depuis 20 ans aussi bien dans la production que dans la façon de rapper. De Nas en passant par Smiff’N'Wessun (le mimétisme est d’ailleurs énorme sur 47 Goonz) ou Sean Price et sa fumeuse bande (Satellite), c’est une véritable rétrospective que l’on vit au fil des tracks.
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Joey Bada$$ – Satellite (feat. Chuck Strangers, Kirk Knight & Dessy Hinds)
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Reste qu’avec la fougue de ses jeunes années et un certain style au micro, Bada$$ parvient à nous faire apprécier ce back to basics. Bien plus que tous ces vieux de la vieille qu’on a aimé (et qu’on aimera toujours) et qui se sont enfermés dans le genre au point de ne plus faire avancer le mouvement.
Il n’a pas forcément une technique exceptionnelle à la Pharoahe Monch mais son discours lucide pour son âge, sa voix et son charisme accroche notre oreille. Tout comme certaines productions – notamment celle de Lee Bannon, lui aussi jeunot influencé pour le coup par les Pete Rock et Large Pro- qui collent parfaitement avec le style du rappeur.
De la track 6, Sweet Dreams, à la track 13, on est sur du très haut niveau, à tel point que l’on se prend à imaginer un album au format court sur lequel ces différents titres formeraient le coeur du disque. Et on serait sur le chemin du grandement costaud. Avec en point d’orgue l’énormissime 95 til Infinity, qui ne fait pas défaut au côté du titre du même nom de Soul of Mischief.
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Joey Bada$$ – 95 til Infinity
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Joey Bada$$ – Sit N Prey (feat. T’nah Apex & Dessy Hinds)
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Mais nous en sommes encore ici au stade de la mixtape avec l’esprit fourre-tout que cela signifie. Sur les 17 titres et l’heure de « jeu », il y a pas mal d’écrémage à faire, en début et fin de parcours surtout. Un Death of YOLO, Reign ou #LongLiveSteelo peuvent disparaître sans aucun soucis par exemple. Et comme par hasard, c’est lorsqu’il essaie de changer d’ambiance pour coller à quelque chose dans l’air du temps qu’il est le moins fort. Paradoxal quand on aimerait quand même un peu d’originalité dans ce monde de brutes.
Sauf qu’il n’est jamais aussi bon que lorsqu’il vient poser sa dégaine tout en chill sur des vieilles choses. Et c’est peut être ça son atout majeur, ce qui lui permet de faire le pont entre vintage et 2K10′s. Comme si un IPhone rencontrait un vieux Polaroïd pour sortir des photos numérique couleur sépia. Et ça se voit également dans l’apport extérieur où Alchemist, Statik Selektah, Odissee et Primo rencontrent des Lee Bannon, Chuck Strangers, Kirk Knights et autres « petits ». L’art du grand écart.
Sans subir la pression plus que ça, Joey Bada$$ continue d’avancer à grand pas sur le chemin de la gloire. La prochaine étape sera sans doute la plus compliquée et on en a vu d’autres grands espoirs se brûler les ailes à ce moment précis (Papoose, si tu nous lis). A lui d’être assez fort et assez bien accompagné pour nous livrer le grand album que l’on attend tous. Il en a les moyens et vient de le prouver avec ce disque en forme de préliminaires.
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Tracklist: 1. Alowha 4:41
2. Hilary Swank 3:23
3. My Youth (feat. Collie Buddz) 4:20
4. Death of YOLO (feat. Smoke DZA) 4:24
5. Right on Time 3:24
6. Sweet Dreams 3:42
7. 47 Goonz (feat. Dirty Sanchez & Nyck Caution) 3:06
8. Word is Bond 3:20
9. Sit N Prey (feat. T'nah Apex & Dessy Hinds) 4:40
10. Trap Door 2:52
11. Satellite (feat. Chuck Strangers, Kirk Knight & Dessy Hinds) 5:04
12. 95 til Infinity 4:27
13. Amethyst Rockstar (feat. Kirk Knight) 3:55
14. Reign 4:49
15. Sorry Bonita (Pro Era) 5:48
16. #LongLiveSteelo 2:51
17. Unorthodox 3:37
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