En faveur de « l’Esquive »
J’ai évoqué dans ce blog le travail que je fais en classe autour de certains films et notamment « l’Esquive » : (opération « Collège au cinéma ») Voici une correction que je leur distribue après leur avoir demandé de rédiger une lettre dans laquelle ils devaient argumenter en faveur de l’Esquive… On avait au préalable défini quelques arguments en classe…
Argumentation à partir de « l’Esquive »
Proposition de correction axée sur l’usage des arguments
NB : la correction
qui suit s’efforce de montrer qu’on peut parler d’un film en s’appuyant sur des arguments. Ces arguments doivent toujours être expliqués puis illustrés (partie en italiques). Chaque argument doit
être la base d’un paragraphe et s’enchaîner naturellement avec l’argument qui précède (souvent à l’aide de mots de liaison ou connecteurs logiques)…
J’ai d’abord admiré à quel point ce film parvient à nous intéresser
à partir d’une intrigue très simple et dépouillée… (De quoi parle l’Esquive ?...)
Au bout du compte, ce qui m’a paru particulièrement intéressant dans ce film, c’est la façon dont le réalisateur traite des sentiments. Krimo aime Lydia mais hésite avant de le lui avouer, Lydia aime Krimo mais préfère la situation de séduction. Elle apprécie que le garçon lui fasse la cour, qu’il la regarde, la convoite au point de réclamer le rôle d’Arlequin pour pouvoir jouer à ses côtés.
Et c’est là que le film réalise un intéressant tour de passe-passe… Il analyse avec justesse les subtils rapports que peuvent entretenir le théâtre et la réalité. Les jeunes qui jouent Marivaux (Krimo et Lydia) sont rattrapés par la fiction. En effet, dans cette pièce du Jeu de l’Amour et du hasard, qu’a choisi de leur faire jouer leur professeur de français, c’est précisément le fameux « marivaudage » qui est en jeu. Lisette est une simple servante, mais sa maîtresse lui demande de la remplacer auprès de celui que son père lui a désigné pour mari. Et de fait, Lisette acquiert le droit de « jouer à la maîtresse ». Le rôle lui tient tant à cœur qu’elle exige du pressant Arlequin qu’il modère ses ardeurs et qu’il joue avec elle le jeu de la séduction, exactement comme les maîtres… Tant qu’il n’aura pas appris les belles manières et le beau langage, elle s’amusera à « esquiver » Lydia ne désire pas autre chose de Krimo… Le baiser, ce sera pour la fin, quand elle l’aura décidé mais certainement pas pendant les répétitions.
On voit donc dans ce film que non seulement les personnages s’identifient à ceux qu’ils jouent dans la pièce mais aussi que la situation dans laquelle ils sont
plongés (la réalisation d’une pièce du registre soutenu dans le cadre de la banlieue) amène le spectateur à une prise de conscience d’ordre politique. Si
ces jeunes défavorisés sont capables de se hisser au niveau de distinction du théâtre de Marivaux, tout comme Lisette est capable de se hisser au niveau de sa maîtresse, alors le théâtre prend
tout son sens. Il offre au spectateur l’occasion d’une réflexion sur la place de chacun dans une société où les choses bougent et où le langage est un fabuleux moyen de
communication…
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par Eric Bertrand publié dans : Cinéma
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