Le 14 juillet, les militaires défilaient sur les Champs-Élysées, l'occasion pour un président en exercice de se faire huer et pour les chaînes de télévision d'offrir aux Français une revue de la grandeur de nos forces armées aux équipement surannés et aux avions invendables.
C'était l'occasion pour François Hollande de faire preuve d'un optimisme de bas étage auquel plus personne ne croit, sauf peut-être lui.
C'était aussi l'occasion pour Christiane Taubira de s'épancher sur la richesse des riches et la pauvreté des pauvres, dans un texte invraisemblable relayé par le Huffington Post dont le seul mérite littéraire est de citer René Char pour évoquer un défilé.
La police arrêtait sans motif des badauds qui ont le tort d'évoquer une police politique et les arrestations sans motif ayant lieu depuis des mois. La presse, toujours aussi indépendante, s'applique à ne pas évoquer les pillages consécutifs à la catastrophe ferroviaire survenue deux jours plus tôt ni les heurts traditionnels lors de la fête nationale.
Xavier Cantat, compagnon de Cécile Duflot, affirmait sa fierté de ne pas assister au défilé, comme s'il s'agissait d'un acte militant. Autre acte militant, un nouveau timbre était dévoilé, à l'effigie d'une Marianne inspirée d'une des fondatrices du mouvement Femen. Un choix qui, soyons en sûrs, favorisera la fraternité entre les Français, autour de cette loi qui fait l'unanimité ; et un moyen de calmer des opposants prompts à évoquer les valeurs et symboles, qui apprécieront le clin d’œil sarcastique qui leur est adressé. À ma gauche, les militants, applaudissements pour leur courage ; à ma droite, les ennemis du progrès, bouh les rétrogrades ; le tableau est dressé.
Les Français, eux, huaient le président qu'une minorité d'entre eux a élu, ou ne prennent même pas cette peine. Ils cherchent celui ou celle qui le remplacera, sans comprendre que ce n'est pas l'homme qui est responsable de la situation, ni même la classe politique dans son ensemble et leurs prédécesseurs – dont on a certes envie de dire qu'ils sont et étaient tous pourris – mais le système qui leur permet de disposer d'un pouvoir qu'aucun homme ne devrait jamais avoir sur ses concitoyens.
Pendant ce temps-là, les ambassades invitaient comme chaque année les Français de l'étranger à savourer champagne et petits fours aux frais de la princesse, dans la plus belle tradition française de splendeur et générosité avec l'argent du contribuable. Les feux d'artifice – toujours aux frais du contribuable – ravissaient les enfants. Il faut dire que les artificiers professionnels et amateurs avaient longuement répété, en incendiant à l'occasion un bus de la RATP.
Quelques voitures aussi, mais ça non plus, on n'en parle pas. La police est sans doute trop occupée à disperser des manifestants qui luttent contre une loi qui ne nuit à personne mais est devenue leur combat d'un jour, le point saillant de leur contestation de la présidence de François Hollande. Dictature socialiste, police politique, c'est effarant, on n'a jamais vu ça dans une démocratie...
Pourtant, c'est assez logique. Dans une démocratie, la majorité décide pour l'individu dont les droits sont soumis au vote. L’État décide de ce qu'est l'éducation, ce qu'est une famille, combien on prend à qui et combien on donne à qui, et lutter contre une décision prise sur l'un de ses sujets est peine perdue : c'est contre l'idée même que le collectif est supérieur à l'individu qu'il faut lutter. Peu importe le système ; tant que les droits individuels ne sont pas garantis, c'est un mauvais système.
Le 14 juillet, les Français commémorent des idéaux de liberté qu'ils écrivent encore sur le fronton de leurs mairies : liberté, égalité, fraternité. Ils ne prennent malheureusement pas assez le temps de réfléchir sur cette devise ; ils comprendraient alors qu'elle promeut une égalité des droits, pas des conditions.
Ils comprendraient qu'on ne peut être libres en étant parfaitement égaux.
Les hommes n'étant pas dotés des mêmes capacités, s'ils sont libres, ils ne seront pas égaux, et s'ils sont égaux, c'est qu'ils ne sont pas libres. (Alexandre Soljenitsyne)
Ils comprendraient qu'il faut se battre pour que chacun puisse choisir pour lui-même, pas pour que les choix qui sont faits pour tous soient ceux qu'ils auraient fait pour eux-mêmes.
Ils comprendraient ce qu'est la liberté.
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Et si on reprenait nos vies ?